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    Chastel Blanc (Safitha)



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    Chastel Blanc - image de Gertrude Bell - mars 1905

    Non loin de leur grande citadelle de Tortose, les Templiers reçurent la garde du Chastel Blanc (Safitha) et, plus au Sud, celle d'Arima (Areimé).
    Le Chastel Blanc est situé entre Tortose et le Chastel Blanc à 15 km à vol d'oiseau de ce dernier. On peut s'étonner qu'on ait jugé nécessaire de construire si près du Crac une autre forteresse, mais celle-ci était sans doute destinée à protéger le comté contre ses redoutables voisins du Nord, enfermés dans le massif du Djebel Ansarieh, les Assassins, dont l'un des châteaux Khawabi n'était distant que d'une vingtaine de kilomètres.

    Chastel Blanc

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    Chastel Blanc vue en 2007

    Le Chastel Blanc couronne une éminence qui s'élève à 380 mètres au-dessus de la plaine. Le donjon occupe le point culminant. Deux enceintes s'étagent sur les pentes de la colline; la première constitue un ovale presque régulier. Elle s'étend sur 175 m de long et, dans sa plus grande largeur, sur une centaine de mètres. Une photographie aérienne montre que la petite ville actuelle de Safitha s'est bâtie sur le plan de l'ancienne forteresse.

    Chastel Blanc

    Le Chastel-Blanc
    Chastel Blanc - Image Shadi Abou-Deeb

    Le donjon qui paraît dater de la fin du XIIe siècle est assurément l'oeuvre des Templiers, car seul un Ordre à la fois religieux et militaire pouvait le concevoir. En effet c'est une église fortifiée. Détail émouvant : alors que tant d'églises construites par les croisés sont devenues des mosquées ou ont été laissées à l'abandon, celle-ci est encore consacrée au culte chrétien, car la majorité de la population de Safitha, de plus de 3 000 habitants, pratique le rite grec orthodoxe.
    Ce donjon est un magnifique ouvrage rectangulaire de 31 mètres de long sur 18 de large, haut de 28 m, composé de deux étages et surmonté d'une terrasse crénelée.

    Chastel Blanc

    Le Chastel-Blanc
    Chastel Blanc - Image Syrialooks

    La salle basse servait de chapelle aux Templiers. La nef voûtée en berceau brisé comporte trois travées séparées par des doubleaux. Un cordon mouluré passant sous la fenêtre occidentale fait tout le tour de l'édifice. Les murs latéraux sont percés d'archères; le cul-de-four de l'abside est ménagé dans un chevet plat que traverse une profonde archère. A droite et à gauche s'ouvrent deux sacristies carrées munies d'archères ; ces sacristies sont emboîtées dans le chevet plat.

    Chastel Blanc

    Le Chastel-Blanc
    Chastel Blanc - Images Abeedo

    La salle haute, à laquelle on accède par un escalier ménagé dans la muraille, a 25 m 60 de long et 12 m 60 de large. Elle est divisée en deux nefs par une file de trois piliers et défendue par dix archères dont le bas est en étrier pour un tir plongeant. Dans l'angle Sud-Ouest un escalier apparent conduit à la terrasse. Celle-ci avait gardé jusqu'à nos jours son crénelage. Un tremblement de terre, en 1925, en a détruit une partie.
    Il n'y a pas, comme dans d'autres châteaux des croisés, deux étages de défenses à la terrasse ; ici les créneaux alternent avec les archères qui sont percées dans le bas des merlons. De cette terrasse on aperçoit le Chastel Blanc, Arima, d'autres tours. La nuit on pouvait communiquer avec ces forts par des signaux à feu.
    Le donjon qui menaçait ruine fut restauré en 1936 par l'architecte Pierre Coupel.

    Chastel Blanc

    Le Chastel-Blanc
    Chastel Blanc - Images Abeedo

    Maintes fois des expéditions contre les musulmans partirent en même temps du Crac et du Chastel Blanc. Maintes fois ces deux châteaux furent attaqués au cours d'une même campagne. Beibars s'empara du Chastel Blanc en février 1271, juste avant d'entreprendre le siège du Crac. Aucun texte ne dit à quelle date cette forteresse fut confiée à la garde des Templiers, mais on peut la fixer avec vraisemblance car on sait que les forteresses de Chastel Blanc et d'Arima furent fort éprouvées coup sur coup en 1170 et 1171. En 1170 un violent tremblement de terre ébranla leurs murailles et l'année suivante, au cours d'une campagne, Saladin s'en empara momentanément et y fit des dommages. Il fallait relever ces ruines. On peut penser que le roi Amaury qui, à la suite du séisme de 1170, avait donné à l'Hôpital pour les réparer les châteaux d'Akkar et d'Archas, agit de même avec le Temple pour Chastel Blanc et Arima. Les caractères de l'architecture de l'église-donjon de Chastel Blanc indiquent bien un monument de la fin du XIIe siècle.

    Chastel Blanc

    Le Chastel-Blanc
    Chastel Blanc - Images Wayfaring-Wagner

    Arima Qalaat Areimeh

    Arima Qalaat Areimeh, à 15 km au sud-ouest de Safita, il ne reste plus qu'une enceinte en ruine.

    Dans les textes il est toujours question en même temps de Chastel Blanc et d'Arima. Le petit château d'Arima est situé sur un éperon entre deux cours d'eau, affluents du Nahr Abrash. En 1149 il appartenait à un seigneur toulousain, Bertrand fils du comte Alphonse-Jourdain et petit-fils de Raymond de Saint-Gilles. Bertrand fut enlevé par surprise à Arima et emmené en captivité ainsi que sa soeur. L'émir Nour ed Din aurait fait de celle-ci sa femme et elle en aurait eu un fils.

    Ce fort est très ruiné. Deux tours à bossages rustiques indiquent bien la première moitié du XIIe siècle. Comme nous l'avons dit plus haut, Arima dut être cédé aux Templiers vers 1171. Il est probable qu'il tomba aux mains de Beibars en 1271 en même temps que Chastel Blanc.

    Chastel Blanc

    Le Chastel-Blanc
    Chastel Blanc - Images Medieval Era Archaeological Sites
    http://users.stlcc.edu/mfuller/Medieval/Areimah.html

    Lorsque de Tripoli on suit la route du littoral vers le Nord on aperçoit dans la plaine, près de l'embranchement d'une route qui se dirige vers Homs, le petit château de Coliat (el Qlei'at), qui fut donné par Pons, comte de Tripoli, à l'Hôpital en 1128. Il consiste en une enceinte carrée de 60 m de côté flanquée d'un saillant barlong au milieu de chaque face et de tours carrées aux angles dont une plus haute que les autres. C'est le type des petits châteaux de plaine destinés surtout à servir de refuge aux pasteurs avec leurs troupeaux et, à l'occasion, de gîte d'étape à une troupe en campagne.
    Sources : Paul Deschamps. Les châteaux des Croisés en Terre-Sainte : Tome I, Le Chastel Blanc, étude historique et archéologique, précédée d'une introduction générale sur la Syrie franque. Préface par René Dussaud, membre de l'Institut. Plans en couleurs et croquis par François Anus. (Haut commissariat de la République française en Syrie et au Liban. Service des antiquités. Bibliothèque archéologique et historique, t. XIX.) Paris, Paul Geuthner, 1934.
    Paul DESCHAMPS, Tome II, La défense du Royaume de Jérusalem, Paris, Paul Geuthner, 1939.
    Paul DESCHAMPS, Tome III, La défense du comté de Tripoli et de la principauté d'Antioche, Paris, Paul Geuthner, 1971.


