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Les entrées des châteaux des Croisées en Syrie et leurs défenses

Dans la construction de leurs châteaux de Syrie, les Francs se sont efforcés de s'enfermer le mieux possible. Plusieurs forteresses, même importantes, n'ont qu'une entrée. Les vastes enceintes de Saône et du Crac des Chevaliers en ont, il est vrai, plusieurs. Mais les Francs ont fait leurs portes étroites et ils les ont munies de défenses parfois très importantes. Les dispositions prises pour protéger ces issues sont diverses. Nous allons les examiner.

Lorsque le terrain avoisinant le permettait, l'entrée était défendue par un fossé soit naturel, soit creusé de main d'homme et l'on accédait à l'entrée par un pont : ainsi en était-il au réduit du château d'Arima ('Areimé) et au donjon de Montfort des Teutoniques (1), à l'entrée des châteaux de Giblet, de Kerak, de Margat, à une des entrées des châteaux d'Edesse et de Saône.

PL. LXXVII, 1

Château de Saône
Château de Saône.
Aiguille de Saône.
Photo Capitaine Lamblin

La largeur du fossé étant trop grande à Saône (20 mètres), les Francs, en creusant le fossé dans le roc vif pour s'isoler du plateau, ont ménagé une aiguille de pierre haute de 28 mètres pour servir de pile au pont lancé par-dessus le fossé (PL. LXXVII, 1).

PL. LXXVII, 2

Aiguille d'Edesse
Aiguille d'Edesse. - Photo G. Bretocq

On trouve une pile semblable, mais beaucoup moins haute, à Edesse (PL. LXXVII, 2). Rey signale un autre exemple de pile de pont ménagée dans le rocher dans un autre château du Comté d'Edesse, à Gargar (2).

A Néphin (Enfé), château du Comté de Tripoli, situé près de la mer entre Giblet (Djebail) et Tripoli, la pile qu'on voit encore au milieu d'un fossé (3) avait la même destination (Fig. 1).

Fig. 1

Néphin (Enfé)
Néphin (Enfé). La pile vue du Nord. - Sources : Photo D. Schlumberger

Un pont mène aussi à l'unique entrée du château franc d'Ou'aira (Fig. 2) près de Pétra, que le R. P. Savignac a identifié avec «  le château de Li Vaux Moïse (4)  » Un gros rocher avançant dans le fossé a été complètement évidé en forme de porte rectangulaire ; cet évidement constituait un petit réduit où pouvaient se tenir quelques hommes de garde. De ce réduit partait le pont qui donnait accès au château.

Fig. 2

Château de Li Vaux Moïse (Ou'aira)
Château de Li Vaux Moïse (Ou'aira).
Photo. R.-P. Savignac.



1. Rey, Etude sur les monuments de l'architecture militaire des Croisés. 1871, p. 130.
2. Rey, Les Colonies franques de Syrie, 1883, p. 314.
3. Ce fossé long de 80 mètres a une largeur de 11 mètres 80, à l'endroit où se dresse la pile qui a 3 mètres 60 de hauteur. Nous devons ces renseignements à M. D. Schlumberger, directeur adjoint du Service des Antiquités de Syrie ; nous l'en remercions vivement.
4. A cette époque, en Occidenf, ou ignorait les bretèches de pierre. On faisait des encorbellements au sommet des murailles avec des hourds de bois. Ces bretèches de pierre étaient utilisées en Syrie depuis plusieurs siècles quand les Croisés arrivèrent.


L'entrée qui s'ouvre à Saône en face du pont (PL. LXXIII, 1 et PL. LXXVIII, 2), au-dessus du fossé, est une petite poterne large de 1 mètre 50 et haute de 2 mètres 50 environ. A la vérité, cette entrée du château qui se présente face au plateau paraît mal défendue, mais ce n'est là qu'une apparence. A la tête du pont se trouvait peut-être un petit ouvrage avancé : quelques marches taillées dans le roc aboutissant à une plate-forme rocheuse nous le fait supposer. La passerelle franchissant le fossé pouvait, une fois les défenseurs de cet ouvrage avancé rentrés dans le château, être abattue. Deux tourelles rondes flanquent la poterne et leurs archères croisent leur tir en avant de cette poterne que le donjon tout voisin, l'un des plus gros ouvrages qu'aient édifiés les Francs, domine de sa masse puissante. Une petite bretèche dont les deux corbeaux de base subsistent dominait l'entrée. C'est assurément une des premières bretèches de pierre construites par les Francs (1) puisque Saône parait bien avoir été élevé avant 1108, date de la prise de La Liche (Latakié) par Tancrède.

PL. LXXIII, 1 - Poterne au-dessus du fossé

Château de Saône
Château de Saône.
Poterne au-dessus du fossé.
Photo, Capitaine Lamblin

Château de Saône Poterne vue de l'intérieure. Dans le mur à droite au premier plan, on voit le trou circulaire par où passait la barre manœuvrée de la chambre de garde. Plus loin, dans le tableau de la porte, à droite, on voit la rainure dans laquelle s'encastrait une autre barre fixée à gauche.

