Conquête de Sidon - 4 décembre 1110
Chevalier Templier
A l'été de l'année 1110, arriva en Syrie une escadre de pèlerins scandinaves, conduite par le roi de Norvège Sigurd, fils de Magnus III.
Baudouin Ier fit naturellement le meilleur accueil au prince norvégien. Il vint au-devant de lui, le conduisit en grande pompe de Jaffa à Jérusalem, lui fit visiter les Lieux-Saints, le combla de présents et de souvenirs. Les dévotions du pèlerin une fois terminées, le roi lui demanda, comme chaque fois que se présentait une escadre chrétienne, d'aider les Francs à s'emparer de quelque port palestinien. Les Norvégiens ayant accepté, Baudouin leur désigna comme objectif la ville de Sidon (Saida), la Sajete des chroniqueurs. Sigurd en personne conduisit l'escadre norvégienne faire le blocus du port, tandis que Baudouin et son vassal Bertrand, comte de Tripoli, attaquaient la ville par terre, à grand renfort de machines (19 octobre 1110 - Albert d'Aix). Par surcroît de chance, une escadre vénitienne venait d'arriver en Palestine sous le commandement du doge Ordelafo Falier; les Vénitiens concoururent avec les Scandinaves au blocus du port. La marine égyptienne, qui s'était concentrée à Tyr pour essayer de secourir les gens de Sidon, se trouva ainsi réduite à l'impuissance.
Sidon
Sidon, prise du cimetière chrétien par M. Nègre, Charles, 1820-1880
Sources : Voyage d'exploration a la mer Morte, a Petra, et sur la rive gauche du Jourdain : Atlas. M. de duc de Luynes
(Il est à signaler qu'Albert d'Aix, dont cependant l'histoire prend ici les allures d'une biographie de Baudouin Ier, ne cite pas cette anecdote, non plus que plusieurs traits pittoresques qu'on ne trouve que chez Guillaume de Tyr, lequel écrivait quelque soixante-dix ans plus tard...)
Sidon
Sidon, château de Saint-Louis par M. Nègre, Charles, 1820-1880
Sources : Voyage d'exploration a la mer Morte, a Petra, et sur la rive gauche du Jourdain : Atlas. M. de duc de Luynes
Conformément à cet accord le qâdî et la plupart des notables avec 5 000 personnes se retirèrent à Damas; le reste des habitants demeura dans ses foyers. D'après Guillaume de Tyr, confirmé par d'autres chroniqueurs, les paysans de la campagne sidonienne demeurèrent en masse comme sujets des Francs. Ibn al-Athîr considère comme une violation du traité que Baudouin Ier ait peu après imposé à ces Musulmans soumis une taxe de 20 000 pièces d'or.
Sidon fut donnée en fief par Baudouin Ier à un chevalier nommé Eustache Garnier ou Grenier, déjà sire de Césarée.
Sidon
Sidon, château de Saint-Louis par M. Nègre, Charles, 1820-1880
Sources : Voyage d'exploration a la mer Morte, a Petra, et sur la rive gauche du Jourdain : Atlas. M. de duc de Luynes
Quant aux Vénitiens, Baudouin Ier les remercia de leur concours devant Sidon en concédant à leur doge Ordelafo Falier et à l'église Saint-Marc de Venise diverses propriétés et divers droits à Acre.
Le récit du siège de Sidon — du moins si l'anecdote rapportée par Guillaume de Tyr est bien authentique — contient encore un point à signaler : nous voulons parler de l'initiative prise par les chrétiens indigènes pour empêcher l'assassinat de Baudouin Ier. Si on rapproche ce trait de la démarche, précédemment racontée, du prêtre chrétien du Wâdî Mûsâ, on discernera le concours, souvent timide mais parfois singulièrement efficace, que les Francs trouvaient auprès des Syriens indigènes de rite grec, syriaque on arménien. C'est là un des côtés de l'histoire de la Syrie franque qui nous semble jusqu'ici trop négligé.
Sources René Grousset - Histoire des Croisades et du Royaume Franc de Jérusalem - Plon - Paris - 1934
Chateau de Saïda ou Sidon
L'antique Sidon que les croisés appelèrent Sagette, aujourd'hui Saïda, fût prise par le roi de Jérusalem Baudouin 1er le 4 décembre 1110.Saladin l'occupa en 1187, puis sous la menace de la troisième croisade, il en fit détruire les fortifications. Entre novembre 1127 et mars 1128 les croisés venus au Levant pour la sixième croisade fortifièrent un îlot situé à l'entrée du port à 80 mètres du rivage. Ce fut le château de mer.
Chateau de Saïda ou Sidon
Vestiges du château de Sidon
Ses murailles forment un arc de cercle au milieu duquel s'avance la face arrondie du donjon. Il ne reste que peu de vestiges de l'oeuvre de saint Louis.
Par contre le château de mer garde d'importants témoins des travaux des croisés. A l'Ouest se dressait une forte tour dont le front Sud face au rivage était arrondi; à l'Est était un ouvrage rectangulaire où l'on remarque quatre rangées de colonnes de granit formant boutisses, procédé qu'on retrouve dans d'autres forteresses franques. En arrière, du côté du large, sont deux tours carrées entre lesquelles on a retrouvé les restes d'une salle longue d'environ 50 mètres qui doit avoir été décorée au temps de saint Louis, donc vers 1253, ainsi que le prouvent des consoles et des chapiteaux à feuillage. Des témoins de cette décoration sont conservés au musée national de Beyrouth.
Chateau de Saïda ou Sidon
Vestiges du château de Sidon
Ce n'est qu'après les croisades qu'on relia à la ville par une construction de pierre les quatre arches du XIIIe siècle.
