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    Les dépositions du Grand Maître Jacques de Molay au Procès des Templiers (1307-1314)
    — Les dépositions du grand maître Jacques de Molay au procès des Templiers (1307-1314) Georges Lizerand. Les dépositions faites par le grand maître Jacques de Molay au procès des Templiers soulèvent une question délicate, car elles furent assez nombreuses mais discordantes, et elles eurent de l'influence sur les déclarations de plusieurs membres de l'Ordre, sur les juges, sur le pape et sur l'opinion qu'on s'est faite des procédés des gens ou des amis de Philippe le Bel. Les variations de Molay ont, en 1909, particulièrement éveillé l'attention de M. Paul Viollet (3) qui, dans la biographie (1) d'un des enquêteurs du procès, le cardinal Bérenger Frédol, a, par des conjectures ingénieuses, essayé de mettre de l'accord dans les contradictions relevées à la charge du grand maître. Nous avons eu récemment l'occasion de dire un mot de son hypothèse dans un travail (2) qui ne pouvait, à cause de son objet, qu'effleurer la question. On nous permettra aujourd'hui de reprendre avec quelque détail le sujet.
    1. Bérenger Frédol, canoniste, dans l'Histoire littéraire de la France, tome XXXIV, page 62-178. Nous citons d'après un extrait de cette étude qui a paru sous ce titre Les interrogatoires de Jacques de Molay, grand maître du Temple. Conjectures. Paris, 1909.
    2. Clément V et Philippe IV le Bel (Paris, 1910), pages 141-143.
    3. Viollet Paul : Professeur d'histoire du droit civil et du droit canonique à l'école des chartes bibliothécaire de la faculté de droit de Paris.


    Examinons chronologiquement la conduite de Molay
    Avant l'arrestation des Templiers, qui eut lieu le 13 octobre 1307, peu de temps après l'élection de Clément V, qui prend place le 5 juin 1305, de mauvais bruits couraient sur l'Ordre du Temple. Le grand maître qui fut appelé par Clément V, d'Outre-mer en cour pontificale, les connut à son arrivée en France, c'est-à-dire dans le courant de 1307. Il en fut ému, et, comme avant d'aller auprès du pape il était passé par Paris afin d'y tenir un chapitre de son Ordre (1), il crut devoir donner au roi des explications sur les faits que l'on imputait à ses frères. Il vint trouver Philippe, et, en présence de quelques-uns des conseillers du roi, il voulut se défendre ainsi que défendre son Ordre et il prononça des paroles qui « sentaient manifestement l'hérésie » Il expliqua quelques points des statuts du Temple et, entre autres choses, dit que quelquefois ses frères, « par crainte de la pénitence qu'on pouvait leur imposer, ne voulaient pas avouer leurs péchés et que lui-même leur donnait l'absolution en chapitre quoiqu'il fût laïc et n'en eût pas le pouvoir. » Ce détail nous est fourni par Guillaume de Plaisians dans le discours qu'il prononça le 30 mai 1308, en consistoire public, à Poitiers (2), et rien n'autorise à suspecter l'affirmation du conseiller du roi. Mais ce que l'on reprochait ainsi à Molay n'était vraiment pas grave (3), si tant est que ce fût une hérésie car la confession capitulaire pratiquée par le grand maître était d'origine ancienne et n'avait rien de particulier à l'Ordre. Elle avait été admise par saint Thomas d'Aquin, et, dix ans après les déclarations ci-dessus rapportées, elle était encore défendue par un théologien, Astesano (4).
    1. Ce détail est fourni par, la déposition d'un Templier, Jean de Vaubellant. Michelct, Procès des Templiers, tome I, page 553.
    2. Finke, Papsllum und Untergang des Templerordens, tome II, page 143.
    3. Toutefois, dans une liste d'accusations dont les commissaires de Paris donnèrent connaissance aux Templiers défenseurs de l'ordre, le samedi 14 mars 1310, ce grief est relevé comme il suit : « Item, quod credebant, et sic dicebatur eis, quod magnus magister a peccatis poterat eos absolvere.
    Item, quod visitator.
    Item, quod preceptores, quorum multi erant layci.
    Item, quod hoc faciebant de facto.
    Item, quod aliqui eorum.
    Item, quod magnus magister ordinis predicti hoc fuit de se confessus, in presencia magnarum personarum, antequam esset captus. »
    Michelet, Procès des Templiers, Tome 1, page 91.
    4. Sur cette question, voir Ch. Lea, Histoire de l'inquisition au moyen âge, traduction Th. Reinach, tome III, pages 325-329.


    Nous ne connaissons pas les autres paroles prononcées par Molay devant le roi, mais nous pouvons affirmer qu'elles ne contenaient aucun autre aveu de culpabilité. S'il en avait été autrement, Plaisians n'eût pas manqué de le redire à Poitiers, au lieu de se borner à mettre en relief, dans son exposé, la question accessoire de la confession capitulaire.
    Molay fut arrêté le vendredi 13 octobre 1307, au Temple de Paris, par des gens du roi que dirigeaient Guillaume de Nogaret et Renaud de Roye. Conformément aux instructions royales, datées du monastère de Maubuisson, 14 septembre, il devait être interrogé d'abord par des gens du roi. Ceux-ci devaient essayer d'obtenir des aveux, en employant la torture, s'il était nécessaire. Ils devaient dire aux prisonniers que le pape et le roi étaient informés, par plusieurs témoins dignes de foi, des crimes de l'Ordre, et leur proposer l'alternative de l'aveu suivi du pardon ou de la mort. Ils devaient les interroger jusqu'à ce qu'ils tirassent d'eux la vérité et « qu'ils y persévèrent. » Ensuite, mais ensuite seulement, on appellerait les commissaires de l'Inquisition (2). Il n'existe aucun motif de penser que ces instructions n'aient pas été suivies (3), car si quelque chose devait servir les desseins du gouvernement, c'étaient les aveux du maître de l'Ordre. Toutefois rien n'établit, comme on le verra plus loin, que la torture ait été reconnue nécessaire et ait été employée à l'égard de Molay.
    2. Ces instructions ont été publiées par Ménard, Histoire de Nismes, tome 1, preuves, n° cxxxvi, pages 196-197 (en latin), et par Boutaric, Clément V, Philippe le Bel et les Templiers, dans la Revue des questions historiques, tome X (1871), pages 327-331 (en français).
    3. Finke a montré qu'il en avait été ainsi dans toutes les villes pour lesquelles nous avons des documents, sauf deux Chaumont et Troyes.