Poterne vue de l'intérieure

Château de Saône

Château de Saône Poterne vue de l'intérieure.
Photo Capitaine Lamblin

Deux portes successives fermaient l'entrée et chacune était renforcée en arrière par une barre. La première barre entrait dans une rainure ménagée dans le jambage de la porte, la seconde barre passait à travers le mur et était manœuvrée de la tourelle flanquant la poterne au sud. Les assaillants qui auraient franchi ces deux portes se fussent trouvés dans un étroit couloir aux prises avec les défenseurs des salles des tours ; ils auraient rencontré d'autres salles placées en travers, et si enfin ils avaient pénétré dans la cour, ils auraient été sous la menace du donjon.

C'est souvent dans une courtine à son point de jonction avec une tour faisant sailli sur l'enceinte que s'ouvrait l'entrée du château. Avant d'atteindre la porte il fallait donc soit longer la courtine, soit passé au pied du mur de la tour.
Nous trouvons ce système au château de Giblet (Djebail) (plan, Fig. 3)

Château de Giblet (Byblos)

Château de Giblet (Byblos)
Château de Giblet (Byblos)
Plan de R. Jusserand

Au château d'Arima (plan, Fig. 4)

Réduit du château d'Arirna
Réduit du château d'Arirna. - Plan Fr. Anus

Et au château de Bourzey (plan, Fig. 5)

Détail du château de Bourzey
Détail du château de Bourzey. - Plan Fr. Anus

Où l'on remarquera que la défense est meilleure que dans les deux autres châteaux puisque l'entrée, au lieu d'être en ligne droite, forme un crochet.

Un second système consistait à percer la porte dans le flanc de la tour. Après avoir traversé la salle de la tour, on en ressortait par une seconde porte qui se trouvait non pas dans l'axe première, mais dans un mur formant un angle droit avec celui où était percée la première porte. C'était là un procédé emprunté à la construction militaire byzantine qui en présente de nombreux exemples.

Citons en Afrique les portes des forteresses de Ksar-Bellezma (plan Fig. 6)

Ksar Bellezma

Ksar Bellezma
Ksar Bellezma

Et d'Aïn Tounga (1), en Syrie celle de Salamiyé (2) (plan, Fig. 7)

Plan de Salamiyé

— Salamiyé
Plan de Salamiyé

Et en Turquie celle d'Angora (plan, Fig. 8) (3).

Citadelle d'Angora
Porte principale de la citadelle d'Angora.
(Echelle 1, par mètre)

Nous voyons ce système pratiqué pour deux entrées de Saône (plan, Fig. 12)

Château de Saône (plan, Fig. 12)

Château de Saône
Château de Saône. Par de Fr. Anus

Château de Saône (plan, Fig. 13)

Château de Saône
Saône entrée principale au Sur
Echelle 1 millimètre par mètre

Château de Saône (plan, Fig. 14)

Château de Saône
Saône, les deux entrées de la basse-cour
(tours 6 et 8)
Echelle 1 millimètre par mètre

Pour l'entrée du château de Subeibe (plan, Fig. 9)

Château de Subeibe
Subeibe, d'après le plan de Kitchener

1. Diehl, L'Afrique byzantine, 1896, pages 158-160. fig. 11 et 12.
2. Van Berchem, Voyage en Syrie, page 168, fig. 93.
3. G. De Jerphanion, Porte principale de la citadelle d'Angora, dans (Mélanges d'archéologie anatolienne, 2e volume), Planches Pl. LXXXI et restitution Pl. XCII. Publiées dans les Mélanges de l'Université Saint-Joseph, Beyrouth, 1928, tome XIII.


A l'entrée du château de Kérak, les dispositions sont un peu plus compliquées. L'entrée communiquant avec un pont qui franchissait le fossé s'ouvre dans un saillant et elle est complètement masquée par une sorte de contrefort. Au lieu de traverser la salle d'une tour pour déboucher dans la cour, on se trouve dans une petite salle et, après avoir franchi deux autres portes, on se trouve dans une longue salle voûtée qui occupe tout le front de l'enceinte du côté du fossé (plan, Fig. 10)

Kérak de Moab (plan, Fig. 10)

Kérak de Moab
Kérak de Moab. Entrée principale du château

Kérak de Moab (PL. LXXIX, 1)

Kérak de Moab
Kérak de Moab. L'entrée du Château dominant le fossé, derrière un contrefort.
Des pierres empilées masquent aujourd'hui la porte indiquée par une flèche.
Photo, Paul Deschamps

Les assiégeants resserrés dans ces espaces étroits ne pouvaient donc faire irruption dans la place.

On trouve à peu près la même chose à un ouvrage de la 2e enceinte, au nord du Crac des Chevaliers (plan, Fig. 11)

Crac des Chevaliers (Fig. 11)

Crac des Chevaliers
Entrée au nord de la 2e enceinte.
Plan de Fr. Anus.
Echelle 2 millimètres par mètre

Crac des Chevaliers (PL. LXXIX, 2)

Crac des Chevaliers
Extrémité nord de la deuxième enceinte.
Entrée dissimulée par un contrefort.
Photo Capitaine Lamblin

Ce château n'avait dans les premiers temps de l'occupation des Francs qu'une enceinte, l'enceinte extérieure appelée la première enceinte n'ayant été construite qu'assez tard. Cet ouvrage défendait donc une entrée de l'extérieur dans la place, peut-être même primitivement sa seule entrée.