    Le Chastel-Blanc   (Safitha)

    Chevalier Templier
    Chevalier Templier

    Safita, à 35 kilomètres de Tartous, le Chastel Blanc des croisés qui faisait partie du comté de Tripoli a été construit par les croisés (vers 1112). L'ordre des templiers a reconstruit Chastel Blanc après sa destruction par les Seldjoukides en 1167 et 1171 puis par un tremblement de terre en 1202.

    En 1271 Le fort est tombé pratiquement sans résistance dans les mains des Mamelouks et son évacuation a été ordonnée par le Maître des Templiers de Tartous. Aujourd'hui il ne subsiste du château que le donjon dont le rez-de-chaussée est devenu une église dédiée à Saint Michel.

    Chastel Blanc

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    Chastel Blanc vue en 2007 - Image ArtServe
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    Lorsque vous arrivée en vue de la tour de Safita, vous avez cette impression de crainte qu'elle donnait aux ennemis et aussi la paix à chaque fois que les nuages lèchent le haut de Castel-Blanc.

    Ce texte est extrait d'une interview à propos de la tour de Safita ou (Chastel Blanc), qui continue d'être toujours au plus haut sommet de la colline de Safita, défiant fièrement le temps, en vantant sa grande histoire et de sa gloire passée. Il a pris son nom de ses pierres blanches qui mesure 2 mètres de longueur sur 1 mètre d'épaisseur. Sa hauteur est de 30 mètres, sa largeur est de 50 mètres, sa longueur est de 70 mètres et il est constitué de deux étages.

    Chastel Blanc

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    Chastel Blanc - Chapelle du Temple - Image ArtServe
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    Au premier étage, il y a une église orthodoxe dont l'épaisseur des murs est d'environ 5 mètres. Cet étage a été construit avec des blocs de pierre dont l'épaisseur se réduit au fur et à mesure de la hauteur des murs.
    Le haut de la chapelle fortifiée est posé sur des voûtes d'ogives qui forment un arc de 15 mètres.
    Ce type de structure renforce le bâtiment, malgré l'augmentation de poids et la pression sur sa base.
    Son plancher est recouvert de grandes plaques de pierre. Il y a des petites fenêtres qui sont en dehors de la largeur 20 cm, mais leur largeur est de 1,5 mètre à l'intérieur.
    Il est plus que probable que les fenêtres ont été utilisées par les archers et les défenseurs de la tour. Il y a une porte d'entrée unique fabriquée de bois et de fer.
    A l'intérieur, sur la porte, l'on peut encore voir un long verrou de fer dont le diamètre est de 10 cm et la longueur de 2 mètres. Au-dessus de la porte il y a des ouvertures servant à jeter de l'huile liquide sur les ennemis, au cas où certains auraient réussit à franchir la porte de la deuxième enceinte.

    Chastel Blanc

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    Chastel Blanc - porte et linteau sculpté - Image ArtServe
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    Quand les croisés, occupèrent la tour, ils ont gravés une croix, qui existe toujours, sur le linteau de l'unique porte de la tour. Elle fut aussi nommée « La Tour des chevaliers du temple » avant de prendre son nom de « Castel-Blanc. »

    On peut accéder à l'étage en utilisant les escaliers, qui est intégré dans le mur. Ces marches ont été partiellement détruites. L'escalier est éclairé par les fenêtres qui se terminent archères à l'extérieur et très grandes à l'intérieur, la lumière ainsi diffusée est par moment très violente.
    Le plancher du deuxième étage est en terre et le plafond est solidement soutenu par des colonnes.

    Chastel Blanc

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    Chastel Blanc - salle premier étage - Image ArtServe
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    Ces colonnes sont de 1.50 mètre de diamètre et se terminent par des voûtes d'ogives dans leur partie supérieure. Les fenêtres du deuxième étage ont la même forme qu'au premier étage. Ses murs sont moins épais que les murs du premier étage. Une grosse cloche est accrochée au plafond la sonorité de cette cloche est capable de se faire entendre dans les villages environnants jusqu'à 5 km de Safita.

    Chastel Blanc

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    Chastel Blanc - Escalier premier étage - Image ArtServe
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    Un escalier se trouve à cet étage, il mène à la terrasse. La vue y est grandiose depuis cette terrasse, les visiteurs peuvent voir les montagnes du Liban couvertes de neige, et au loin distinguer très nettement Tripoli, la deuxième capitale du Liban, Tripoli est près de 60 km de Safita.

    On a également une vue d'ensemble sur la vallée d'Akar, qui s'étend de la région de Tripoli Mina à la ville de Tal-kalah dans la préfecture de Emesa (Hems). A l'ouest la mer Méditerranée est visible, au nord de la ville de Drekis et les montagnes de Kadmus.

    Chastel Blanc

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    Chastel Blanc - deuxième enceinte - Image ArtServe
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    Il y a deux grands murs d'enceinte qui entourent la tour. Le premier mur se trouve à une distance de 100 à 150 mètres de la tour. Une partie près de la tour est toujours présente. On peut admirer dans cette même enceinte, la porte du palais, une énorme porte que les gens utilisent pour aller à l'Eglise.

    Chastel Blanc

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    Chastel Blanc - porte de la deuxième enceinte - Image ArtServe
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    Cette porte est un arc de 7 mètres de haut. Un grand nombre de maisons autour de la tour ont été construits avec les pierres de la première enceinte de la tour.

    Il y a beaucoup de maisons qui ont été construite à proximité de la première enceinte. La deuxième enceinte est à 1000 mètres de la tour, mais seulement une infime partie est encore visible.

    Pour ceux qui voudraient voir plus d'images : Chastel Blanc - Image ArtServe
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    Chastel Blanc

    Chevalier Templier
    Chevalier Templier

    Chastel-Blanc — (Safita) (1)

    Il est question pour la première fois de cette forteresse en 1112, dans la Chronique d'Ibn al-Qalanisi : Bertrand, fils aîné de Raymond de Saint Gilles, était arrivé à Tortose en 1109 pour revendiquer contre son cousin Guillaume Jourdain le territoire conquis au Liban par son père. Il mourut à la fin de janvier 1112 (2), laissant son héritage à son fils Pons encore très jeune. Celui-ci fut confié par ses officiers à Tancrède, prince d'Antioche, et servit auprès de lui comme page ou écuyer (3). Tancrède lui donna, à titre de fief relevant de la Principauté d'Antioche, Tortose, Safita, le Château des Kurdes (le Crac) et Maraclée (4), c'est-à-dire la partie du comté de Tripoli qu'il avait occupée à la mort de Guillaume Jourdain (1109) et ses propres conquêtes, notamment le Crac qu'il avait pris vers juin 1110. Tancrède mourut le 12 décembre 1112 ; à son lit de mort il avait conseillé à Pons d'épouser sa jeune femme Cécile, fille du roi de France Philippe Ier (5). Selon Albert d'Aix, le mariage eut lieu en 1115 (6).
    Désormais les places ci-dessus firent partie du Comté de Tripoli.

    Chastel Blanc

    Chastel Blanc
    Chastel-Blanc (Safita) Premiere Enceinte — - Image ArtServe
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    Au début de l'année 1167, Nour ed Din fait une incursion dans le Comté de Tripoli, attaque Archas, ruine Djebelé, s'empare momentanément d'Arima et de Safita, fait des dégâts, prend des captifs et revient victorieux à Homs, vers le mois de juin (7). Déjà, l'année précédente il avait pris le Moinetre ou Mouneitira, près d'Afqa. En 1170, un tremblement de terre qui commença le 29 juin et dura vingt-cinq jours, ravagea les forteresses musulmanes et franques et parmi celles-ci, Safita, Arima, Archas et surtout le Crac (8).
    A l'automne 1171, il y eut une nouvelle attaque de Nour ed Din dans le comté de Tripoli. Il assiégea la ville fortifiée d'Archas dont il ne put s'emparer pas plus qu'en 1167, mais dont il ruina un faubourg. Pendant ce temps, il envoya un corps de troupes attaquer les châteaux forts de Safita et d'Arima. « Ce détachement les prit de vive force, les pilla et les démolit. Les Musulmans firent un butin considérable et retournèrent trouver l'atabeg qui était alors campé près d'Archas (9). » Celui-ci poussa ses incursions jusque dans la banlieue de Tripoli.
    Si à plusieurs reprises Nour ed Din vint ravager le Comté de Tripoli, c'est que le Comté était alors privé de son chef, Raymond III, qui avait été fait prisonnier à la bataille de Harim en 1164 (il devait rester en captivité pendant huit ans).