    Molay ne fut interrogé par frère Guillaume Imbert, inquisiteur de France, que le 24 octobre, soit onze jours après son arrestation. Il n'est pas interdit de penser que ce long délai fut utilisé pour décider le grand maître à persévérer dans ses aveux et qu'on sut tirer parti, pour atteindre ce but, des aveux d'autres frères qui commencèrent à être interrogés par l'inquisition le 19 octobre. Molay jura d'abord de dire la vérité. Il déposa ensuite qu'il avait été reçu dans l'Ordre, à Beaune, par frère Imbert de Pairaud, il y avait quarante ans on lui fit faire alors plusieurs promesses relativement aux statuts de l'Ordre, puis on lui mit le manteau au cou.
    Imbert de Pairaud fit ensuite apporter un crucifix et lui ordonna de renier le Christ, Molay renia, malgré lui. On lui commanda de cracher sur la croix, il cracha, mais à terre et une seule fois.
    Guillaume Imbert lui demanda alors s'il avait eu un commerce charnel avec ses frères et si on lui avait commandé d'en avoir il répondit, sous serment, que non. Il déclara qu'il ne croyait pas qu'on eût procédé à son égard d'une manière différente de celle qui était employée pour la réception des autres Templiers.
    Il termina en disant qu'il avait reçu peu de chevaliers et qu'alors il commandait aux gens présents de conduire les nouveaux venus à part et de leur faire ce qu'ils devaient, c'est-à-dire de les recevoir comme lui-même avait été reçu, ajoutant qu'il ne mentait pas, qu'au contraire il disait la vérité à cause du salut de son âme (1).
    Cette déposition ne fut pas sans doute secrète elle fut probablement faite en présence de gens du roi, venus là pour la confronter avec les premiers aveux. Et il est à croire que les déclarations du grand maître du 24 octobre concordaient avec celles qu'il avait faites devant les commissaires du roi.
    1. Michelet, Procès des Templiers, Tome 2, page 305-366.

    En tout cas, l'aveu fut immédiatement utilisé. Le lendemain, 25 octobre, on fit venir au Temple diverses personnes, des chanoines, des maîtres religieux et séculiers, des bacheliers, des écoliers de l'Université de Paris. Devant eux comparurent Molay, Gérard de Gauche, Guy Dauphin, Geoffroy de Charnay, Gautier de Liancourt. En leur nom et en son nom propre, Molay, s'exprimant en français, affirma que « la ruse de l'ennemi du genre humain.... avait conduit les Templiers à une perdition si aveugle que, depuis longtemps, ceux qui étaient reçus dans l'Ordre reniaient le Christ, au péril de leur âme, crachaient sur la croix qui leur était montrée et qu'à cette occasion ils commettaient quelques autres énormités.... (1).
    Avec des mots pitoyables et d'un cœur contrit, comme il apparut aux assistants, il ajouta qu'ils n'avaient pas voulu jusqu'alors révéler ces forfaits par crainte de peines temporelles et de peur que l'Ordre ne fût détruit, auquel cas les Templiers auraient perdu les honneurs du monde, la situation et les richesses qu'ils avaient ; mais celui qui fit la lumière, à qui rien n'est caché, les avait mis en lumière, par l'intermédiaire du roi Philippe. »
    1. On remarquera que ces déclarations ne concordent pas tout à fait avec la première déposition où Molay ne parle que de reniement du Christ. Mais ici Molay s'exprime en son nom et au nom de ses frères et il s'agit d'une séance publique dont le procès-verbal est toujours plus difficile à dresser que celui d'une déposition isolée. Il n'est d'ailleurs pas impossible que le procès-verbal ait été rédigé d'une manière ambiguë pour frapper davantage l'opinion. Nous connaissons précisément cette scène par une copie expédiée au nom du roi à Jayme II, roi d'Aragon. Finke, tome II, n° 149, page 307-309.

    En conclusion, Molay supplia les assistants d'intervenir en faveur de lui et des siens, afin qu'il pût obtenir l'absolution, la grâce, le pardon, la miséricorde du roi (1). Il alla même plus loin car il fit connaitre par lettre aux Templiers ce qu'il avait avoué, et il leur ordonna à tous, en vertu de la sainte obéissance qu'ils lui devaient, parce qu'ils avaient été depuis longtemps séduits par l'erreur, de faire le même aveu (2)
    1. Et peut-être aussi du pape, car il y a une lacune dans le texte après le mot roi.
    2. Denifle et Châtelain, Chartularium Universilatis Parisiensis, tome II, n° 666, pages 129-130 ; Jean de Saint-Victor, dans Recueil des Historiens de France, tome XXI, page 651.


    Telles sont les premières dépositions de Molay. Bien que le grand maître eût avoué beaucoup moins de crimes que les autres dignitaires, ses dépositions, à cause de son rang, eurent le plus grand effet. Elles amollirent la résistance de beaucoup de Templiers d'une part, et, d'autre part, elles déterminèrent dans la chrétienté un grand scandale que le pape invoqua, plus tard, pendant le concile de Vienne, pour supprimer l'Ordre.
    Philippe, à la demande du pape, remit les Templiers prisonniers, et Molay avec eux, aux cardinaux Bérenger Frédol et Etienne de Suisy, et Molay revint sur ses aveux.
    Cette révocation doit se placer peu de temps après le 24 décembre, car un mémoire anonyme qui traite des variations du grand maître dit que celui-ci persista dans ses aveux deux mois et plus (2).
    Le motif en est connu Molay déclara que s'il revenait sur sa confession c'est que la crainte de la souffrance l'avait déterminé à avouer (3). Il fit probablement davantage car un Templier, interrogé plus tard à Poitiers, dit qu'à l'arrivée des deux cardinaux le maître du Temple ou quelqu'un qui agissait sur son ordre, envoya aux Templiers prisonniers, avant que le roi et les cardinaux n'entrassent dans la chambre qu'ils occupaient, des tablettes de cire qui portaient en substance « Sachez que le roi et les cardinaux viendront demain dans cette maison d'autres frères révoqueront leurs aveux, révoquez les vôtres aussi et rendez les lettres au porteur » Ainsi Molay essayait de réparer le mal qu'il avait fait quand il envoya la lettre précitée. Son invitation produisit de l'effet, des frères revinrent sur leurs aveux, comme le déclara plus tard Plaisians parmi eux, il faut citer Hugues de Pairaud, visiteur de France, qui fut invité à dîner par les deux cardinaux (1).
    1. Ce détail est fourni par un document qui est aujourd'hui en déficit aux Archives nationales, mais que Dupuy a connu et analysé dans son Histoire de la condamnation des Templiers (édit. de Brussels), preuves, n° 34.
    2. « ... Duobus mensibus et amplius perseverans... » Finke, tome II, n° 69, page 102.
    3. « Et postea, dixit se confessum fore metupene. » Ibid.
    4. Déposition de Jean de Folliaco, dans Schottmuller, Der Untergang des Templerordens, tome II, page 37. Le texte porte « Sciatis quod rex et cardinales cras venient ad domum istam. » M. Viollet (ouvr. cité, page 6, note 2), pense que le mot rex est mis à la place de papa « qui serait plus vraisemblable » et suppose ou une erreur de Jean de Folliaco qui « a pu mal lire la tablette » ou une erreur du copiste, ou une confusion du pape et du roi qui se produit dans l'esprit des Templiers. Il nous semble que le mot rex est le bon, car la scène dont il s'agit se passe non à la curie, mais à Paris, où, d'ailleurs, le témoin avait subi son premier interrogatoire (Michelet, Procès des Templiers, Tome 2, page 377-278).