La porte ouvrant dans le flanc de l'ouvrage est masquée par un épais contrefort ; une seconde porte placée à angle droit de la première débouche dans une longue salle longeant tout le front ouest.
Les dispositions des entrées de Saône, particulièrement bien conçues, méritent qu'on s'y arrête.

Nous avons déjà parlé de la petite poterne qui s'ouvre au-dessus du fossé. L'entrée principale du château se trouve au front sud. Elle est percée dans le flanc d'un des saillants carrés de ce front (nº 6 du (plan, Fig. 12)

Château de Saône (Fig. 12)

Château de Saône
Château de Saône. Par de Fr. Anus

Château de Saône (Fig. 13)

Château de Saône
Saône entrée principale au Sur
Echelle 1 millimètre par mètre

Elle se trouve à un endroit particulièrement resserré où la courtine forme avec ce saillant un angle aigu (PL. LXXX, 1)

Château de Saône (PL. LXXX, 1)

Château de Saône
Château de Saône. Entrée principale au flanc de la Tour 6. Photo Paul Deschamps

Nous avons donc là l'application de la recommandation de Végèce de tracer les remparts en ligne sinueuse, sinuosis anfractibus (1).
1. De re militari, IV, II, éditions Lang.

Les projectiles lancés de la colline au-delà du ravin ne pouvaient pas atteindre cette entrée et elle ne pouvait être attaquée que par une poignée d'hommes.

Ceux-ci auraient été repoussés à la fois par les défenseurs de la courtine et par ceux de la tour. On ne peut guère concevoir une entrée mieux protégée.

Lorsqu'on a pénétré dans la salle basse de la tour il faut, pour en sortir et pénétrer dans la cour intérieure de la forteresse, franchir une autre porte qui se trouve à angle droit de la première. C'est là, nous le rappelons, un procédé emprunté aux méthodes byzantines.

Mais on trouve à la première porte un système de défense fort curieux et qui paraît être une invention des Francs : cette porte s'ouvre en retrait dans la muraille et, au sommet de la muraille, au niveau de la terrasse, c'est-à-dire à une hauteur de 10 mètres environ, on voit un arc plein cintre peu épais qui laisse un vide entre lui et le sommet du mur en retrait qui surmonte la porte (PL. LXXXI, 1)

Château de Saône (PL. LXXXI, 1)

Château de Saône
Château de Saône.
Entrée principale.
Photo, Paul Deschamps

Le retrait de la porte dans la muraille est de 1 mètre, l'arc a une épaisseur de 0 mètre 35, le vide est donc de 0 mètre 65.
Malheureusement ici l'arc est en grande partie brisé.

Mais on trouve le même aux deux entrées (tours 8)

Château de Saône
Entrée Basse-cour, flanc tour 8.
Photo Clermont-Tonnerre

Château de Saône (PL. LXXXI 2)

Château de Saône
Entrée basse-cour, flanc de la tour 10.
Photo, Paul Deschamps

Château de Saône (PL. LXXXII, 1)

Château de Saône
La Basse-Cour. A l'extrême droite, l'entrée de la tour 10.
Photo, Paul Deschamps

A droite de l'arc surmontant cette dernière on distingue les corbeaux de base de la bretèche, de la basse-cour qui ouvrent sur les ravins du nord et du sud et, dans l'une d'elles, l'appareil est intact.

Ce type de mâchicoulis reposant sur une saillie de muraille paraît être l'origine des mâchicoulis en série reposant sur des piliers et défendant toute une muraille. Ainsi voyons-nous trois mâchicoulis défendant le front d'une tour carrée de la seconde enceinte du Crac des Chevaliers (1); un système analogue se retrouve au château de Niort qu'on date de 1160 environ (2), au château de Lucheux qui appartient aussi au XIIe siècle et au donjon de Château-Gaillard (3) construit par Richard Coeur de Lion, en 1196, au retour de la Croisade. On voit encore le même procédé dans d'autres châteaux en France au cours des siècles suivants.
1. R. Dussaud, P. Deschamps, H. Seyrig, La Syrie antique et médiévale illustrée, Paris, Geuthner, 1931, Pl. 143, fig. 2. - CF. C. Enlart, Manuel d'archéologie française, tome II, 2e partie, Architecture militaire et navale.
2. CF. C. Enlart, Ibidem, page 561, fig. 255.
3. Excogitandum uti portarum itinera non sint directa sed scaeva, De Archit., tome I, v, 2.


Mais le système d'un mâchicoulis unique défendant non la base d'un mur plein, mais une entrée, n'existe à notre connaissance qu'à Saône.

Dans le château de Saône dont le plan forme un triangle, la basse-cour se trouve placée au sommet du triangle. Ses deux entrées sont en face l'une de l'autre, de chaque côté de l'enceinte.

Celle qui domine le ravin du sud (plan, Fig. 14)

Château de Saône
Saône, les deux entrées de la basse-cour
Echelle 1 millimètre par mètre

Des dispositions analogues à celles de l'entrée principale de la forteresse, (plan, Fig. 13) placée sur le même ravin.