    Mais pendant quelques années les incursions cessent dans le domaine chrétien et ce sont au contraire les Francs qui envahissent les territoires musulmans. En 1175, Raymond III assiège Homs ; en 1176, il ravage la Béqa ; en 1177, il attaque Hama. Mais apparaît Saladin et ce sont, dans le Royaume de Jérusalem et dans le Comté de Tripoli des combats incessants où le sort des armes donne l'avantage tantôt aux Musulmans, tantôt aux Chrétiens. Au printemps 1180, Guillaume de Tyr nous montre Saladin parcourant avec son armée le Comté de Tripoli sans qu'aucune troupe franque n'ose se mesurer avec lui. Tandis que Raymond III demeure avec son armée dans la puissante place forte d'Archas, les chevaliers de l'Hôpital et du Temple restent enfermés dans leurs forteresses (il s'agit du Crac pour les Hospitaliers et, sans doute, de Safita et d'Arima pour les Templiers), s'attendant chaque jour à être assiégés. Mais Saladin se contente de « gâter le pays », de piller les granges et d'incendier les récoltes sur pied (10).

    Après avoir vaincu à Hattin l'armée du roi de Jérusalem et conquis la plus grande partie de la Palestine (en 1187), Saladin entreprit au printemps de l'année suivante une campagne dans le Comté de Tripoli puis dans la Principauté d'Antioche. Le 30 mai 1188, il vint camper près du Crac et ravagea le territoire au voisinage de cette forteresse ainsi que de Safita et d'Arima, mais il n'osa pas les attaquer. Il se contenta de s'emparer momentanément de Qalat Yahmour (11). Il fit une tentative contre le donjon de Tortose mais les chevaliers du Temple repoussèrent ses assauts (12).

    La Chronique de Robert d'Auxerre signale que le 20 mai 1202, un tremblement de terre secoua la Syrie et que la forteresse de Chastel Blanc en souffrit particulièrement (13).
    En 1217, le Chastel Blanc reçut la visite d'un personnage illustre, Jacques de Vitry. Innocent III, en 1215, avait voulu faire prêcher une grande croisade (la cinquième) en faveur de la grande colonie chrétienne de Syrie. Son successeur, Honorius III, poursuivit son projet et tandis qu'il envoyait des prédicateurs en Occident, il chargea Jacques de Vitry qu'il venait de nommer évêque d'Acre, de se rendre en Syrie pour y raviver le zèle des premiers Croisés chez les occupants dont beaucoup appréciaient fort la vie facile de l'Orient et ne demandaient qu'à vivre en bonne harmonie avec leurs voisins musulmans. L'évêque d'Acre parcourut toute la côte, Acre, Tyr, Sidon, Beyrouth, Giblet, Tripoli. Il pénétra dans l'intérieur du pays. Sa voix ardente résonna sous les voûtes de la cathédrale de Tortose, des chapelles du Crac et de Margat, de l'église-donjon de Chastel Blanc. Pour se rendre à Chastel Blanc et au Crac, il dut passer à proximité des territoires des Assassins et dans une de ses lettres si vivantes et qui font si bien comprendre la vie coloniale en Syrie au début du XIIIe siècle, il raconte qu'il expédiait des pigeons voyageurs munis de lettres pour annoncer son arrivée et demander qu'on envoyât au-devant de lui une escorte armée (14).

    La 5e croisade amena en Egypte les Croisés qui assiégèrent Damiette en juin 1218. A cette même date, le prince Al-Ashraf, fils du sultan Malik al-Adil que les Croisés attaquaient en Egypte, envahit le Comté de Tripoli et ravagea les faubourgs du Crac des Chevaliers et de Safita (15). Olivier le Scolastique dit même qu'il incendia cette forteresse (16).

    En octobre 1233, les Hospitaliers, ayant réclamé en vain un tribut que leur devait le Prince de Hama, organisèrent une expédition sur son territoire. A leur troupe se joignirent des contingents venus du Royaume de Jérusalem, de la Principauté d'Antioche, de Chypre. Le Temple envoya des chevaliers qui avaient à leur tête le Grand Maître de l'Ordre, Armand de Périgord. Il est évident que les chevaliers de Chastel Blanc firent partie de cette armée qui alla ravager les environs de Rafanée (17).

    Ibn Chaddad le géographe nous apprend que saint Louis pendant son séjour en Palestine et au Liban visita les côtes de Syrie et, jugeant la forteresse de Safita trop petite, la fit considérablement agrandir du côté du Midi (18).

    Vint l'époque de la déchéance. S'étant emparé de Beaufort, dans le Liban-Sud, le Sultan Beibars, en mai 1268, remonta vers le Nord et tenta de s'emparer de Tripoli. Pour éviter d'être attaqué, le gouverneur de Chastel Blanc vint le trouver, lui remit trois cents prisonniers et obtint ainsi que son territoire fût épargné (19).

    La mort de saint Louis amena l'abandon de la 8e Croisade. Cet échec jeta le découragement dans la colonie franque de Terre Sainte qui n'avait plus de secours à espérer de France. Le sultan Beibars reprit ses conquêtes avec un nouvel élan. A la fin de février 1271, il envahit le comté de Tripoli et vint assiéger Chastel Blanc. La garnison résolut de se défendre ; mais le Maître du Temple à Tortose lui donna l'ordre de capituler et les Templiers au nombre de 700 rendirent la forteresse et purent se retirer sans être inquiétés (20). De là, Beibars alla s'emparer du Crac des Chevaliers (21).

    Il y a un dernier écho de Chastel Blanc en 1280. A la fin d'octobre, les Hospitaliers qui tenaient encore Margat sortirent de cette forteresse au nombre de 200 et allèrent piller les environs du Crac. Il ramenèrent une grande quantité de bétail. A leur retour, à la hauteur de Chastel Blanc, ils furent attaqués par une troupe de 5.000 cavaliers mameluks et turcomans qui les harcelèrent jusqu'à Maraclée. Là, la petite troupe franque se retourna contre eux et, malgré la disproportion des forces, les tailla en pièces (22).

    Par suite de la perte du cartulaire du Temple, nous ignorons à quelle date précise Chastel Blanc fut confié à la garde de cet Ordre. Mais peut-être pourrons-nous la déterminer approximativement.
    Trois actes seulement mentionnent Chastel Blanc comme appartenant au Temple :
    — Un acte d'octobre 1228, passé à Acre, souscrit par Baudouin de Crescium, « castellanus Castri Blanci (23). »
    — Deux actes souscrits le 18 novembre 1241 (24) et en mai 1243 (25) par Richard de Bures, châtelain de Chastel Blanc ; l'acte de 1243 est un accord entre l'Hôpital et le Temple au sujet de terres voisines du Crac et de Chastel Blanc (26).