    Le rôle de ceux-ci ne peut être exactement précisé. Il est sûr que leur seule présence encouragea les révocations. Mais Guillaume de Plaisians insinue quelque chose de plus car il dit à Poitiers, en 1308, à propos d'elles «.... Et le roi sait bien d'où cela provient. Car il leur fut signifié [à ceux qui revinrent sur leurs aveux] par quelques membres de l'Eglise qu'ils restassent fermes parce qu'ils trouveraient ici [à la curie] un appui. Et le roi sait bien quels sont leurs fauteurs, qui reçurent d'eux de l'argent, et cela sera mis en lumière (1). »
    1. Finke, tome II, pages 143-144.

    Sur la révocation d'aveux de Molay nous possédons un récit adressé par un Catalan, qui résidait en France, à un correspondant de Majorque et que voici « Et quand ils [les cardinaux] furent à Paris, ils eurent une entrevue avec le roi de France et lui donnèrent les lettres que le pape lui transmettait. Et le roi de France ordonna que les Templiers fussent livrés aux dits cardinaux et on leur livra le grand maître et beaucoup d'autres frères. Et lorsqu'ils les tinrent ainsi en leur pouvoir, ils demandèrent au maître si cela était vrai qu'ils avaient entendu [dire] qu'il eût confessé.

    Et il répondit que cela était vrai qu'il avait confessé, et qu'il confesserait encore une erreur bien plus grande si tout le peuple était réuni, et qu'on fit réunir tout le peuple de Paris, riches et pauvres, et que, devant tous, il confesserait une erreur bien plus grande. Les cardinaux lui dirent : Certainement cela était du plus grand mérite et vous devez en trouver plus grande miséricorde. Et, de suite, ils firent réunir tout le peuple, et quand l'église fut pleine de gens, on fit venir le maître avec..... (1) quarante frères et on fit monter le maître sur une estrade comme s'il devait prêcher. Et quand il fut dessus, il dit : Seigneurs, tout ce que le conseil de France vous a dit, que moi et tous ces frères Templiers qui sont là, et d'autres nombreux, ont confessé, cela est vrai que nous avons tout confessé. Et il se défit de son manteau et se dépouilla de sa tunique et il a déjà décousu sa saie sur les côtés et sur les bras et il se découvrit devant tout le monde et dit : Vous voyez, seigneurs, qu'on nous a fait dire ce qu'on a voulu. Et il montra les bras qu'il avait tout blessés et décharnés qu'il semblait presque qu'ils fussent écorchés, qu'il n'y est plus resté que les os et les nerfs ; que toute la chair et la peau étaient enlevées du dos, du ventre et des cuisses. Et il dit : Seigneurs, tel que vous me voyez arrangé, ainsi sont tous les autres sans exception, qu'il ne plaise à Dieu ni à la madone sainte Marie que l'ordre du Temple n'eût encore bonne discipline. Et quand les cardinaux virent la grande erreur et le grand méfait, ils pleurèrent fort amèrement, ne pouvant rien dire. Et le conseil du roi les poussait à rendre la sentence que le pape avait commandé de donner. Et ils répondirent qu'il ne plût à Dieu qu'ils fissent ou qu'ils dissent quoi que ce fût contre ces hommes qui n'étaient pas coupables. Sur quoi les inquisiteurs et ledit conseil eurent peur qu'il ne leur advînt quelque dommage et s'en retournèrent prendre le maître avec tous les autres Templiers (2) »
    1. « Tro (?) a », dit ici le texte peut-être faut-il lire « tre », pour « tr [ent] e » 2. Finke, tome II, n° 75, pages 116-117.

    Ce récit, d'une forme embarrassée, que M. Viollet accepte, puisqu'il l'utilise (2), a été négligé par M. Finke (3), à bon droit, selon nous. En premier lieu il émane d'un correspondant qui ne paraît pas parler en témoin oculaire. La scène qu'il décrit, très dramatique et bien faite pour frapper, a quelque chose d'artificiel, de préparé, qui ne s'accorde guère avec ce que nous savons du grand maître, homme simple, droit, peu habile. Surtout elle relate deux faits qui éveillent la défiance d'abord les tortures de Molay ce qui n'est établi par aucun autre texte et est contredit par plusieurs, comme on verra plus loin, ensuite une mission donnée aux deux cardinaux de juger les Templiers, ce qui est entièrement inexact.
    2. Finke, tome II, page 10.
    3. Finke, tome I, pages 168-170.


    Les révocations d'aveux déterminèrent le pape, sans doute au début de 1308, à casser les pouvoirs des inquisiteurs et à évoquer l'affaire devant soi. Philippe n'en garda pas moins en fait les Templiers prisonniers, et il se rendit à Poitiers pour déterminer Clément V à revenir sur sa décision. Il est sûr que le cas de Molay attira alors l'attention du pape. Nous voyons en effet que les maîtres de l'Université de Paris, surtout les théologiens, furent requis par Philippe le Bel d'envoyer la confession du grand maître et de quelques autres dignitaires du Temple ; ils obéirent le 25 mai, un jour avant l'arrivée du roi à Poitiers, et joignirent à leur envoi un résumé de la lettre par laquelle Molay, le 25 octobre, avait recommandé à ses frères d'avouer (4). Il est évident que ces documents furent communiqués au pape ; mais il est sûr qu'ils ne suffirent pas à entraîner sa conviction, puisqu'il décida d'entendre lui-même les dignitaires.
    4. Jean de Saint-Victor, dans Recueil des Historiens de France, tome XXI, page 651.

    Ceux-ci furent amenés de Paris, pour être présentés au pape, à une époque qu'il est impossible de préciser. Toutefois l'interrogatoire que désirait faire Clément V n'eut pas lieu, parce que quelques-uns des dignitaires, par suite d'infirmités, ne purent monter à cheval ni venir à Poitiers et s'arrêtèrent à Chinon. Aussi Clément V envoya-t-il en cette ville, pour le suppléer, les cardinaux Bérenger Frédol, Etienne de Suisy, Landolfe Brancaccio. Ceux-ci devaient interroger les dignitaires et leur accorder « le bénéfice de l'absolution de la sentence d'excommunication qu'à raison du passé, s'il était prouvé, ils avaient encourue, pourvu qu'ils sollicitassent cette absolution avec humilité et dévotion (1) »
    1. Bulle Faciens misericordiam, dans Michelet, Procès des Templiers, Tome 1, page 5.