Château de Saône (plan, Fig. 13)

Château de Saône
Saône entrée principale au Sur
Echelle 1 millimètre par mètre

Château de Saône (PL. LXXX, 2)

Château de Saône
Entrée sur la basse-cour, percée dans le flanc de la tour 8. Photo Paul Deschamps

Elle est percée dans le flanc de l'ouvrage et s'ouvre sur un cul-de-sac constitué par la tour, par un pan de courtine perpendiculaire et par un redan de cette courtine faisant face à la porte (PL. LXXX, 2)

Des archères défendant l'entrée sont percées dans ces deux pans de la courtine. La seconde porte par où l'on va de l'ouvrage dans la basse-cour est à angle droit de la première.

Vitruve eût approuvé le plan de cette entrée. Il recommande, en effet, que les entrées soient percées à gauche (1) : ainsi l'assiégeant qui porte son bouclier au bras gauche présente le flanc droit découvert aux défenseurs placés dans l'ouvrage faisant face à l'entrée.
1. Cf. C. Enlard, ibidem, page 571, fig. 262.

Ce cul-de-sac, si favorable à la défense d'une entrée, soustraite ainsi, d'une part, à l'atteinte des projectiles de mangonneaux éloignés et, d'autre part, ne laissant le passage qu'à un très petit nombre d'adversaires menacés de face, de côté et de dos, se retrouve exactement semblable à l'entrée principale de la citadelle byzantine d'Angora (plan, Fig. 15)

Citadelle d'Angora (plan, Fig. 15)

Citadelle d'Angora
Entrée principale de la Citadelle d'Angora

Citadelle d'Angora (plan, Fig. 8)

Citadelle d'Angora
Porte principale de la citadelle d'Angora.
(Echelle 1, par mètre)

Le P. de Jerphanion attribue cette citadelle aux environs de l'année 630 et la porte en question aux restaurations de Michel II le Bègue (820-829), faites après les dégâts causés par les attaques d'Haroun-al-Raschid (1). C'est là un exemple nouveau des nombreux emprunts que les Croisés ont faits aux forteresses byzantines qu'ils occupèrent tout d'abord à leur arrivée en Orient.
L'arc dominant l'entrée de la (tour 6) est conservé, mais le mâchicoulis est bouché.
1. G. de Jerphanion, Mélanges d'archéologie anatolienne (Mélanges de l'Université Saint-Joseph, t. XIII), Beyrouth, 1928, 1 volume de textes et 1 volume de planches, 1er volume p. 175-178 et 208-214, et 2e volume, pl. LXXXI et XCII.

Château de Saône

La seconde entrée de la basse-cour de Saône (plan, Fig. 13) est au-dessus du ravin du nord au fond duquel coule un torrent rapide. Un pont franchissait jadis ce torrent. Un sentier extrêmement raide vient de là aboutir à cette entrée. Elle est pourvue de deux défenses extérieures : une bretèche et un mâchicoulis.

Château de Saône (plan, Fig. 13)

Château de Saône
Saône entrée principale au Sur
Echelle 1 millimètre par mètre

Château de Saône (PL. LXXXII, 1)

Château de Saône
Château de Saône.
A l'extrême droite, l'entrée de la tour 10.
A droite de l'arc surmontant cette dernière on distingue les corbeaux de base de la bretèche.

De la bretèche il ne reste que les deux corbeaux de base. Nous avons déjà vu des traces d'une bretèche au-dessus de la poterne qui domine le grand fossé creusé par les Francs à l'est. Ici la bretèche ne se trouve pas juste au-dessus de la porte, mais à droite de celle-ci ; c'était donc une première défense qui permettait de faire tomber des projectiles sur l'ennemi au moment où il débouchait du sentier et venait de tourner l'angle de la tour. Une bretèche au-dessus de la porte eût été inutile puisque le mâchicoulis constituait une défense semblable.

Ce mâchicoulis est le mieux conservé des trois que nous avons vus. Les photographies prises récemment à notre demande par le comte de Clermont-Tonnerre, élève de l'Ecole des Chartes, montrent sa disposition de façon très claire (PL. LXXXI, 3)

Château de Saône, mâchicoulis

Château de Saône
Château de Saône
Entrée basse-cour, flanc de la tour 8
Photo. Clermont-Tonnerre

Château de Saône, (PL. LXXXI, 4)

Château de Saône
Château de Saône
Vue prise de bas en haut du machicoulis dominant l'entrée de la tour 10
Photo. Clermont-Tonnerre

Mais il y a un défaut dans les défenses de la tour 10 : c'est que sa seconde porte qui ouvre dans la basse-cour est dans l'axe de la première (plan, Fig. 14) ; aussi a-t-on pourvu cette seconde porte d'une herse dont les rainures sont encore visibles.

Château de Saône (plan, Fig. 14)

Château de Saône
Saône, les deux entrées de la basse-cour
Echelle 1 millimètre par mètre

Une autre herse existe au château de Saône : elle se trouve à une porte du donjon qui ouvre, non à l'extérieur de la place, mais sur la cour. Outre la herse, la porte ouverte dans un mur de 4 mètres 40 d'épaisseur était encore défendue par un petit mur extérieur crénelé, parallèle à la muraille dans laquelle elle s'ouvrait et qui formait avec cette muraille un couloir dont l'accès était fermé par une porte munie d'une barre. Ce donjon n'avait pas d'autre communication avec l'intérieur de la place.