    Il semble bien que Chastel Blanc appartenait au Temple dès avant 1188 et peut-être même avant 1180. Nous avons vu en effet que lors du raid de Saladin en 1180, dans le Comté de Tripoli, Guillaume de Tyr signale que les frères du Temple et de l'Hôpital n'osent sortir de leurs forteresses. Peut-être y a-t-il là une allusion aux garnisons des Templiers à Chastel Blanc et à Arima. Nous avons vu aussi qu'au cours de sa campagne du printemps 1188, Saladin n'osa pas attaquer Chastel Blanc. C'est donc que cette Place était bien fortifiée et pourvue d'une garnison que n'aurait pu assurer le comte de Tripoli. En outre une lettre de janvier 1188, adressée par un Templier au roi d'Angleterre (27), donne des nouvelles de la Terre Sainte après la prise de Jérusalem et signale que les chrétiens tiennent encore certaines forteresses, entre autres Chastel Blanc et les territoires de Tripoli et d'Antioche. Ainsi Chastel Blanc ne paraît plus à cette époque dépendre directement du comte de Tripoli. Il est d'ailleurs évident que le donjon-église de Chastel Blanc n'a pu, dès l'origine, être construit que par un Ordre militaire et religieux. Et comme son architecture permet de la dater de la fin du XIIe ou du début du XIIIe siècle, c'est donc que le Temple possédait alors Chastel Blanc. On peut proposer pour l'acquisition de cette place par le Temple une date plus précise : nous savons que dès 1169 les Templiers possédaient Tortose qui avait alors Gautier de Beyrouth comme Précepteur (28). Chastel Blanc a pu être donné au Temple vers la même époque, un peu plus tard peut-être. Car nous avons vu qu'en 1170 Safita et Arima avaient été éprouvées par un séisme et que l'année suivante (1171), Nour ed Din s'empara de ces deux places, les pilla et les démolit. Il fallait relever ces ruines. Remarquons qu'après le tremblement de terre de 1170, le roi de Jérusalem, Amaury, bayle du comté de Tripoli pendant la captivité de Raymond III, donna les châteaux d'Archas et d'Akkar à l'Hôpital à charge pour cet Ordre de les reconstruire (29). On peut penser qu'il fit de même avec le Temple pour Chastel Blanc et Arima.
    Sources : Les Châteaux des Croisés en Terre Sainte, tome III, La Défense du Comté de Tripoli et de la Principauté d'Antioche. Editeur Paul Geuthner, Paris 1973

    Chastel-Blanc - Notes

    1. Safita paraît devoir être rapproché du mot arabe Safi qui signifie clair, limpide. Les Francs ont dû interpréter ce terme en appelant cet édifice : Chastel Blanc.
    2. Peut-être seulement à la fin de cette année ou au début de 1113 ; voir René Grousset, II, page 68, note tome I et page 889.
    3. Guillaume de Tyr, tome XI, 18, Historiens Orientaux des Croisades, tome I, page 483. — Ibn al-Qalanisi, ed. Gibb, page 127.
    4. Ibn al-Qalanisi, ibid.
    5. Guillaume de Tyr, ibid.
    6. Albert d'Aix, tome XII, 19, Historiens Orientaux des Croisades, tome III, page 701.
    7. Ibn al-Athir, Kamel..., Historiens Orientaux des Croisades, tome I, page 551. — Aboul Feda, Historiens Orientaux des Croisades, tome I, page 36.
    8. Abou Chama, Livre des deux jardins, Historiens Orientaux des Croisades, tome IV, page 154.
    9. Ibn al-Athir, Kamel..., Historiens Orientaux des Croisades, tome I, page 584. — Histoire des Atabegs de Mossoul, ibid., II b, pages 279-280.
    10. Guillaume de Tyr, XXII, 2, Historiens Orientaux des Croisades, tome I b, page 1064. — Voir René Grousset, tome II, pages 680-681.
    11. Ibn al-Athir, Kamel..., Historiens Orientaux des Croisades, tome I, page 717. — Abou Chama, Livre des Deux Jardins, Historiens Orientaux des Croisades, tome IV, page 352.
    12. Eracles..., XXIV, 12, Historiens Orientaux des Croisades, tome II, page 122.
    13. Robert d'Auxerre, Chronique..., Mon. Histoire Germ., Scriptor., XXVI, page 261 : « Sed et Castrialbi maxima pars murorum et turrium in terram prostrata est. »
    14. Lettres de Jacques de Vitry, édit. R. B. G. Huygens, Leyde, 1960, page 93. Inde vero transivi ad opidum quod dicitur Crac, qui conjunctus est terre eorum qui Assasi nuncupantur : ubique autem occurrebant michi, cum magna devotione, viri et mulieres et parvuli. Cum autem non auderemus premittere nuncios, mittebamus columbas ferentes litteras nostras sub alis, ut hommes civitatis nobis occurrerent propter metum paganorum. Inde vero venimus ad opidum quoddam Templariorum, quod dicitur Castrum Album.
    15. Abou Chama, Livre des deux Jardins, Historiens Orientaux des Croisades, tome V, page 166. — Kamal ad-din, Histoire d'Alep, traduction Blochet dans Revue Orient Latin, tome V, 1897, page 55.
    16. Olivier le Scolastique (Chronique, chapitre 36, édition Hoogeweg, page 235), place ce fait en 1219. « Melchiseraph, fllius Saphadini, multa dampna Templariis intulit, cum essent in obsidione Damiate ; combussit enim oppidum Castri Albi et turres munitas destruxit. » Le même auteur ajoute (chapitre 71, page 268) qu'à nouveau les Musulmans songèrent à attaquer le Castellum Album en 1221 mais qu'ils y renoncèrent pour aller renforcer l'armée d'Egypte.
    17. Eracles..., tome XXXIII, pages 38-39, Historiens Orientaux des Croisades, tome II, page 403-405.
    18. Ibn Chaddad le Géographe, cité par Van Berchem dans Journal asiatique, 1902, tome I, page 440.
    19. Bedr ed-Din al-Aini, Le Collier de Perles, Historiens Orientaux des Croisades, tome II a, page 227-228. — Maqrizi, Histoire des Sultans Mamelouks, traduction Quatremère, tome I b, page 52.
    20. Eracles..., tome XXXIV, 14, Historiens Orientaux des Croisades, tome II, page 460. — Maqrizi, ibid., tome II b, pages 84-85. — Menko, Chronique, Mon. Germ. Histoire, Scriptor., tome XXIII, page 555. — Voir Rohricht, Etudes sur les derniers temps du Royaume de Jérusalem, Archives de l'Orient Latin, tome II, page 397. — Voir aussi René Grousset, tome III, page 654.
    21. Bedr ed-din al-Aini (Historiens Orientaux des Croisades, tome II a, page 238) raconte qu'après la prise du Crac le Commandeur de Tortose envoya demander à Beibars une trêve. Celui-ci l'accorda pour Tortose et Margat seulement. Il en excepta Safita et son district.
    22. Gestes des Chiprois, paragraphe 403, Historiens Arméniens des Croisades, tome II, page 784.
    23. Rohricht, Reg..., page 261, n° 993.
    24. Ibid., page 286-287, n° 1102 « Richard de Bures, Castellanus de Chasteau Blanc. »
    25. Ibid., page 289, n° 1111. — Cartulaire des Hospitaliers de Saint-Jean de Jérusalem, tome II, pages 602-603, n° 2296.
    26. Voir plus haut, chapitre I, page 18.
    27. Rohricht, Reg..., page 178, n° 669.
    28. Rohricht, Reg..., page 121, n° 462.
    29. Cartulaire des Hospitaliers de Saint-Jean de Jérusalem, tome I, pages 284-286, n° 411. — Rohricht, ibid., page 125, n° 477.

    Sources : Les Châteaux des Croisés en Terre Sainte, tome III, La Défense du Comté de Tripoli et de la Principauté d'Antioche. Editeur Paul Geuthner, Paris 1973

    Chastel-Blanc - Description

    Le Chastel Blanc, en arabe Safita ou Bordj Safita, est une ville d'environ 3000 habitants dont la plupart sont des chrétiens appartenant au rite grec orthodoxe. Elle est bâtie sur les constructions des Croisés. La photographie aérienne verticale montre nettement que les rues et les maisons s'ordonnent suivant le plan des enceintes de l'ancienne forteresse. Ces enceintes affectent dans le sens Est-Ouest la forme d'un ovale se rétrécissant et s'aplatissant vers l'Est. (Planche XXXI et XXXII).