    L'interrogatoire dura quatre jours, du 17 au 20 août. Il eut lieu dans le château royal de Chinon, et les dépositions furent recueillies par quatre tabellions, en présence du grand maître et des dignitaires et aussi de quelques autres « hommes de bien parmi lesquels on peut citer Jean de Janville et les deux seigneurs G. et G., évidemment Guillaume de Nogaret et Guillaume de Plaisians (2).
    Molay — détail à noter — comparut le dernier, le mardi 20 août. Il déclara que quarante-deux ans auparavant ou environ, il avait été reçu dans l'Ordre, à Beaune, au diocèse d'Autun, par frère Imbert de Pairaud, alors visiteur de France et de Poitou, qu'après lui avoir remis le manteau, celui qui le recevait lui montra une croix et lui dit de renier Dieu dont l'image était fixée sur cette croix et de cracher dessus. Molay renia, de bouche, non de cœur, et il cracha, non sur la croix, mais à côté.
    Au sujet du vice de sodomie, d'une tête en forme d'idole et des baisers illicites il déclara ne rien savoir (3). Il supplia de plus les cardinaux d'entendre un frère servant, son familier, qui confessa ce qu'il avait confessé. Pour le reste, il fit comme ses frères à genoux, les mains jointes, avec humilité et dévotion, non sans une grande effusion de larmes, il demanda l'absolution ; elle lui fut donnée, de même qu'aux autres, après qu'ils eurent expressément abjuré leur hérésie.
    Voilà ce qui ressort de la bulle Faciens misericordiam et d'un résumé de procès-verbal ; c'est d'ailleurs ce que disent les cardinaux au roi, dans une lettre datée de Chinon, ce même 20 août, par laquelle ils demandent à Philippe de pardonner aux dignitaires.
    2. Baluze, Vitâ paparum Avenionnesium, tome. II, page 123. Il est dit à la fin de cette lettre « .... Super premissis nihilominus credentes dilectis vestris militibus G. et G. ac I. de Yenvilla latoribus presentium, qui nobiscum in dicto castro interfuerunt »
    3. Finke, tome II, page 328.


    Près de deux ans se passent. En vertu des accords de Poitiers deux séries de procès ont été entamées l'une contre la personne des Templiers, l'autre contre l'ordre du Temple. Une des commissions chargées de cette dernière mission, la plus importante, puisqu'elle siégea en France, se réunit le 8 août 1309 au monastère de Sainte-Geneviève (1), mais ne commença vraiment ses travaux que le 22 novembre (2).
    Le mercredi 26 de ce mois, Molay comparut devant elle ; il fit alors des déclarations si surprenantes qu'il est nécessaire de suivre de très près cette séance mémorable.
    1. Michelet, Procès des Templiers, Tome 1, page 15.
    2. Michelet, Procès des Templiers, Tome 1, page 27.


    On lui demande d'abord s'il veut défendre l'Ordre. Il répond qu'il n'est pas assez savant pour le faire par soi-même, mais qu'il serait vil et méprisable s'il ne le tentait pas. Toutefois, il est prisonnier du pape et du roi, il n'a pas quatre deniers à dépenser. Il demande qu'on lui accorde un conseil, il veut que la vérité soit connue de tous. Les commissaires lui disent alors de « faire attention à ce qu'il a confessé à sa charge et à la charge de l'Ordre » Toutefois, ils s'offrent à le recevoir comme défenseur, s'il persiste, ou à lui accorder un délai, s'il veut délibérer plus amplement.
    Mais, dans les causes d'hérésie et de foi, on procède « simplement, de plano, sans noise d'avocats ni forme de procès. »

    Ensuite on lui fait lire et traduire en français les lettres du pape qui ordonnent une enquête contre l'Ordre et quatre autres lettres apostoliques touchant le procès. Pendant la lecture de ces lettres et surtout de celles qui mentionnent ses aveux devant les trois cardinaux à Chinon, Molay se signe deux fois, se montre stupéfait et il dit entre autres choses « que si lesdits commissaires étaient d'autres à qui il fût permis de l'entendre, lui-même dirait autre chose. »

    Les commissaires lui ayant fait observer qu'ils n'étaient pas là pour recevoir le gage de bataille, le grand maitre répond « qu'il n'entendait pas parler de cela, mais qu'il plût à Dieu que ce qui est observé par les Sarrasins et les Tartares fût observé contre de tels pervers en ce cas, car lesdits Sarrasins et Tartares tranchent la tête des pervers qu'ils trouvent ou les coupent par le milieu »
    Les commissaires répliquent par cette menace que « l'Eglise jugeait hérétiques ceux qu'elle trouvait hérétiques et abandonnait les obstinés au bras séculier. »

    Molay est décontenancé. Il tire à part Guillaume de Plaisians, qui était présent, mais n'était pas venu sur l'ordre des commissaires. Plaisians dit au grand maître « qu'il l'aimait et qu'il avait à pourvoir à ce qu'il ne se déconsidérât pas et ne se perdît pas sans cause. »
    Molay répond qu'il voit bien « qu'à moins qu'il ne délibère bien il peut vite tomber dans son licou. » Il demande donc un délai de deux jours on le lui accorde, on lui offre même davantage (1).
    1. Michelet, Procès des Templiers, Tome 1, pages 32 à 35.

    Il comparaît à nouveau le 28 novembre. Il remercie les commissaires qui, en lui offrant un délai plus long que celui qu'il demandait, lui avaient mis « la bride sur le cou. »
    On lui demande à nouveau s'il veut défendre l'Ordre. Il répond que non, qu'il est illettré et pauvre. Il a appris que le pape s'est réservé son jugement ; il prie donc les commissaires d'intervenir — car il est mortel — pour que le pape l'appelle le plus tôt possible. On lui demande encore s'il veut dire quelque chose de plus. IL répond que non ; mais il prie les commissaires de procéder « bien et fidèlement dans l'affaire du Temple, et, « pour libérer sa conscience » il dit, à propos du Temple, qu'il n'y a pas d'ordre où l'on trouve pour les chapelles de plus beaux ornements, où il y ait plus d'aumônes, où l'on ait fait autant pour le service du Christ et versé si aisément son sang.
    On lui objecte que cela ne sauve pas l'âme de ceux à qui manque le fondement de la foi catholique ; il en convient et fait une profession de foi. Après avoir répondu à une objection de Nogaret (1) — qui n'a rien à voir avec la question des aveux — il demande aux commissaires et au chancelier royal de pouvoir entendre la messe et les autres offices divins et avoir sa chapelle et ses chapelains.
    Les commissaires et Nogaret louent la dévotion qu'il montre et s'engagent à lui procurer ce qu'il demande (2).
    Molay comparut une troisième fois devant la commission d'enquête, le lundi 3 mars 1310. Il déclara que le pape s'étant réservé de le juger, il se réservait de parler devant lui et il pria les commissaires — qui lui promirent de le faire le plus tôt possible — d'écrire au pape pour qu'il fût convoqué par lui (3).
    1. Nogaret était là, mais il était survenu « post responsionem factam per dictum magistrum quod nolebat aliter defendere.... »
    2. Michelet, Procès des Templiers, Tome 1, pages 43-45.
    3. Michelet, Procès des Templiers, Tome 1, pages 87-88.