C'était un ouvrage qui pouvait se défendre indépendamment du reste de la forteresse. Exemple dans la Citadelle d'Angora (plan, Fig. 15)

Citadelle d'Angora, (plan, Fig. 15)

Citadelle d'Angora
Entrée principale de la Citadelle d'Angora

Ainsi le donjon de Saône était prévu pour servir de dernier refuge aux défenseurs. C'est très probablement ce qui eut lieu en 1188 quand Saladin s'empara de cette place (1).
1. Cf. Paul Deschamps, Le château de Saône dans la principauté d'Antioche, dans la Gazette des Beaux-Arts, décembre 1930, p. 329-364.

Puisque nous parlons des issues de ce château, signalons une petite porte dissimulée derrière le roc dans le flanc d'un ouvrage du front sud (plan, Fig. 12), saillant carré nº 4. Elle devait permettre en cas de siège à un messager de sortir de nuit de la place en descendant à l'aide d'une corde le long du rocher à pic en cet endroit.

Château de Saône, (plan, Fig. 12)

Château de Saône
Château de Saône. Par de Fr. Anus

Certains fortins n'avaient pour les garder que quelques hommes. Aussi, pour que la petite garnison fût à l'abri d'une surprise, la porte était-elle à plusieurs mètres au-dessus du sol.

Un texte arabe le dit d'ailleurs à propos du petit château du Sarc situé non loin de la puissante forteresse musulmane de Sheizar sur l'Oronte. Ousama nous apprend que les Francs avaient occupé cette position pour épier la garnison de Sheizar au cas où celle-ci voudrait tenter une incursion sur la grande ville chrétienne de Fémie (Apamée) : « Le fort était inaccessible, juché sur un rocher élevé de tous côtés, on n'y montait que par une échelle de bois qui était enlevée après qu'elle avait servi, aucun chemin ne restant pour y parvenir (1). »
1. Ousama, Autobiographie, traduction H. Derenbourg, p. 48 et 79, et Revue de l'Orient latin, tome II (1894), p. 376 et 407. — Cf. R. Dussaud, Topographie historique de la Syrie (1927), p. 145-147.

Nous avons trouvé une porte de ce genre à la tour principale du petit château d'Akkar, situé au sommet d'un étroit piton que des torrents rapides environnent à sa base. Ce poste se trouve au nord du massif du Djebel Akkar ; de là on a une vue très étendue sur la grande vallée qui constitue la «  Trouée de Homs  ». Il surveillait au sud ce large passage et se trouvait en face du Crac des Chevaliers qui le gardait au nord.

Les deux châteaux pouvaient communiquer par des feux (PL. XXXII, 2)

Château d'Akkar, (PL. XXXII, 2)

Château d'Akkar
Château d'Akkar
Entrée de la tour principale à trois mètres du sol.
Photo, Paul Deschamps

La porte située à plus de 3 mètres du sol se trouve sur la face arrière de la tour vers l'intérieur de l'enceinte. Ce fort fut pris en 1271, quelques jours après la prise du Crac des Chevaliers.

Les forteresses situées au bord de la mer avaient des sorties sur le rivage. Ainsi voit-on dans les murailles de Tortose une petite porte soigneusement dissimulée dans un angle de construction. M. de Clermont-Tonnerre l'a photographiée au cours d'un récent voyage en Syrie.

* * *

Les châteaux des Croisés que nous avons mentionnés sont du XIIe siècle ; les uns ont été pris par Saladin en 1188, les autres n'ont pas subi d'importants remaniements au XIIIe siècle. Le Crac des Chevaliers, au contraire, qui fut occupé de 1110 à 1271, c'est-à-dire pendant presque toute la durée de l'occupation franque, et dont les Hospitaliers eurent la garde depuis 1142, fut de la part de ceux-ci l'objet, à plusieurs reprises, de travaux considérables.

Crac des Chevaliers, (PL. LXXXIII)

Crac des Chevaliers
Crac des Chevaliers, Première enceinte Nord.
Au centre entre deux tours rondes, trois bretèches surmontant la poterne découverte en 1928.
A gauche, la croix indique l'entrée principale du château au front Est.

On y voit donc réaliser des progrès dans l'art de la fortification et les architectes qui y travaillèrent y firent des ouvrages compliqués, destinés à rendre sa défense plus efficace en temps de siège. On disait que ce vaste château ne possédait qu'une seule entrée, située au front est (nº 2 du plan, Fig. 16)

Crac des Chevaliers, (nº 2 du plan, Fig. 16)

Crac des Chevaliers
Crac des Chevaliers. Plan de Fr. Anus

C'est une erreur. MM. François Anus et le capitaine Lamblin, mes compagnons de mission et moi, nous en avons découvert d'autres dans l'hiver 1927-1928 et, particulièrement au nord de la première enceinte, une poterne (nº 3 du plan, Fig. 16)

Crac des Chevaliers

Crac des Chevaliers
Crac des Chevaliers. Plan de Fr. Anus

Plan de détail, (Fig. 17)

Crac des Chevaliers
Crac des Chevaliers. Poterne au nord de la 1e enceinte.
Plan de Fr. Anus. — Echelle 2 mm. par mètre

Crac des Chevaliers, (PL. LXXXIII)

Crac des Chevaliers
Front Est de la première enceinte.
Entrée principale remaniée par les Arabes.
Photo, Paul Deschamps

Crac des Chevaliers, (PL. LXXXIV, 1)

Crac des Chevaliers
Poterne Nord de la première enceinte.
Photo, Paul Deschamps

Que cachait un amas d'ordures jetées des remparts par les indigènes logés dans le château. Cette poterne n'a que 1 mètre 80 environ de large. Elle s'ouvre entre deux tours rondes très saillantes. Au-dessus de la poterne se trouvent trois archères et encore au-dessus trois bretèches. Lors du siège de 1271, cette poterne dut être mutilée et le parement de la muraille remonté.

