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Les Seigneurs de Mont-Réal et de la terre d'Outre le Jourdain

Je reprendrai très sommairement, ici, la série des seigneurs de Karak et de Mont-Réal, à laquelle il y a quelques additions à faire : ROMAIN du PUY fut le premier seigneur de la Terre au-delà du Jourdain. On le voit figurer comme témoin de divers actes des rois et Baudouin II, entre les années 1110 et 1113 (1). Il paraît avoir reçu ce fief vers 1118 (2) et en avoir été dépossédé, ainsi que son fils Raoul, antérieurement à 1128; date à laquelle : PAYEN souscrit, comme seigneur de Mont-Réal, un acte de Guillaume de Bures, et, en 1132, une donation faite par le même seigneur au Saint-Sépulcre (3). Ce fut lui qui, en 1142, fit élever le château de Karak, dit de la Pierre du Désert. Il assista à l'assemblée d'Acre en 1148 (4).

MAURICE, son neveu, lui succéda antérieurement à l'année 1152, année où il donne le casal de Benisalem à l'Hôpital (5). En 1154 (6), il prit part comme seigneur de Mont-Réal au siège d'Ascalon.

PHILIPPE DE MILLY reçut, le 31 juillet (7) 1161, du roi Baudouin III, en échange de la seigneurie de Naplouse, Karak, Mont-Réal et Saint-Abraham (8). Philippe était fils de Gui de Milly; sa mère, Stéphanie, était cousine de Payen, bouteillier du royaume et seigneur de Mont-Réal.
D'après Etienne de Lusignan (9), Isabelle, femme de Philippe de Milly, aurait été fille de Maurice, neveu et successeur de Payen dans les seigneuries de Mont-Réal et de Karak (10).
De ce mariage, Philippe eut trois enfants : un fils, Renier, mort sans postérité, et deux filles, Hélène et Stéphanie, nommée aussi Étiennette, tous trois vivants le 3 juillet 1155 (11).
Stéphanie épousa, vers 1163, Homfroy III de Toron, fils du connétable, dont elle eut un fils, Homfroy IV et une fille Isabelle.
Hélène semble avoir été mariée à Gautier III Brisebarre, seigneur de Barut, que l'on voit paraître avec le titre de seigneur de Mont-Réal, le 18 novembre 1168 (12), c'est-à-dire alors qu'il avait déjà cédé au roi Amaury Ier la seigneurie de Barut.
Ce serait donc au temps de Payen ou de Maurice, durant l'enfance de Stéphanie, que Saladin, fort jeune alors, aurait été prisonnier au château de Karak, car Stéphanie figure dés le 3 juillet 1155 comme accordant son consentement à une donation de son père (13), ce qui suppose qu'elle avait alors au moins douze ans.
Il est évident que le fief de Mont-Réal avait été apporté à Gautier III de Barut par sa femme et probablement en compensation de l'abandon fait à Homfroy de Toron, son beau-frère, de ses droits sur Bélinas.
De son mariage avec Hélène de Milly, Gautier ne parait avoir eu qu'une fille nommée Béatrix (14). Elle doit être morte jeune, car elle est inconnue à l'auteur du Lignage, et son père ne semble pas avoir conservé longtemps la seigneurie de Mont-Réal, puisque le 24 février 1174 il paraît, dans un acte du roi. Amaury Ier, comme seigneur de la Blanche-garde, fief que ce prince lui avait donné en échange de Barut.
Philippe de Milly devenu veuf et ayant fait profession dans l'ordre du Temple vers 1167 (15), ses fiefs passèrent à-sa fille Stéphanie, qui était probablement seule survivante alors de ses trois enfants ;
Postérieurement à 1169, on voit Stéphanie, dame de Karak et de Mont-Réal, apporter cette seigneurie aux maris qu'elle épouse successivement.
Du premier, elle avait eu Homfroy IV de Toron et Isabelle, mariée à Roupen III d'Arménie. Devenue veuve, elle épousa en secondes noces :

MILON de PLANCY, sénéchal du royaume de Jérusalem, qu'on voit souscrire plusieurs actes comme seigneur de Mont-Réal entre 1172 et 1174 (16). Dans les derniers mois de cette dernière année, il fut assassiné à Acre (17).