    Les dernières déclarations de Molay que nous connaissons eurent lieu le lundi 18 mars 1314. Ce jour-là, en face de l'église Notre-Dame, sur un échafaud, devant la foule, on le fit paraître avec Hugues de Pairaud, Geoffroy de Charnay, Geoffroy de Gonneville. D'accord avec l'archevêque de Sens et d'autres prélats, les cardinaux Nicolas de Fréauville, Arnaud d'Auch et Arnaud Nouvel condamnèrent à l'emprisonnement perpétuel les dignitaires qui paraissaient vouloir persister dans leurs aveux (1).
    1. « Cum predicti quatuor, nullo excepte, crimina sibi imposita palam et publice confessi fuissent, et in hujusmodi confessione persisterent, finaliterque velle persistere viderentur.... » Continuation de Guillaume de Nangis (édititions Géraud, tome I, page 402).

    L'un des cardinaux crut devoir commenter ce jugement
    Pairaud et Gonneville écoutèrent son discours en silence ; mais Molay et Charnay eurent une révolte et protestèrent contre lui et contre l'archevêque de Sens.
    Molay dit que les hérésies et les péchés qu'on leur attribuait n'étaient pas vrais, que la règle de leur Ordre était sainte, juste et catholique, mais qu'il était bien digne de la mort et qu'il s'offrait à l'endurer avec tranquillité, parce qu'à cause de la peur des tourments et des cajoleries du pape et du roi de France il avait fait, ailleurs, des aveux (2).
    2. Villani, Istorie florentine, VIII, 92.

    Les juges, surpris, remirent leurs prisonniers au prévôt de Paris. Mais le conseil du roi, en l'absence des ecclésiastiques, décida que les deux Templiers devaient être considérés et traités comme des relaps et on les brûla le soir même dans une petite île de la Seine (3).
    3. La fin de Molay et de Pairaud est rapportée dans la Continuation de Guillaume de Nangis (éditions Géraud, tome 1, page 402), la chronique de Geoffroy de Paris (Recueil des historiens de France, tome XXII, page 144-145), Jean de Saint-Victor (Ibidem, tome XXI, page 658).

    Telles sont les données relatives aux déclarations de Molay. La scène dramatique du 26 novembre a retenu depuis longtemps l'attention. On a eu l'impression que le grand maître, s'il n'avait été retenu par les menaces vagues des commissaires et l'intervention de Plaisians aurait une fois de plus révoqué ses aveux.
    M. Viollet (1) est allé plus loin. Il a pensé que la stupéfaction témoignée par le grand maitre ne pouvait s'expliquer qu'ainsi : les documents qu'on lui lisait — aveux de Chinon — étaient faux ; devant les cardinaux, Molay s'en était tenu à sa révocation de la fin de 1307 et n'avait rien avoué. Sa conclusion est la suivante : « Tout concourt.... à nous persuader que Bérenger Frédol et les deux autres cardinaux ont outrageusement trahi la vérité, et dans la lettre où ils ont fait connaître au roi de France les résultats de l'interrogatoire de Chinon (août 1308), et dans les documents qu'ils ont fait parvenir au souverain pontife. Tout concourt, en même temps, à nous persuader que ce mensonge fut dicté aux enquêteurs par le désir de sauver des vies humaines : l'événement prouva, en effet, que le roi avait juré la mort de tous les hauts dignitaires qui nieraient les crimes dont ils étaient accusés... »
    1. Violet Paul : Professeur d'histoire du droit civil et du droit canonique à l'école des chartes bibliothécaire de la faculté de droit de Paris, page 14-15.

    Il nous semble que cette hypothèse apparaît pleine de difficultés quand on soumet à un examen critique les documents relatifs aux interrogatoires de Chinon. Il nous semble aussi qu'elle n'est pas tout à fait d'accord avec tous les détails du procès qui nous sont connus et que, par contre, les difficultés qui ont motivé les conjectures de M. Viollet peuvent s'expliquer sans elle.

    Molay se montre d'abord surpris pendant qu'on lui lit la bulle pontificale qui ordonne une enquête contre l'Ordre ainsi que quatre autres lettres apostoliques touchant la question, surtout quand on mentionne ses aveux de Chinon (2).
    2. « Potissime cum recitarentur il a que dictus magister dicebatur fuisse confessus.... »

    Or les lettres qui furent lues alors sont connues exactement, car le procès-verbal dit, à cet endroit, qu'elles sont transcrites plus haut ; ce sont : la bulle Faciens miser icordiam, une permission donnée aux commissaires, et communiquée au roi, d'enquêter hors de la province de Sens, si des Templiers sont amenés d'ailleurs, et une série de lettres d'excuse pour absence. Il n'est pas peu surprenant, tout d'abord, de constater que Molay s'indigne à la lecture de pièces aussi insignifiantes. Mais le procès-verbal dit que Molay fut surtout stupéfait pendant la lecture de la lettre relative aux interrogatoires de Chinon. Reprenons ce document, qui n'est autre que la bulle Faciens misericordiam (1).
    Une première remarque a été faite à propos de cette lettre : Lea, en effet, a constaté qu'elle était datée du 12 août (2 des ides) et qu'elle relatait des aveux faits par les dignitaires du 17 au 20 du même mois ; et il concluait à la duplicité du pape (2).
    Rien de plus injuste, comme l'ont montré R. Holzmann (3) et, plus tard, H. Finke (4) et M. page Viollet (5). Il ne faut voir dans cette inexactitude qu'une erreur de scribe, bien excusable, car la curie eut à expédier au mois d'août 1308 un très grand nombre de bulles, environ cent cinquante (6), travail impossible à exécuter en quelques jours. Ces bulles furent rédigées après coup, et datées en bloc, les unes avec exactitude, les autres inexactement, sans qu'on eût pris soin de mettre d'accord leur date et leur contenu. D'ailleurs, il n'est pas sûr qu'on ait lu à Molay la date que porte la bulle Faciens misericordiam et, si on l'a fait, que Molay ait eu le temps d'en constater l'inexactitude. Remarquons enfin que Molay manifeste sa surprise non pas après la lecture de la lettre, mais pendant, avant qu'on n'arrive à la fin.
    1. Michelet, Procès des Templiers, Tome 1, page 1-21.
    2. Histoire de l'inquisition, tome III, page 341.
    3. Wilhelm von Nogaret, page 165, note 9.
    4. Wilhelm von Nogaret, tome I, page 329-80 tome II, page 191, note 1.
    5. Wilhelm von Nogaret, page 8-9, note 2.
    6. Voir le Regeslum démentis papâ V, n° 3400 à 3531 en particulier.