Les tours elles-mêmes ont subi une transformation. Du temps des Francs, elles étaient carrées; leur face antérieure ayant sans doute été détériorée par les mangonneaux de Beibars, on leur donna une forme ronde (plan, Fig. 17)

Crac des Chevaliers. (plan, Fig. 17)

Crac des Chevaliers
Poterne au nord de la 1e enceinte.
Plan de Fr. Anus. — Echelle 2 mm. par mètre

Une inscription française (1) placée à la face postérieure de la tour de droite nous apprend que cet ouvrage fut construit par les soins d'un dignitaire de l'Ordre de l'Hôpital, Nicolas Lorne, qui devint même Grand Maître de l'Ordre quelques années après la prise du Crac, en 1278. En 1250, il était gouverneur du château de Margat. Il est possible qu'il fût, soit avant soit après cette date, gouverneur du Crac. La construction se placerait donc au milieu du siècle ou dans les vingt dernières années de l'occupation.
1. Au tens de Fre[re] Niciole Lorne fu fete ceste barbacane.
Photo, dans R. Dussaud, P. Deschamps, H. Seyrig, La Syrie antique et médiévale illustrée. Paris, Geuthner, 1931, pl. 143, fig. 4.


En avant de la porte s'ouvrait un large mâchicoulis et derrière celui-ci se trouvait une herse.

Le passage étant aussitôt obstrué, on ne peut savoir comment il aboutissait à la seconde enceinte. En tout cas, on se trouvait non loin de deux entrées de celle-ci.

Crac des Chevaliers (nº 1 du plan, Fig. 16)

Crac des Chevaliers
Crac des Chevaliers. Plan de Fr. Anus

L'une des entrées (nº 1 du plan, Fig. 16) s'ouvrait à droite, dans cet ouvrage carré dont nous avons déjà parlé (PL. LXXIX, 2Crac des Chevaliers
Crac des Chevaliers.
Extrémité Nord de la deuxième enceinte.
Entrée dissimulée par un contrefort
Photo, Capitaine Lamblin
) et communiquait avec une salle occupant tout le front ouest. L'autre débouchait directement dans la cour de la place (lettres b et c du plan) ; elle constituait le 3e élément de la Rampe voûtée dont nous allons parler.

La Rampe voûtée du Crac

Crac des Chevaliers

Crac des Chevaliers
Rampe voûtée partant de l'entrée principale à l'Est.
Plan de Fr. Anus. — Echelle de 1 mm. 25 par mètre

— Cette Rampe (nº 2 du plan, Fig. 16) ; plan de détail (Fig. 18), part de l'entrée principale (PL. LXXXIV, 2) de la forteresse à l'est.

Crac des Chevaliers

Crac des Chevaliers
Front Est de la première enceinte.
Entrée principale remaniée par les Arabes.
Photo, Paul Deschamps

Elle se compose de trois éléments en ligne brisée, le premier allant du nord au sud, le second retournant vers le nord en inclinant vers l'ouest, le troisième enfin tournant à angle droit et allant de l'est à l'ouest pour déboucher dans la cour intérieure de la place après avoir passé sous la 2e enceinte (1).
1. Le 1er élément a environ 85 mètres de long, le 2e élément environ 5 mètres, et le 3e environ 20 mètres.

Sur tout son parcours, des défenses variées, portes, herses, barres de fer, chambres de garde, larges mâchicoulis, avaient pour but de servir d'obstacles à la progression de l'ennemi, qui aurait forcé la première porte (2).
2. La porte d'entrée n'est pas pourvue de herse, le parement du saillant dans lequel s'ouvre cette porte a été remonté par les Arabes. On ne peut donc savoir s'il y eut primitivement une herse.

Elle est couverte de voûtes de blocage en berceau brisé, coupées par des intervalles à ciel ouvert qui mettent des taches de lumière éclatante dans ce long chemin sombre. La Rampe monte en pente très douce, elle est munie de marches larges et basses permettant d'y circuler facilement à cheval.

Son premier élément (PL. LXXXV, 1) longe intérieurement certains ouvrages de la 1e enceinte à l'est (3). Un peu avant le premier coude de la Rampe, une archère percée dans une salle de la première enceinte prend d'enfilade la montée.

Crac des Chevaliers, (PL. LXXXV, 1)

Crac des Chevaliers
Départ de la rampe voûtée.
Photo, Capitaine Lamblin.