RENAUD de CHATILLON, veuf de Constance, princesse d'Antioche, fut le troisième mari de Stéphanie de Milly, qu'il épousa vers 1177 (18) et il tint du chef de celle-ci la seigneurie de Karak et de Mont-Réal (19) jusqu'à sa mort survenue le 4 juillet 1187, à la suite de la bataille de Hattin.
Devenu seigneur de Karak et de Mont-Réal, Renaud se considéra comme à peu près indépendant, et, par ses imprudences, il compromit gravement les principautés franques de Syrie.
En 1180, on le voit enlever, en pleine trêve, une caravane musulmane se rendant du Caire à Damas par la seigneurie de Karak.
En 1182 (20), il transporte à dos de chameaux une flottille dans la mer Rouge, dont elle fut maîtresse près d'une année. Il fait alors une tentative de débarquement pour s'emparer de Médine, ce qui cause une vive émotion dans tout le monde arabe (21).
Par haine contre le comte de Tripoli, il eut une grande part, en 1186, à l'avènement de Gui de Lusignan au trône de Jérusalem, et, peu de mois après, il s'empara d'une soeur de Saladin, qui, sur la foi d'une trêve, traversait la Syrie Sobale pour se rendre à Damas (22). Aux réclamations du prince musulman, aussi bien qu'aux ordres formels du roi, il opposa un refus formel de rendre sa prisonnière, et cet événement fut la cause principale qui ralluma la guerre et amena la fin du royaume latin.

Voir une étude sur la stratégie militaire de Renaud de Châtillon.
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HOMFROY IV de TORON avait été fiancé, dès le mois d'octobre de l'année 1180 (23), à Isabelle ou Elisabeth, seconde fille du roi Amaury.
Le 21 avril 1183 (24), il donne à l'ordre de Saint-Lazare une rente annuelle de 20 besans à prendre sur la part des revenus de la douane d'Acre qui lui avait été attribuée par le roi Baudouin IV.
Fait prisonnier à la bataille de Hattin (25), il ne recouvra la liberté qu'en 1189, quand les châteaux de Karak et de Mont-Real se rendirent à Saladin.
Isabelle divorça peu de temps après son retour de captivité, quand elle devint héritière de la couronne de Jérusalem, puis fut successivement remariée à Conrad de Montferrat, à Henry II, comte de Champagne et, en 1197, à Amaury II de Lusignan, Elle mourut reine de Chypre vers 1208.
Homfroy IV de Toron, son premier mari, mourut sans postérité en 1198 (26), et le titre de seigneur de Mont-Réal et de Karak passa dans la maison de Toron.

ISABELLE de TORON, fille de Homfroy III (27) avait été mariée en 1181 à Roupen III d'Arménie. Veuve en 1187, elle hérita en 1198, à la mort de son frère Homfroy IV, des titres et seigneuries de Karak et de Mont-Réal, de Saint-Abraham (Hébron), de Toron, de Château-Neuf, de Bélinas. De son-mariage avec Roupen III, elle eut Alix d'Arménie, qui suit, et Philippa, qui fut successivement mariée à Scha-henschah, lequel était frère d'Héthoum, prince de Sacoun, mari de sa soeur Alix, puis à Théodore Lascaris, empereur de Nicée (28) ; et enfin une troisième fille dont nous ignorons le nom, qui épousa André, fils d'André II, roi de Hongrie (29).

ALIX d'ARMENIE (30) succéda à sa mère dans le titre des seigneuries de Karak et de Mont-Réal. Mariée en premières noces à Héthoum, prince de Sacoun, elle en eut une fille Ritha.
Devenue veuve, elle épousa, en 1194 (31), Raymond, fils de Bohémond III, prince d'Antioche (32), dont elle eut Raymond Rupin. Ce dernier fut, de 1216 à 1220, prince d'Antioche, dont il s'était emparé grâce à la trahison d'Acharie de Sarmenia, sénéchal de la principauté et maior ou maire de la commune d'Antioche. Raymond Rupin eut pour femme Helvis de Lusignan, et de ce mariage naquirent deux filles :
ESCHIVE, morte enfant, et :
MARIE d'ANTIOCHE, qui, née vers 1215, portait en 1236 le titre de daine des deux Kraks et de Toron (33). En 1229, l'empereur Frédéric II rendit à la princesse Alix, sa grand'mère, le Toron qu'il venait de recouvrer par un traite avec les Musulmans (34).
En 1240, Marie épousa Philippe de Montfort, qui trois ans après devint seigneur de Tyr. Elle lui apporta le Toron et la seigneurie titulaire des deux Kraks (Krak de Mont-Réal et Krak de la Pierre-du-Désert), titre qui paraît s'être éteint avec son fils aîné, Jean de Montfort, mort sans postérité le 26 novembre 1283 (35).
Sources : E. REY - Revue de l'Orient Latin