    Il faut donc chercher ailleurs et examiner ce que la bulle dit des événements de Chinon. Clément V rapporte que les dignitaires « ont déposé et confessé entre autres choses le reniement du Christ et les crachats sur la croix, au moment où ils furent reçus dans l'ordre, et que quelques-uns d'entre eux ont avoué avoir reçu plusieurs frères de la même façon, c'est-à-dire avec le reniement du Christ et le crachat sur la croix. Même quelques-uns d'entre eux ont avoué d'autres choses horribles et déshonnêtes que, par égard pour leur pudeur, le pape tait pour le moment.... » La bulle dit aussi qu'à la suite de la rédaction du procès-verbal, après un intervalle de quelques jours les dépositions furent lues aux dignitaires sur l'ordre et en présence des cardinaux et traduites à chacun d'eux en langue vulgaire. Au début, la bulle mentionne que les dignitaires n'ont pas été conduits à Poitiers parce que quelques-uns d'entre eux ne pouvaient chevaucher.

    La stupéfaction et l'indignation de Molay ne sont pas aisées à comprendre. Le grand maître dit en effet aux commissaires qu'il « leur dirait autre chose s'ils étaient d'autres à qui il fût permis de l'entendre », phrase très vague les commissaires ne la comprirent pas tout d'abord et y virent un reproche, car ils répondirent qu'ils n'étaient pas là pour recevoir le gage de bataille. Molay, s'expliquant alors, déclara « qu'il n'entendait pas parler de cela, mais qu'il plût à Dieu que ce qui est observé par les Sarrasins et les Tartares fût observé contre de tels pervers en ce cas, car lesdits Sarrasins et Tartares tranchent la tête des pervers qu'ils trouvent ou les coupent parle milieu »
    La, question essentielle est de savoir ce que signifie le mot « pervers » M. Viollet pense qu'il désigne ceux qui ont rédigé le procès-verbal dont un extrait est donné dans la bulle. Mais cela n'est pas tout à fait sûr, car l'indignation de Molay a été provoquée et par le passage qui relate ses aveux, et aussi par d'autres passages.
    Il n'est pas établi, mais il n'est pas impossible que la colère du grand maître aille vers tous ceux qui ont collaboré à ce qui s'est passé à Chinon.

    L'imprécision du mot « pervers » nous oblige à examiner le texte de plus-près, et à nous demander si le récit donné par la bulle des événements de Chinon concorde avec ce que nous en savons. Observons d'abord que le pape mentionne que plusieurs dignitaires furent incapables de chevaucher plus loin que Chinon. Ce premier fait n'est pas négligeable et est inquiétant. Les dignitaires sont venus de Paris à Chinon, et, parce que quelques-uns ne peuvent chevaucher, tous s'arrêtent. On est invinciblement conduit à penser que le hasard a bien servi le roi, puisqu'il a permis ainsi que les dignitaires ne se trouvassent pas en face du pape. Sans doute, il n'est pas impossible que l'indisposition invoquée ait été réelle. On l'a expliquée par les suites de la torture ; mais il reste à prouver que la torture a été employée à l'égard des dignitaires dont nous nous occupons. Mais supposons que les dignitaires qui pouvaient chevaucher et Molay pouvait être l'un d'eux aient voulu voir le pape et que les gens du roi — ils étaient là — les aient retenus ne serait-ce pas une preuve de la perversité dénoncée par le grand maître ?
    1. « ... Si dicti domini commissarii fuissent alii quibus liceret hoc audire ipse dicere aliud.... »

    Nous connaissons les aveux que les cardinaux ont attribués à Molay voyons maintenant ceux que la bulle Faciens misericordiam relève. Ce document ne fait pas de mention spéciale du grand maître, et, parlant de tous les dignitaires, dit qu'ils ont confessé « le reniement du Christ et le crachat sur la croix. » Mais nous savons que Molay, s'il a avoué le reniement, s'est toujours défendu d'avoir craché sur la croix. Il y a là une inexactitude de rédaction qui peut être douloureuse pour un prisonnier. Ce qui l'est peut-être davantage, c'est l'imprécision du récit. La bulle porte « les dignitaires ont déposé », « quelques-uns d'entre eux », sans spécifier, et sans dire que Molay qui avoua le moins de crimes ne fait pas partie de ceux qui ont commis ces choses horribles et déshonnêtes qu'elle passe sous silence.

    Mais le mot « pervers » pourrait très bien aussi signifier faussaire, et Molay pourrait s'indigner seulement parce que l'on mentionne des aveux de lui à Chinon. Il faut donc examiner de près le document qui relate ces aveux. Constatons d'abord que nous n'avons pas le procès-verbal dressé à Chinon, mais seulement une copie peut-être abrégée insérée dans un registre pontifical. Finke a relevé (1), comme le remarque M. Violiet (2), des ressemblances « très frappantes » entre les aveux mentionnés par ce document et le procès-verbal de l'interrogatoire de Paris d'octobre 1307.
    1. Finke, tome II, p. 309.
    2. Viollet, page 7, note 3.