Crac des Chevaliers. Le coude de la Rampe (PL. LXXXV, 2)

Crac des Chevaliers
Coude de la rampe.
A droite la fin du premier élément; à gauche le début du second élément.
Photo, Paul Deschamps

Le coude de la Rampe est constitué par un angle de construction formant un glacis en très bel appareil que domine une échauguette aujourd'hui mutilée.
3. Ces ouvrages et cette partie de la Rampe sont une addition de l'époque franque, mais faite tardivement. Primitivement la Rampe commençait après le coude qu'elle fait au sud, c'est-à-dire au départ de son 2e élément.

L'entrée du 2e élément de la Rampe (lettre (a) du plan) est fortement défendue (PL. LXXXV, 2). On se trouve là au pied du talus qui soutient à l'angle sud-est du front de la 2e enceinte un des principaux ouvrages de la forteresse, une puissante tour ronde. On voit trois arcs en tiers-point reposant d'une part, sur la base de l'échauguette, d'autre part, sur le talus de la tour. Les deux premiers supportaient une passerelle allant de l'échauguette à une petite porte percée à la base de la tour. Entre le deuxième et le troisième arc était un large espace vide, sorte de grand mâchicoulis par lequel on pouvait jeter dans la Rampe des projectiles, soit de la tour soit encore de la terrasse dominant le troisième arc. Ce troisième arc constitue l'entrée du long couloir voûté qui forme le 2e élément de la Rampe. On trouve là les crapaudines d'une porte et, tout de suite à droite, une grande niche où devait se tenir le gardien de la porte (1).
1. On trouve une niche semblable à côté de l'entrée du Château-Gaillard, aux Andelys.

Le chemin que l'on suit longe à gauche la muraille de la 2e enceinte. On arrive dans un emplacement carré (lettre (b) du plan), défendu par 4 assommoirs percés dans les 4 compartiments de sa voûte d'arêtes, emplacement après lequel la Rampe forme un coude à angle droit (2) ; c'est le 3e élément de la Rampe allant de l'est à l'ouest (PL. LXXXV, 3)

Crac des Chevaliers, (PL. LXXXV, 3)

Crac des Chevaliers
La fin de la rampe voûtée.
Vue prise de la cour intérieure.
Photo, Capitaine Lamblin.

2. Si l'on continue tout droit on franchit une porte qui mène sur le terre-plein entre les deux enceintes, non loin de la poterne, (nº 1 du plan) au nord de la 1e enceinte dont nous avons parlé plus haut.

Nous rencontrons ici les plus importantes défenses de la Rampe. Cette dernière entrée devant conduire au coeur de la Place, on a accumulé les artifices pour en interdire l'accès à l'ennemi. Deux chambres de garde pourvues de deux archères flanquent le passage à droite et à gauche.

On passe sous un large espace vide constituant un grand mâchicoulis par où l'on pouvait, de la salle de l'étage supérieur, jeter des projectiles sur l'assaillant. Puis on voit successivement dans les murs :
1º Les rainures du passage de la herse manoeuvrée de l'étage supérieur;
2º les crapaudines de la porte ;
3º les trous de la barre qu'on manoeuvrait d'une des chambres de garde ;
4º au delà de ces défenses sont les portes des chambres de garde dont les gardiens pouvaient, en les quittant, soit venir au secours de leurs compagnons défendant la porte et la herse, soit, si les assiégeants les avaient déjà forcées, attaquer ceux-ci par derrière.
On débouche enfin dans la cour du château (lettre (c) du plan).

Ainsi la Rampe était défendue par trois portes et des barres de fer, deux larges mâchicoulis, une échauguette, une herse, les archères ouvrant sur trois chambres de garde, ainsi que par de nombreux assommoirs percés dans les voûtes.

On trouve, à Carcassonne, des entrées dont les dispositions peuvent être rapprochées de celles du Crac, notamment la Porte Saint-Nazaire qui fait partie de la 2e enceinte. L'entrée est percée dans le flanc d'une tour carrée et se trouve masquée par un contrefort ; la seconde porte est placée à angle droit. C'est donc ce que nous voyons à l'ouvrage du Crac au nord de la 2e enceinte.

Nous avons énuméré les principaux types d'entrées des châteaux des Croisés en Orient et nous en avons vu qui étaient précédées d'un pont lancé par dessus un fossé.
Les Francs pratiquèrent-ils le système du pont-levis ?

Nous avons tout au moins l'exemple d'un pont-levis dont la trace subsiste au-dessus d'une petite poterne (nº 4 du plan, Fig. 16), dominant le fossé au sud de la 1e enceinte du Crac des Chevaliers; on voit dans la muraille un ouvrage en encorbellement que traversent deux rainures verticales : par là passaient les chaînes qui soutenaient le pont-levis

Crac des Chevaliers (PL. LXXXVI, 1)

Crac des Chevaliers
Crac des Chevaliers. Plan de Fr. Anus

Crac des Chevaliers

Crac des Chevaliers
Première enceinte.
Petite poterne près de l'angle sud-est; au-dessus les rainures par où glissaient les chaînes du pont-levis.
Photo Capitaine Lamblin

Crac des Chevaliers, (PL. LXXXVI, 2)

Crac des Chevaliers
Passage de chaînes d'un pont-levis au-dessus d'une petite poterne.
Photo Capitaine Lamblin

Cette poterne ne constituait qu'une entrée sans importance, car on pénètre, après l'avoir franchie, dans un couloir très étroit.