Chateau de Saïda ou Sidon
Chevalier Franc
Sidon (Saïda, Liban) recherches archéologiques
Sidon (Saïda, Liban) [fig. 12, 18, 33, 34 et 35]Le château de mer de Sidon est souvent mis en relation avec Saint Louis, car il fut le théâtre d'épisodes dramatiques en 1253. Le roi avait envoyé son maître des arbalétriers Simon de Montcéliard pour construire une enceinte urbaine ; celle-ci n'était pas encore construite, qu'une razzia musulmane vint semer la panique et entraîna un carnage, la population n'ayant pu trouver refuge sur l'île. On sait, grâce à Joinville, que le roi vint s'installer en personne à Saïda après cette débâcle ; « il fist venir ouvriers de toutes pars et se remis à fermer la citée de haus murs et de grans tours ».
Chateau de Saïda ou Sidon
Sidon, plan du château de la Mer, rez-de-chaussée
Dessin de Jean Mesqui, d'après Kalayan
Chateau de Saïda ou Sidon
Sidon, plan du château de la Mer, au premier étage
Dessin de Jean Mesqui, d'après Kalayan
Une seconde étape de la fortification modifia profondément le site originel. Celui-ci fut transformé en une place pourvue de deux portes : l'une regardait la terre ferme et le quai dont ont été retrouvées les substructions, alors que l'autre était une porte de mer, accessible par bateau. Des deux tours originelles, l'une (A) fut absorbée dans une construction massive polygonale pourvue d'une excroissance en forme de tour semi-circulaire, alors que l'autre (B) était rasée pour laisser la place à la porte de terre. Quant à la porte de mer, elle était flanquée par une tour trapézoïdale C ouverte à la gorge.
Chateau de Saïda ou Sidon
Sidon, château de la Mer
La grande salle possédait deux nefs voûtées sur ogives.
L'une d'entre elle à sombrée dans la Mer, sans doute après un séisme.
Il ne demeure plus que quelques vestiges de la salle basse, avec des piliers supportant les ogives - Image Jean Mesqui
Une quatrième strate d'aménagement intervint, toujours avant la prise du site par les Musulmans en 1291 : il s'agit d'une enceinte située au sud et à l'est, pourvue d'une porte mise en connexion avec le pont de pierre bâti pour relier l'île à la terre ferme, entièrement reconstituée par anastylose avant 1973 à partir des pierres retrouvées dans les dégagements de l'époque. Dans cette dernière phase, les constructeurs firent disparaître la fonctionnalité d'accès dédoublé entre porte de terre et porte de mer. Cette enceinte particulière fut flanquée par une tour circulaire à son angle sud-est, les espaces situés entre son périmètre et celui de l'ancien château étant couverts de voûtes d'arêtes insérées dans les maçonneries préexistantes.
Chateau de Saïda ou Sidon
Sidon, La porte d'entrée a été reconstruite dans les années 1270 par Anastylose, c'est-à-dire en réutilisant les pierres anciennes.
On trouvait au-dessus de la porte d'entrée une bretèche figurant des chevaliers chassant le lion. - Image Jean Mesqui
Ainsi la forteresse visible actuellement présente-t-elle des vestiges attribuables, pour l'essentiel, à quatre campagnes de construction attribuables aux années 1228-1291. La première campagne, celle de la fortification spontanée des chevaliers croisés, n'a laissé que des éléments en plan qui ne permettent guère de la caractériser architecturalement.
Chateau de Saïda ou Sidon
Sidon, le château de Terre est implanté sur uhn Tell qui recèle des vestiges datant de la préhistoire.
L'enceinte actuelle est formée d'éléments disparates, allant de l'antiquité au XVIIe siècle. Image Jean Mesqui
Quant à la troisième campagne, celle de la construction d'une grande salle à deux niveaux, connectée à une chapelle bâtie en manquement de la porte, il semble qu'elle a été attribuée à tort à Saint Louis — on ne prête qu'aux riches ; on peut penser au contraire qu'elle a été bâtie pour répondre aux besoins des Templiers, qui furent mis en possession du château après l'expédition suicidaire de Julien de Sagette contre les troupes mongoles de Kitbuqa, en 1260. Les éléments architecturaux subsistants, mis au jour par H.Kalayan, qu'il s'agisse d'éléments d'ogives, ou de chapiteaux, montrent clairement que cette restructuration du site intervint au milieu du XIIIe siècle, à la décennie près ; ils appartiennent à une campagne de réoccupation du site fondée sur des critères de stabilité qui n'eussent guère convenus à un roi en perpétuel mouvement, toujours soucieux de respecter le partage des pouvoirs.
Chateau de Saïda ou Sidon
Sidon, vue de la courtine sud-est et de la tour flanquante à la dernière campagne, avec archères à étriers en bêche. Image de J. Mesqui
Que peut-on retenir de ce site pour ce qui concerne les caractères de l'architecture franque au XIIIe siècle ? Certes, l'on ne peut tirer aucune conclusion de la première forteresse, édifiée par des chevaliers en peine d'activité, laissés à eux-mêmes en attendant l'intervention de l'Empereur, roi de Jérusalem, qui menait ses propres négociations peu transparentes avec le sultan. La seconde phase offre, pour seuls caractères architecturaux, ses deux portes à herse.
Chateau de Saïda ou Sidon
Ruines depuis la tour circulaire.
A gauche les restes de la grande salle envahie par la Mer.
On reconnaît l'allée pavée conduisant à la porte, et à droite, la voûte d'une salle gothique - Image Mohamad Al Roumi
Chateau de Saïda ou Sidon
Ruines du château de la Mer image Mohamad Al Roumi
Chateau de Saïda ou Sidon
Ruines du château de la Mer image Mohamad Al Roumi
Les photographies en couleurs sont de Mohamad Al Roumi et Jean Mesqui.