    Ces ressemblances ne sont que naturelles puisqu'il s'agit des dépositions successives d'un même accusé mais ; il faut noter que les deux documents présentent aussi des variantes.
    Sans doute, le commencement des deux interrogatoires est semblable : il s'agit du reniement du Christ et du crachat sur la croix ; Molay avoue à Chinon ce qu'il a avoué à Paris. Mais la suite est différente.
    A Paris on lui a demandé s'il avait eu commerce avec ses frères ; à Chinon il s'explique sur ce point, mais il dit aussi ne rien savoir d'une tête qui sert d'idole et de baisers illicites, toutes choses dont il n'est pas fait mention dans l'interrogatoire de Paris.
    Par contre, le grand maitre ne dit rien de la façon dont il reçut les autres, alors qu'il en parla à Paris.
    Dans l'interrogatoire de Charnay qui fut, comme on sait, aussi ferme que Molay, en mars 1314, et qu'on pourrait soupçonner, pour ce motif, d'avoir révoqué ses aveux à Chinon, il y a aussi une variante intéressante.
    Alors qu'à Paris il déclare qu'il a 56 ans et qu'il fut reçu dans l'ordre il y a 37 ou 38 ans (1), à Chinon, 9 mois après, il dit qu'il a été reçu Templier il y a environ 16 ans, à l'âge de 16 ou 17 ans (2).
    Ces variantes montrent que le document qui relate les aveux de Chinon n'est ni une copie, ni un résumé du procès-verbal dressé à Paris. C'est un document indépendant ; il en faut faire état, bien qu'aucun notaire ne l'authentique.
    1. Michelet, Procès des Templiers, Tome 2, page 295.
    2. Finke, tome II, page 325.


    Avant de l'utiliser, assurons-nous que l'hypothèse de M. Viollet n'est pas en contradiction avec nos connaissances et ne se heurte pas à de trop grosses difficultés. On a dit que les cardinaux pouvaient savoir « que le roi veut des aveux et les veut comme un roi sait vouloir », « que consigner dans un procès-verbal les rétractations des Templiers, ce serait à coup sûr les envoyer au bûcher (1) » Mais une objection se présente tout de suite comment les cardinaux peuvent-ils savoir cela en 1308 ? Ce n'est pas en s'appuyant sur les instructions royales datées de Maubuisson, le 14 septembre 1307 ; il s'agit là d'une simple menace préalable à un premier interrogatoire et qui ne fut pas mise à exécution. 1. Viollet, page 9-10. Au mois d'août 1308, d'autre part, la question des rétractations n'était pas encore résolue. Elle ne le fut qu'en 1310, un peu avant la réunion du concile de la province, de Sens, quand les prélats consultèrent les maîtres de la faculté de théologie. Les avis furent partagés ; mais il est bien remarquable de constater que dix-neuf maîtres déclarèrent que ceux qui se rétractaient ne pouvaient être considérés comme relaps ; l'avis contraire, qui fut adopté par les prélats parisiens et les autres — placés sous l'influence du gouvernement — ne fut soutenu que par trois docteurs (2). D'ailleurs, en 1308, les dignitaires ne comparaissent ni devant des prélats provinciaux, ni devant des inquisiteurs ordinaires, mais devant les délégués du pape qui s'est réservé leur jugement. Sur quoi peut-on se fonder pour penser que la vie des dignitaires était alors en danger aux yeux des cardinaux ?
    2. Noël Valois, Deux nouveaux témoignages sur le procès du Temple dans Académie des Inscriptions et Belles-Lettres. Comptes-réndus des séances, année 1910, page 339-341.

    M. Viollet dit qu'en mai 1309 le pape « admet que ceux d'entre les Templiers qui se rétractent sont par là-même de grands coupables ; ils retombent in errores pristinos (3) » et l'auteur renvoie à une lettre de Clément V au roi Philippe datée d'Avignon, le 6 mai 1309, publiée pour la première fois par Finke (4). Cette affirmation n'est pas exacte, car Clément V, dans cette phrase, n'exprime pas son opinion, mais se contente de reproduire un passage d'une lettre du roi (5). Par contre, nous voyons par la lettre du pape, que le roi de France, parlant au nom des prélats, avait, entre autres requêtes, demandé à Clément V ce qu'il fallait faire de ceux qui, ayant d'abord avoué, avaient ensuite révoqué leurs aveux (6) ; à cette requête, le pape ne donne aucune réponse.
    3. Viollet, page 10, note 1.
    4. Finke, tome II, page 190.
    5. Le texte porte « Significasti etiam nobis per litteras supredictas.... Super quibus per nostram petivisti diligentiam provideri » M. Viollet renvoie aussi à un texte relevé par Schottmüller, (Untergang des Templerordens, tome I, page 316-317) et tiré de Michelet Procès des Templiers Tome 1, page 71-72).
    Il s'agit d'une lettre remise à la commission d'enquête de Paris, le 14 février 1309, par un Templier qui veut défendre l'Ordre, et dans laquelle Philippe de Vohet et Jean de Janville, gardiens des prisonniers, s'adressant à un frère détenu à Sens, qui va être réconcilié, grâce à leur intervention, par l'évêque d'Orléans, lui recommandent de persister devant le prélat dans sa confession première et ajoutent « Et sachez que nostre pere le Pape a mandé que tuit cil qui auront fayt confessions devant los quizitor, ses anvouez, qui de cele confession ne veudoent perseveres, que ilz seront mis à damnazion et destruit au feu. » Philippe de Vohet interrogé alors par les commissaires dit qu'il ne croit pas avoir envoyé cette lettre et qu'il n'a jamais recommandé aux Templiers que de dire la vérité. Cette dernière affirmation est confirmée aussitôt par le destinataire de la lettre et par celui qui l'a remise à la commission. Il ne nous est donc pas permis de faire état de ce document et par conséquent d'admettre la menace qu'il prête au pape.
    6. Ibidem, page 195.


    D'autre part, deux affirmations de Clément V, qui datent de 1308, permettent de penser que le pape ne considérait pas alors comme coupables ceux qui se rétractaient. Le 14 juin, dans un consistoire public, Plaisians oppose au pape les aveux des Templiers celui-ci objecte que des innocents peuvent parfois confesser des crimes (1).
    1. Cette réponse se trouve dans une traduction anglaise du XVIe siècle, faite d'après un texte français plus ancien, découverte par L. Blancard et publiée dans la Revue des Sociétés savantes, 4e série, tome VI (octobre 1867), page 417 — Le texte incomplet, mais dont le sens n'est pas douteux, porte : « The pope answered that sometymes ... r... scheife is confessed by the mouthes of innocent men for ... are of deathe, and so per adventure was this, and allso ... eit the confession were true, yet it was not legitimate.... »

    En rendant leurs pouvoirs aux inquisiteurs, le 5 juillet, Clément V fait allusion aux doutes que lui laissa la lecture des premiers aveux relativement aux crimes « auxquels l'opinion de notre esprit, dit-il, ne pouvait être amenée à croire (1) » Si le pape admettait que des aveux pussent être inexacts, comment croire qu'il eût considéré la rétractation comme un crime, et qu'en ses mains, les dignitaires fussent en danger ? On peut objecter que l'événement que pouvait redouter Bérenger Frédol en 1308 s'est produit en 1314.
    Mais il faut observer que l'exécution de Molay et de Charnay est postérieure aux exécutions de mai 1310, qu'elle est un coup de force décidé par le conseil du roi, « en l'absence des ecclésiastiques », et que rien, en 1308, ne pouvait la faire prévoir.
    1. Mélanges historiques de la Collection des documents inédits, tome II, page 420.