Notes

1. — Cod. Dipl, t. I, pp. 2-3; Delaborde, Chartes de Terre-Sainte, pp. 29, 32, 33, 45, 47.
2. — Guillaume de Tyr, p. 627 ; Delaborde, Chartes de Terre-Sainte, pp. 40-41.
3. — Cartulaire du Saint-Sépulcre, pp. 148-150.
4. — Guillaume de Tyr, p. 759.
5. — Cod. Dipl., t. I, p. 31.
6. — Guillaume de Tyr, p. 796.
7. — Strehlke, Tab. Ord. Teut., pp. 3-5.
8. — Assises, t. II, p. 453.
9. — Etienne de Lusignan, Généalogies, fol. 56.
10. — Le passage suivant de la Chronique d'Ernoul et de Bernard le Trésorier (éd. de Mas-Latrie, p. 103) tendrait à confirmer le dire d'Etienne de Lusignan en établissant que Stéphanie, fille de Philippe de Milly, dont il va être parlé, avait passé son enfance à Karak. Saladin étant arrivé sous les murs de cette place le jour même (22 nov. 1183) du mariage de Homfroy IV de Toron, petit-fils de ce Philippe, avec Elisabeth, seconde fille du roy Amaury (Hist. arabes des croisades, t. III, pp. 76-77), Stéphanie envoya des-plats du festin nuptial au prince musulman : "Si envoia à Salehadin des noces de son fils pain et vin et bues et moutons; et si li manda salut, qu'il l'avoit maintes fois portée entre ses bras quant il estoit esclave el castiel et elle estoit enfes".
11. — Marsy, Cartulaire (Arch. de l'Or, lat., t. II, p. 133).
12. — Marsy, Cartulaire (Arch. de l'Or, lat., t. II, p. 142).
13. — Marsy, Cartulaire (Arch. de l'Or, lat., t. II, p. 133).
14. — Marsy, Cartitlaire (Arch. de l'Or, lat., t. II, p. 142).
15. — On voit Gautier, son gendre, figurer comme seigneur de Mont-Réal, en 1168 (Marsy, Cartulaire [ibid., pp. 141-142]).
16. — Strehlke, Tab. ord. Teut., pp. 7-8 ; Paoli, Cod. Dipl., t. 1, p. 244.
17. — Guillaume de Tyr, pp. 1009-1010.
18. — Chronique d'Ernoul et de Bernard le Trésorier, éd. Mas Lat., p. 31.
19. — Delaborde, Chartes de Terre-Sainte, pp. 88 a 91; Paoli, Cod: Dipl., t. I, p. 249; Strehlke, Tab. ord. Teut., pp. 13-44.
20. — Rey, Colonies franques de Syrie, pp. 156-157.
21. — Hist. arabes des croisades, t. I, p. 658.
22. — Continuateur de Guillaume de Tyr, p. 34.
23. — Delaborde, Chartes de Terre-Sainte, p. 89.
24. — Marsy, Cartulaire (Arch. de l'Or, lat., t. II, p. 146).
25. — Continuateur de Guillaume de Tyr, pp. 66 et 124; Hist. arabes des croisades. t. I, pp. 60 et 73-4.
26. — Familles d'Outremer, p. 473.
27. — Familles d'Outremer, p. 156.
28. — Familles d'Outremer, p. 156.
29. — Familles d'Outremer, p. 156.
30. — Familles d'Outremer, p. 156.
31. — Continuateur de Guillaume de Tyr, pp. 212-213.
32. — La princesse Alix vivait encore au mois de septembre 1231, époque à laquelle elle donna à l'Hôpital un casai nommé Tertriafa, qui était voisin du Toron. Dans l'acte de donation, elle porte le titre de princesse d'Antioche eÇ de dame d'Arménie (Rev. de l'Or, latin, t. III, p. 82, n· 236).
33. — Rey, Recherches, pp. 17-19.
34. — Strehlke, Tab. ord. Teut., p. 54.
35. — Amadi, p. 215.
Sources : E. REY - Revue de l'Orient Latin

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