Cette partie de la 1e enceinte, formant l'angle sud-est, appartient aux derniers travaux entrepris par les Hospitaliers peu de temps avant la prise du château par Beibars, en 1271. La poterne est à plusieurs mètres au-dessus du sol et le fossé est très large en cet endroit. On peut donc se demander où aboutissait le pont-levis, mais une chronique arabe nous apprend qu'après s'être emparé de la forteresse, Beibars fit élargir le fossé.

* * *

Les portes des grandes villes franques d'Orient étaient aussi soigneusement défendues.
Parfois, des ouvrages avancés, des barbacanes, les précédaient.
Grâce à Guillaume de Tyr nous avons quelques détails sur les fortifications d'Ascalon. Cette ville était si bien défendue que, malgré de nombreux efforts, les Francs ne purent s'en emparer qu'en 1153. Elle était munie d'une enceinte de tours carrées que précédait un avant-mur. Les Croisés durent apporter à ces défenses quelques restaurations et additions. Ils perdirent cette grande cité en 1192.
Guillaume de Tyr (1) nous apprend que «  le périmètre des remparts était percé de quatre portes : la grande porte ou Porte de Jérusalem à l'est...,
La porte de la mer à l'ouest...,
La porte de Gaza au sud..., et
La porte de Joppé au nord...,
1. Guillaume de Tyr, livre XVII, chapitre 22. - Historiens Occidentaux des Croisades, tome I, page 796.

A propos de la Porte de Jérusalem, son traducteur ajoute: « lluec a deus tors de ça et de là grosses et hautes si que c'est la greindre forteresse de la ville. En la barbacane devant a trois issues qui meinnent en divers leus (2). »
2. Rey, Etudes sur les monuments de l'architecture militaire des Croisés en Syrie, 1871, pages 203-210, plan 208 figure 52 et pl. XIX.

Beaucoup plus considérables que ceux d'Ascalon devaient être les ouvrages avancés de Saint-Jean-d'Acre, construits dans les dernières années de l'occupation. Cette opulente cité fut le dernier bastion de la chrétienté au Levant et succomba en 1291, après une résistance acharnée.

Sentant venir le danger, les princes résidant à Acre firent de grands efforts pour améliorer les fortifications de la ville. Ludolf de Sudheim, voyageur allemand, qui visita les ruines de Saint-Jean-d'Acre en 1335, écrit : « Cette célèbre cité située sur le rivage de la mer est construite de blocs de pierre d'une grosseur extraordinaire avec des tours hautes et très fortes à peine distantes d'un jet de pierre les unes des autres. Chaque porte est flanquée de deux tours. Les murailles étaient, comme elles le sont encore aujourd'hui, d'une épaisseur telle que deux chariots courant en sens contraire pouvaient s'y croiser très facilement. Du côté de terre aussi elles étaient très puissantes, avec des fossés très profonds, protégées encore par une foule de bastions et d'ouvrages de toute espèce (1). »
1. Lodolf de Sudhkim, De itinere Terre Sancte, livre. II, dans Archives de l'Orient latin, tome II, page 339. 1884.

Certains de ces ouvrages extérieurs qui avaient surtout pour but de défendre les principales issues de la ville étaient considérables. Rey, qui a retrouvé les restes d'une partie de ces ouvrages, compare avec vraisemblance les grandes barbacanes d'Acre à la barbacane de la «  Porte de Laon  », au château de Coucy (2). Il faut observer aussi qu'à la fin du règne de saint Louis on entreprit les grandes barbacanes de Carcassonne.
2. Rey, Etude sur la topographie de la ville d'Acre au XIIIe siècle, dans Mémoires de la Société nationale des Antiquaires de France, tome XXXIX, 818, page 115-145 et surtout page 127-128. Voyez aussi du même auteur Supplément à l'étude sur la topographie de ta ville d'Acre, ibidem tome XLIX, 1888, pages 1-18 et pl. I.

Marino Sanuto et Amadi nous apprennent que les barbacanes d'Acre étaient bordées de fossés et qu'on y accédait par des ponts, les uns de bois, les autres de pierre. Les noms des principales tours des deux enceintes qui défendaient la ville sont connus ; parmi elles il faut citer la tour neuve du roi Henri qui se trouvait à l'angle nord-est de la cité. Elle fut construite par les soins de Henri II de Chypre, couronné roi de Jérusalem à Tyr, le 15 août 1286.

Les ouvrages avancés dont les noms nous sont parvenus étaient la barbacane du roi Edouard d'Angleterre qui, peu avant son couronnement, avait combattu en Terre Sainte (1271-1272); la barbacane du roi Hugues, c'est-à-dire Hugues de Lusignan, roi de Chypre (Hugues III) et de Jérusalem, mort en 1284, et la tour de la comtesse de Blois, Jeanne d'Alençon, morte à Acre le 2 août 1287, tour que cette princesse avait fait ajouter à la barbacane placée en avant de la porte de la tour Saint-Nicolas.
Sources: Deschamps Paul. Les entrées des châteaux des Croisées en Syrie et leurs défenses. In: Syria. Tome 13 fascicule 4, 1932. pages 369-387. doi : 10.3406/syria.1932.3652 - Persée.fr

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