    Chastel Blanc

    Chastel-Blanc (Safita) Premiere Enceinte
    Chastel-Blanc (Safita) Premiere Enceinte — Image ArtServe
    https://artserve.anu.edu.au/

    La ville se dresse sur une éminence du Djebel Ansarieh à 380 mètres d'altitude. Le donjon se trouve au centre du plateau qui constitue le sommet de cette éminence. Au Nord et au Sud, c'est-à-dire sur les fronts les plus étendus, ce plateau domine des pentes escarpées, tandis qu'à l'Est et à l'Ouest il se rattache aux collines avoisinantes. (Planche XXXIII a).

    A ces deux extrémités orientale et occidentale, Rey a remarqué des tertres élevés de main d'homme qui, peut-être munit de palissades, devaient constituer des ouvrages avancés.

    Deux enceintes s'échelonnent sur les pentes de la montagne. La première (extérieure) constitue un ovale presque régulier ; elle s'étend sur 165 mètres environ de long et, dans sa plus grande largeur, sur 100 mètres environ. Ses ouvrages sont presque entièrement démolis ; mais on voit encore en certaines places, en particulier sur le front Sud, les hauts talus sur lesquels s'élevaient les murailles.

    On remarque au milieu du front Nord les restes d'un saillant carré ; au front Ouest un grand saillant barlong (2).
    Au front Sud les vestiges d'un saillant carré et, à une dizaine de mètres vers l'Est, d'un grand saillant barlong, tous deux munis d'un appareil à bossages.

    Rey écrit : « Je crois avoir reconnu à certains endroits des restes de contreforts appliqués à l'escarpe et se perdant dans le talus : selon toute apparence ce doivent être les restes de mâchicoulis analogues à ceux qui se voient à l'un des ouvrages de Kalaat el-Hosn. » Il s'agit des arcs formant trois mâchicoulis à la face Nord-Ouest de l'ouvrage P du Crac des Chevaliers (3). Si mes souvenirs sont exacts, c'est au Sud au voisinage du saillant carré et du saillant barlong que se trouvaient ces contreforts, dans une rue de la ville.

    J'ai remarqué aussi, lors de ma visite en 1927, non loin de là que le talus était, sur une douzaine de mètres, renforcé d'un appareil à gradins sur six rangs formé de grandes pierres, dont certaines ont deux mètres de long, disposées comme les tuiles d'un toit (4). Peut-être s'agit-il d'un dispositif pour faire ricocher les projectiles ? (Planche XXXV b).

    Au front Est se trouve un ouvrage appelé Qasr Bent el-Malek (le château de la fille du roi) où est percée l'entrée de la première enceinte. Rey l'a décrit lorsqu'il était en bien meilleur état.

    On entre par la porte « B » consolidée en 1939 par M. Pierre Coupel. Après avoir franchi cette porte on traverse une salle où l'on trouve deux portes, l'une en face « B'' », l'autre à gauche « B' ». A gauche de B' se trouvait le saillant A (5). Rey a supposé avec beaucoup de vraisemblance que la muraille où est percée la porte « B » avait été ajoutée postérieurement à la construction de la forteresse, car l'utilité du saillant « A » qui commandait l'entrée principale « B' » ne s'explique plus après cette addition.
    Deux étages de salles voûtées occupaient le front Est de la forteresse. On en voit encore la muraille intérieure, c'est-à-dire le mur occidental. A l'étage supérieur une grande fenêtre est encadrée de deux faisceaux d'ogives supportées par des consoles sculptées. Cette salle et la salle inférieure sont d'un très beau style du XIIIe siècle. (Planche XXXIII b).
    M. Coupel a reconnu au Nord du Donjon la présence de deux salles d'une longueur totale d'environ 50 m où l'on pénétrait par une porte percée au Nord dans la première enceinte. Rey n'avait pas eu connaissance de ces salles.
    L'espace compris entre les deux enceintes était occupé par des salles voûtées qu'on a utilisées en construisant des maisons. Certaines d'entre elles ont encore des chambres voûtées et communiquent avec des souterrains.

    Au front Sud-Ouest de la deuxième enceinte, Rey avait signalé (F) des bâtiments donnant accès à un saillant pentagonal E. M. Coupel a reconnu ce saillant encore conservé alors que les bâtiments voisins ont disparu.

    Le Donjon était enfermé dans une chemise dont Rey a retrouvé des vestiges à l'Est « D » et au Sud. On gagnait l'entrée du Donjon à l'Ouest en passant entre son mur Sud et le mur de la chemise pour atteindre une porte en « C ». (Planche XXXIV a).

    Le Donjon qui présente à l'extérieur un fruit d'environ 0,30 mètre est une magnifique construction de 31,20 mètres de long sur 18 mètres de large ; le terrain est un peu en déclivité et la hauteur moyenne de l'édifice est de 27 mètres. Il comporte deux étages que surmonte une terrasse crénelée.

    Chastel Blanc

    Chastel Blanc
    Chastel-Blanc (Safita) Terrasse crénelée — Image ArtServe
    https://artserve.anu.edu.au/

    On atteint à l'Ouest la porte d'entrée en gravissant un perron moderne de quelques marches. A la clef de l'arc est une croix fleuronnée (6). Cette porte était munie à l'intérieur d'une barre à coulisse. La salle basse avait tous les caractères d'une église fortifiée. (Planche XXXIV b).

    Près de l'entrée un assommoir percé dans la voûte permettait de jeter de la salle haute des projectiles sur les assaillants qui auraient voulu forcer la porte. Au-dessus de celle-ci s'ouvre une fenêtre en arc brisé.

    La nef voûtée en berceau brisé est divisée en trois travées par deux doubleaux aux arêtes abattues retombant sur des pilastres à imposte. Un cordon mouluré passant sous la fenêtre Ouest fait tout le tour de l'édifice.

    La première travée est éclairée par la fenêtre de l'Ouest, la deuxième et la troisième travée sont éclairées par quatre archères encadrées d'un large ébrasement en arc brisé.

    Un doubleau à deux ressauts retombe sur deux doubles pilastres qui, comme au choeur de Notre-Dame de Tortose, encadrent l'entrée de l'abside en cul-de-four. Cette abside est surélevée de deux marches, comme à la chapelle de Margat.

    A droite et à gauche deux passages conduisent dans deux sacristies carrées emboîtées dans le même chevet plat que l'abside ; elles sont défendues chacune par une archère profonde percée obliquement. L'usage de ces sacristies encadrant l'abside était courant dans les églises paléochrétiennes de Syrie (7).

    L'épaisseur des murs n'est pas celle d'une église, mais bien d'un donjon puisque l'archère percée dans le cul-de-four et celles des sacristies ont près de 4 mètres ; les murs Nord et Sud ont la même épaisseur.

    La longueur de l'église est de 23,60 mètres ; la largeur de la nef est de 10,20 mètres. La hauteur sous voûte est de 13,50 mètres. Cette église est demeurée sous le vocable de saint Michel. Elle a gardé de nos jours sa destination première et sert comme église à la population chrétienne de Safita.

    On accède à la salle haute par un escalier percé dans le mur de la première travée à l'angle Sud-Ouest. Il était fermé par une porte renforcée de barres à coulisse et de verrous. Cet escalier monte d'abord dans l'épaisseur du mur Ouest, on rencontre un premier palier puis on tourne vers le Sud où l'on rencontre un deuxième palier éclairé par une archère percée dans le mur Sud. L'escalier fait un angle droit dans le mur Sud pour aboutir dans la salle haute. (Planche XXXIV b).

    La salle haute a 25,50 mètres de long et 12,60 mètres de large. Sa hauteur est de 6,50 mètres. Les murs ont 2,50 mètres d'épaisseur. Elle est divisée en deux nefs par une file de trois piliers qui prennent appui sur les doubleaux de la chapelle. Ces piliers sont composés d'un massif carré renforcé d'un pilastre sur chaque face. La salle est divisée en 8 travées voûtées d'arêtes soutenues par des doubleaux. Le long des murs des pilastres à ressaut reçoivent les retombées des voûtes. Tous les supports ont des impostes moulurées.
    Cette salle est défendue par 11 archères, soit 4 au Nord, 4 au Sud, 2 à l'Est, 1 à l'Ouest ; sur cette face une petite fenêtre plus large qu'une archère tient la place de celle-ci.
    Des niches en plein-cintre reposant sur un soubassement de 0,80 m ouvrent sur les archères en berceau brisé rampant.
    La fente des archères a 1,30 m de haut ; en bas elles s'évasent en triangle pour un tir plongeant.
    A l'angle Sud-Ouest un escalier coupé par un palier conduit à la terrasse. Il est soutenu par trois corbeaux superposés. Cette terrasse a gardé de nos jours son crénelage (8). En 1925 un tremblement de terre a renversé les nierions de l'Ouest, mais ceux des autres faces sont en partie conservés (9). (Planche XXXV a et c).

    Il n'y a pas ici, comme à Saône, à Margat et à Qalat Yahmour, deux étages de défenses ; on voit dans ces châteaux, en bas, des niches en arc où sont percées les archères et, au-dessus' de ces niches, un chemin de ronde crénelé. Ici les créneaux alternent avec les archères qui sont percées dans le bas des nierions. Rey a signalé que la tête des nierions portait encore les encastrements des volets destinés à abriter les défenseurs. La partie haute du merlon est formée d'une seule pierre coiffant l'archère.

    On accède au chemin de ronde, à ciel ouvert, par une marche de 0,25 mètre. De cette terrasse on aperçoit le Crac des Chevaliers, Arima, les Tours de Toklé, de Bordj Mouheish, de Bordj Arab et Bordj Zara. On apercevait aussi Qal'at Feliz et sans doute Akkar. La nuit, on pouvait communiquer avec ces forts par des signaux à feu.
    Sous le sol de la première travée de la chapelle, et sous le terre-plein près de l'entrée « C », se trouve une citerne de 16 mmètres sur 16 mètres creusée dans le roc. Un escalier y descend. Un promenoir en fait le tour. Un puits est placé en avant de l'entrée du Donjon.
    Une niche aujourd'hui bouchée de la chapelle au Sud près du pilastre de l'abside (10) conduisait à des souterrains, quatre au moins, qui partant du Donjon gagnaient vers le Sud et l'Ouest la première enceinte (11). Ils sont en plan incliné puisque le Donjon est sensiblement plus élevé que la première enceinte.
    Nous avons relevé dans le Donjon un certain nombre de marques de tâcherons :


    Chastel Blanc

    Marques de Tacherons de Chastel-Blanc (Safita)

    Marques de Tacherons de Chastel-Blanc (Safita)
    Marques de Tacherons de Chastel-Blanc (Safita) — Sources : Paul Deschamps

    Nous savons qu'au plus tard en 1169 les Templiers possédaient Tortose. Safita et Arima leur furent peut-être données à peu près à la même époque.

    Après 1170-1171, Chastel Blanc était en ruines. Nous avons vu plus haut qu'après le séisme de 1170 le roi de Jérusalem Amaury avait donné à l'Hôpital les châteaux d'Archas et d'Akkar à charge de les rebâtir. Il est probable qu'il confia au Temple une tâche identique pour Chastel Blanc et Arima.

    L'église-donjon de Chastel Blanc est certainement une oeuvre des Templiers. Le monument paraît donc avoir été construit après 1171. Guillaume de Tyr raconte qu'au printemps 1180 Saladin entreprend une razzia dans le Comté de Tripoli, que Raymond III concentre son armée à Archas et que les Templiers et les Hospitaliers se tenaient enfermés dans leurs forteresses. Il semble bien qu'il s'agit de Chastel Blanc et du Crac et peut-être d'autres châteaux des Ordres.

    « Entre l'ost le Conte et les Frères de l'Ospital et du Temple estoit Salehadins logiez, si que li uns ne pooit faire secor à l'autre ; Salehadins qui ne trovoit point de contredit en la terre, chevauchait à petites jornées por gaster le païs (12). »

    Ainsi les Templiers enfermés à Chastel Blanc ne se risquaient pas à attaquer Saladin en rase campagne, mais celui-ci n'osa pas assiéger la forteresse. Il en fut de même en 1188 lors de sa marche conquérante à travers le Comté de Tripoli. On peut donc penser que le principal ouvrage de Chastel Blanc était construit à cette époque. C'est aussi l'opinion de Camille Enlart. Cependant il fait une réserve à propos du tremblement de terre du 20 mai 1202, rapporté par Robert d'Auxerre, qui causa de grands dégâts à Chastel Blanc. « L'hypothèse la plus probable, dit-il, est que l'on a conservé en 1203 une partie du bâtiment sinistré et que l'on a réparé ou rebâti avec remploi d'anciens matériaux (13). »

    Chastel Blanc subit aussi des mutilations lorsqu'on 1218 le Prince al-Ashraf l'attaqua. Olivier le Scolastique dit qu'il l'incendia et détruisit des tours, mais il n'est pas question du donjon.

    Saint Louis délivré de sa captivité arriva à Saint-Jean d'Acre le 13 mai 1250. On sait qu'il passa quatre ans en Terre Sainte où il restaura plusieurs places fortes. Ibn Chaddad rapporte qu'il visita les côtes de Syrie et fit faire des travaux à Safita. Ceci doit concerner au moins le bâtiment à deux étages (Qasr Bent el Malek) qui se trouve près de l'entrée de la première enceinte à l'Est. On ne voit plus sur le mur occidental de l'étage supérieur que deux belles consoles, ornées de feuillage, surmontées d'abaques à cinq pans recevant doubleaux et branches d'ogives. Ces retombées de voûtes sont tout à fait analogues à celles de la grande salle des Templiers à Tortose. M. Rey d'ailleurs avait constaté cette ressemblance (14).

    M. Enlart a étudié avec soin la grande salle du château de Tortose et en a vanté la décoration (15).

    Tortose et Chastel Blanc étaient aux Templiers. Que l'on ait employé au milieu du XIIIe siècle même architecte, mêmes sculpteurs et mêmes ouvriers dans les deux édifices est tout à fait vraisemblable.

    Conclusion : on peut donc proposer trois époques à Chastel Blanc :
    1° La première comporterait les deux enceintes où l'on rencontre parmi les maisons de la ville des saillants et des fragments de remparts munis d'un appareil à bossages rustiques ;
    2° L'église-donjon élevée après 1171 et réparée après le tremblement de terre de 1202 ;
    3° Le bâtiment à deux étages à l'Est qu'on peut attribuer au milieu du XIIIe siècle.

    Depuis longtemps le Chastel Blanc menaçait ruine. La face Ouest était gravement endommagée ; une partie du parement était tombée entre la fenêtre de la chapelle et l'angle Nord-Ouest ; une longue lézarde descendait de la terrasse jusqu'au sommet de la fenêtre. Une autre lézarde déchirait aussi la face Sud.

    Sur l'initiative de M. H. Seyrig, alors Directeur du Service des Antiquités de Syrie, M. P. Coupel, architecte de ce service, dirigea cette restauration en 1938-1939 et répara en même temps les bâtiments de l'entrée de la première enceinte à l'Est. Ainsi sera conservée longtemps encore cette belle forteresse de l'Ordre du Temple.
    Sources : Paul Deschamps. Les Châteaux des Croisés en Terre Sainte, tome III, La Défense du Comté de Tripoli et de la Principauté d'Antioche. Editeur Paul Geuthner, Paris 1973

    Chastel-Blanc — Notes Description

    1. Rey, Etude sur les monuments de l'architecture militaire des Croisés, pages 85-92, figures 26-27, et Plan, planche IX.
    2. Ne figure pas sur le plan de Rey.
    3. Paul Deschamps, Le Crac des Chevaliers, page 186 et figure 35. On voit un système de mâchicoulis analogue au XIIe siècle aux châteaux de Lucheux et de Niort, ainsi qu'au Château-Gaillard construit en 1197.
    4. Photos de Huygens qui a bien voulu prendre en 1966 ces photographies sur ma demande.
    5. La porte « B'' » est conservée ; la porte « B' » n'existe plus, mais M. Coupel en a retrouvé le seuil et les crapaudines. L'ouvrage A est aujourd'hui détruit ; une maison a été construite sur ses fondations.
    6. Remarquons qu'à Tortose, autre forteresse des Templiers, la porte du saillant commandant l'entrée de l'enceinte est ornée à la clef d'une croix tréflée (voir plan).
    7. Des sacristies semblables se trouvent dans la chapelle du château de Margat. On en voit aussi flanquant le choeur de la cathédrale de Tortose, mais là elles ne sont pas emboîtées dans le même chevet.
    8. Dimensions des merlons : largeur 2,25 mètres ; hauteur 1,60 mètre ; hauteur d'une archère 1 mètre ; hauteur d'un créneau 0,80 mètre ; largeur d'un créneau 0,60 mètre.
    9. Au Donjon de Saône, il reste les pierres de base des merlons.
    10. Guide Bleu, Syrie, Palestine (1932), page 245.
    11. Colonel page Jacquot, L'Etat des Alaouiles, Beyrouth, 1929, pages 107-108. Voir le tracé de ces souterrains sur le plan de la forteresse, page 107.
    12. Guillaume de Tyr; Historiens Orientaux des Croisades, tome I, page 1065.
    13. G. Enlart, tome II, page 92.
    14. « Ses murailles, dit-il, page 87, ont quant aux matériaux qui les composent, beaucoup d'analogie avec celles de Tortose. »
    15. G. Enlart, tome II, pages 427-430, et Album, Planche 26, figure 84. Chastel Blanc, pages 89-93, plan et coupe, pages 90-91. Album, planche 166, figure 230 bis et 230 ter. Grande salle de Tortose, tome II, pages 427-430, Album, planche 26, figure 84, Planche 181 et 183.

    Sources : Paul Deschamps. Les Châteaux des Croisés en Terre Sainte, tome III, La Défense du Comté de Tripoli et de la Principauté d'Antioche. Editeur Paul Geuthner, Paris 1973

    Chastel-Blanc (Safita)

    Au sortir de Tripoli, le voyageur se rendant à Homs ou à Tortose aperçoit au loin vers le nord une haute tour : c'est le Bordj-Safita, qui domine fièrement les premiers contre forts de la chaîne des Ansariés dont une des collines a été choisie pour servir d'assiette à ce château.

    Son identification avec le Chastel-Blanc, forteresse possédée par les Templiers et que nous trouvons plusieurs fois mentionnée, soit dans les historiens des croisades, soit dans l'ouvrage de Paoli, ne saurait être douteuse; car, outre la coïncidence de position géographique, il y a encore celle des noms, l'appellation française n'étant que la traduction du nom arabe. L'altitude du château est de 320 mètres environ au-dessus des deux vallées qui l'isolent au nord et au sud, tandis que des crêtes étroites et d'une élévation moindre le relient vers l'est et à l'ouest aux collines les plus proches.
    L'ensemble de la forteresse se compose de deux enceintes échelonnées sur les petites de la montagne, et dans la seconde, formant réduit, s'élève la tour dont je viens de parler.

    A une assez grande distance en avant des murs, des ouvrages avancés paraissent avoir été établis sur les crêtes étroites citées plus haut. De légers mouvements de terrain semblent encore désigner leur emplacement; ils étaient destinés à opposer un premier obstacle à l'assaillant et paraissent ici s'être composés d'un fossé avec épaulement en terre, probablement garni jadis d'une palissade.

    Après les avoir franchis, on traverse une vaste esplanade s'étendant jusqu'aux fossés du château, et plantée de vieux oliviers disposés en quinconces, que je suis fort porté à considérer comme contemporains de l'occupation franque.

    Le Chastel-Blanc, situé à égale distance de Tortose et du Kalaat-el-Hosn, fut appelé à jouer un rôle assez important dans le cours des dernières années de la domination chrétienne en Syrie.

    Un village moderne qui s'est bâti sur les ruines de cette forteresse est aujourd'hui le chef-lieu d'un des districts les plus considérables de la province de Tripoli, et sa population se divise en parties à peu près égales de chrétiens, de musulmans et d'Ansariés.
    De Tripoli, il faut environ douze heures d'une marche rapide pour atteindre ce point.

    La tour qui frappe d'abord les regards est l'ancien donjon du château, qui, comme je l'ai dit, couronne un sommet dont les pentes, s'abaissent brusquement au nord et au sud, couvrent suffisamment de ces deux côtés les abords de la place.

    La première enceinte affecte la forme d'un polygone irrégulier. Sur tout son pourtour elle est revêtue à sa base d'un grand talus en maçonnerie, et flanquée de tours barlongues. Bien que dérasée dans une grande partie de sa hauteur primitive, je crois avoir reconnu à certains endroits des restes de contreforts appliqués à l'escarpe et se perdant dans le talus : selon toute apparence, ce doivent être les restes de mâchicoulis analogues à ceux qui se voient à l'un des ouvrages du Kalaat-el-Hosn.

    Deux tertres faits de main d'homme, restes d'ouvrages avancés, en terre, se voient encore en « G » et en « H » aux extrémités est et ouest du château, et ont même conservé un relief assez considérable.

    La porte s'ouvrait en « B » à l'extrémité nord de cette partie du château. Elle était précédée d'un édifice aujourd'hui ruiné, nommé, par les Arabes, Kasr-bent-el-Melek, et dont les murailles ont, quant aux matériaux qui les composent, beaucoup d'analogie avec celles de Tortose. Les pièces qui existaient dans cette partie du château avaient des voûtes à nervures dont on voit des arrachements considérables au mur occidental, qui subsiste encore.

    Cet ouvrage parait avoir été ajouté postérieurement à la construction de la forteresse, dans le plan de laquelle il ne semble pas prévu, à en juger du moins par la position de la tour « A », destinée primitivement a défendre l'entrée « B », et qui se trouve de la sorte complètement annulée (plan IX).

    L'espace compris entre les deux murailles était rempli de grands magasins voûtés dont les restes disparaissent malheureusement aujourd'hui sous les maisons arabes du village moderne de Safita, qui rendent les recherches très-difficiles et contrarient à chaque pas les observations archéologiques.

    Ici, comme à Tortose, à Athlit et à Areyineh, on reconnaît facilement le système d'architecture militaire usité par les Templiers.

    La deuxième enceinte, dans laquelle on pénètre par la porte « C » placée sous le commandement du donjon, forme un terre-plein hexagonal avec citerne au centre. Une chemise « D », aujourd'hui presque entièrement ruinée, précédait de ce côté la tour ainsi que l'entrée du réduit. Une grande partie de la muraille et une des tours d'angle « E » se sont conservées jusqu'à nous. Le plan pentagonal sur lequel cette dernière est élevée parait être un emprunt fait à l'art byzantin, car nous voyons des défenses semblables à celle-ci aux angles de la forteresse byzantine de Marès, possédée longtemps par les croisés. Cette tour renferme une salle percée de meurtrières. On y entre par les bâtiments « F » adossés au rempart et dont les ruines se voient au pourtour du terre-plein; ce durent être des magasins et des logis.

    C'est donc à cheval sur le mur de la seconde enceinte et au point culminant du château que se dresse encore, telle que la virent les chevaliers du Temple, la tour du Chastel-Blanc, tout à la fois chapelle et donjon.

    On reconnaît bien, dans l'étrange conception de ce monument, le génie de ces moines guerriers, si longtemps la terreur des musulmans, en même temps que l'admiration et la gloire de l'Europe chrétienne, qui jusque dans l'édification du sanctuaire ont su apporter tous les moyens de défense qu'a pu leur suggérer l'art de l'ingénieur militaire. De la sorte, les premières lignes enlevées par l'assaillant, la lutte se trouvait transportée au pied de l'autel, dans le temple même de ce Dieu pour le triomphe duquel on combattait. Epargnée par le temps, la chapelle sert actuellement d'église aux chrétiens grecs qui habitent le village de Safita et est demeurée sous le vocable de Saint-Michel.

    Le plan de cette tour est un grand parallélogramme de 31 mètres de long sur 18 de large. Au claveau de la porte se voit une croix fleuronnée analogue à celle dont il existe encore des traces au-dessus de l'entrée du château de Tortose. Une citerne a été taillée dans le rocher sur lequel est élevé cet ouvrage. Son orifice est placé au niveau du pavé de la chapelle, qui occupe le rez-de-chaussée. Cette dernière présente dans ses dispositions intérieures une grande analogie avec celles de Margat et du Krak, dont nous retrouvons ici tous les éléments. Le vaisseau que nous étudions est également formé d'une nef orientée à l'est 1/4 sud, voûtée en berceau, et mesure 25 mètres de longueur dans l'oeuvre sur 10,50mètres de large. L'abside semi-circulaire qui la termine est également surélevée de deux marches, comme à Margat; à droite et à gauche, sont deux petites pièces éclairées par des archères. La hauteur des voûtes sous clef est de 17,50 mètres au-dessus du pavé. La nef est divisée eu travées par des arcs doubleaux chanfreinés, retombant sur des pilastres. Au fond de l'abside, à une assez grande élévation, s'ouvre vers l'est une étroite fenêtre. Les ouvertures qui existent à droite et à gauche de l'édifice sont plutôt des meurtrières destinées à la défense que des fenêtres. La porte était munie à l'intérieur d'une barre à coulisse lui assurant une fermeture solide et lui permettant de résister longtemps aux efforts qu'auraient dû faire les assaillants pour parvenir à l'enfoncer.

    Chastel Blanc

    Nef de Castel-Blanc (Safita)

    Nef de Castel-Blanc (Safita)
    Nef de Chastel-Blanc (Safita) — Sources : Rey (Emmanuel Guillaume)

    Un escalier ménagé dans l'épaisseur du mur méridional de la tour, et fermé jadis par une petite porte également renforcée de barres à coulisses et de verrous, conduit à la grande salle, qui forme l'étage supérieur de la tour (1). C'est une vaste pièce mesurant 36 mètres de long sur une largeur de 16 mètres dans l'oeuvre. Comme disposition générale on reconnaît ici, sur une plus petite échelle, le plan de la grande salle de Tortose.

    Chastel Blanc

    Tour de Chastel-Blanc (Safita)
    Tour de Chastel-Blanc (Safita) — Sources : Rey (Emmanuel Guillaume)

    Au milieu, trois piliers supportent la voûte; ils sont rectangulaires et cantonnés sur chaque face d'un pilastre correspondant à ceux qui, le long des murs, reçoivent la retombée des arcs doubleaux sur lesquels s'appuient des voûtes à arêtes vives. Une élégante moulure orne le sommet de ces pilastres, et dans l'axe de chaque travée s'ouvre une archère.

    Chastel Blanc

    Marques de Tacherons de Chastel-Blanc (Safita)
    Marques de Tacherons de Chastel-Blanc (Safita) — Sources : Rey (Emmanuel Guillaume)

    Ici, comme à Tortose et dans les autres forteresses des chevaliers du Temple, les meurtrières se ressentent de l'influence orientale : elles n'ont presque pas de plongée et se rapprochent beaucoup de la meurtrière byzantine.
    Au-dessus de la porte du rez-de-chaussée se voit un mâchicoulis s'ouvrant dans les voûtes de la chapelle.

    Dans l'angle sud-ouest est placé l'escalier conduisant au sommet de la tour que couronne une plateforme dont le parapet est percé alternativement de meurtrières et de créneaux. La tête des merlons porte encore les encastrements des volets destinés à abriter les défenseurs. De ce point, qui domine le pays environnant, on pouvait aisément échanger des signaux avec les châteaux du Crac et d'Areymeh ou avec les tours de Toklé, de Zara, d'Aïn-el-Arab, etc. etc.

    Néanmoins, à en juger par les aménagements intérieurs de ce donjon, il ne semble pas avoir été disposé de manière à soutenir un bien long siège; car, une fois retirés à l'étage supérieur, les assiégés se trouvaient entièrement privés d'eau. Il ne paraît pas non plus y avoir eu de four permettant de préparer les vivres que l'on pouvait avoir réunis dans ce réduit avec l'espoir de prolonger la résistance.

    La date que nous devons assigner à la fondation du château de Safita est un problème qui vient de lui-même se poser à la fin de cette étude. Malheureusement il nous est impossible d'en donner la solution, ne sachant rien de positif à ce sujet. Seulement nous lisons dans la chronique d'Aboulféda qu'en 1167 Nour-ed-din se rendit maître de cette place en même temps que de celle d'Areymeh. Il la démantela; mais il y a lieu de penser qu'ici, excepté la chapelle, dont l'architecture semble devoir faire attribuer la construction au XIIe siècle, il ne reste que bien peu de chose de l'oeuvre première.

    Les historiens musulmans et chrétiens nous apprennent qu'un effroyable tremblement de terre, survenu, d'après Abd-el-Latif, au mois de schaban 597, et, d'après Robert d'Auxerre, le 20 mai 1202, renversa les murailles de Jibel-Akkar et de Chastel-Blanc, et endommagea la plupart des forteresses voisines appartenant aux Francs. Seuls les murs de Tortose n'eurent point à en souffrir. Ce serait donc aux premières années du XIIe siècle qu'il faudrait placer l'érection de ce qui subsiste encore du château.

    Suivant l'usage des ordres militaires, des châtelains gouvernaient la forteresse ; mais il ne nous est parvenu que le nom d'un seul de ces dignitaires : c'est celui de Richard de Bures, devenu depuis grand maître du Temple et que nous trouvons en l'année 1243, choisi avec frère Renaud de Clamcourt, châtelain de Tortose, afin de régler, de concert avec Hugues de Revel (2) châtelain du Crac, représentant l'Hôpital, un différend relatif à la délimitation respective de certaines possessions des deux ordres.

    Nous savons par les historiens arabes que ce fut en 1271, avant d'entreprendre le siège du Crac, que le sultan Malek-ed-Daher-Bybars s'empara de Safita ainsi que des tours environnantes, et y fit sept cents prisonniers (3).
    1. J'ai relevé, sur les pierres qui composent les murs de cette tour, plusieurs marques de tâcherons que je crois devoir donner ici.
    2. Codice Diplomatico, tome I, n° 179, page 220.
    3. Continuateur de Guillaume de Tyr, tome XXXIV, chapitre XIV, page 360.

    Rey (Emmanuel Guillaume), Etude sur les monuments de l'architecture militaire des croisés en Syrie et dans l'Ile de Chypre. Paris, Imprimerie Nationale M. DCCC. LXXI.

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