    La falsification d'aveux se heurte encore à d'autres difficultés. En effet, les interrogatoires de Chinon n'ont pas été secrets. Ils ont eu lieu en présence de trois cardinaux, de quatre tabellions, de plusieurs « bonnes personnes » au nombre desquelles il faut citer Nogaret et Plaisians. Qu'on imagine la difficulté qu'il y aurait eu à cacher une nouvelle révocation d'aveux !

    D'autre part, il y a un passage de la bulle Faciens misericordiam qui est bien curieux. Clément V charge les cardinaux d'absoudre les dignitaires de l'excommunication qu'ils avaient encourue pour les faits qu'on leur reproche, « s'ils étaient vrais » Mais il ne prescrit rien pour le cas contraire, ce qui s'applique à la révocation d'aveux. Si Molay a vraiment révoqué ses aveux, on ne voit pas comment les cardinaux peuvent lui accorder l'absolution s'ils le font quand même, on est obligé d'admettre qu'ils jouent une comédie.

    Si, d'autre part, les cardinaux ne lui accordent pas cette absolution, il y a des faits que l'on ne comprend plus. Nous voyons, en effet, que le 28 novembre 1309, à la fin de sa seconde comparution, Molay demande aux commissaires et au « chancelier royal » de pouvoir entendre la messe et d'avoir ses chapelains. Les commissaires et Nogaret louent sa dévotion et promettent de faire le nécessaire (1). Il faut donc croire que la réconciliation et l'absolution mentionnées dans l'interrogatoire de Chinon, dans la bulle Faciens misericordiam, dans la lettre des cardinaux au roi, correspondent à la réalité.
    1. Michelet, Procès des Templiers, Tome 1, page 45.
    Or, l'évêque de Paris, s'occupant de l'inquisition dans son diocèse, prescrit de traiter ceux qui ont révoqué leurs aveux comme ceux qui nient les crimes qu'on leur impute, et, en particulier, de les priver des sacrements, sauf de la confession (Mélanges historiques de la collection des documents inédits, tome II, page 446-48). On ne voit pas pourquoi Nogaret s'emploierait en faveur de Molay, si celui-ci se trouvait dans le cas visé par l'évêque de Paris.


    Le mensonge des cardinaux serait, comme dit M. Viollet, « le mensonge utile, celui que les théologiens appellent mendacium officiosum ; ce serait même ici le mensonge compatissant, mendacium pielatis (2) »
    Observons ses curieux effets.
    Le 22 décembre 1313, Clément V, renonçant à juger lui-même, délègue ses pouvoirs aux cardinaux Nicolas de Fréauville, Arnaud d'Auch, Arnaud Nouvel, et les charge de prononcer définitivement sur le sort des dignitaires prisonniers, en utilisant les enquêtes déjà faites, surtout celle de Chinon (3). La peine prononcée le 18 mars 1314 fut l'emprisonnement perpétuel, sanction très sévère. Des cardinaux qui avaient procédé à Chinon, seul, Bérenger Frédol vivait encore. S'il crut devoir faire connaître, en secret, la façon dont on avait rédigé le procès-verbal du mois d'août 1308, on ne voit pas comment on a pu prononcer une peine si dure. S'il ne le fit pas, il laissa prononcer sur un document faux un jugement qui révolta deux dignitaires et les détermina à une nouvelle révocation. Il contribua ainsi à perdre Molay qu'il voulait sauver.
    2. Michelet, Procès des Templiers, Tome 1, page 10.
    3. « Et presertim inquisitione per venerabilem fratrem nostrum Berengarium episcopum Tusculanum, tunc tit. Canctorum Nerei et Achillei, ac bone memorie Stephanum tit.
    Sancit Ciriaci in Termis presbiterum, et Landulfum sancti Angeli diaconum, cardinales super premissis, de speciali nostro mandato facta.... » Regestum Clementis papœ V, n° 10.337.


    Examinons maintenant si le récit que l'on fait ordinairement des événements de Chinon souffre des objections. M. Viollet en voit, car après avoir raconté la scène dramatique des aveux faits par Molay dans une église il ajoute : « Est-il croyable que, devant les mêmes témoins, devant ces mêmes inquisiteurs, émus et pitoyables, Molay se voit, une fois encore, mensongèrement, confessé coupable (1) ? »
    1. Viollet, page 11.
    Nous n'hésitons guère à répondre affirmativement.
    Car il faut bien distinguer les deux époques. A la fin de 1307, Philippe IV a remis les prisonniers aux cardinaux. Les Templiers, pleins d'espoir, se croient vraiment délivrés et révoquent leurs aveux. Mais en 1308 tout est changé. Les dignitaires restent dans la main du roi, en dépit de la remise de décembre. Ils croyaient aller à Poitiers ; on les retient Chinon, dans le château royal. Ils espéraient voir le pape en personne ; ils voient trois cardinaux, assistés de deux conseillers du roi, Nogaret et Plaisians, qui, en consistoire, paraît avoir menacé Etienne de Suisy et Bérenger Frédol. La présence de Plaisians est vraiment digne de remarque. Il assiste aux dépositions, de même qu'il assistera en 1309 aux séances de la commission d'enquête. Or, en cette année, il surveille Molay, l'empêche de parler, lui montre des dangers possibles.
    Une pensée vient bien vite à l'esprit pourquoi n'aurait-il pas fait de même à Chinon, soit avant, soit pendant l'interrogatoire ?


    Une opinion revient souvent dans le travail de M. Viollet : Molay a été torturé d'une manière affreuse ; c'est pour cela qu'il a avoué ; c'est pour cela qu'une fois hors de la main des tortionnaires il est revenu sur ces aveux. Nous sommes amenés, pour finir, à nous poser cette question : Molay a-t-il avoué par suite de la torture, ou bien par faiblesse de caractère ? Quelle espèce d'homme était-il ?
    Nous n'avons là-dessus que peu de textes, mais ils sont bien intéressants. Un seul mentionne les tortures du grand maître ; c'est la lettre d'un Catalan ; nous l'avons reproduite plus haut et nous avons dit ce que nous en pensions. Mais il y a des textes en sens contraire. Laissons de côté le témoignage de Jean de Saint-Victor qui nie la torture (1), car on pourrait dire que ce chroniqueur, très favorable au roi, était mal désigné par sa situation et sa tendance pour nous laisser un renseignement sûr. Mais il y a le témoignage de Plaisians qui déclare à Poitiers, en 1308, en consistoire public, que Molay a avoué spontanément, sans torture (2). Il y a aussi un texte bien curieux qui émane d'un juriste anonyme (3).
    1. « Sine omni tormento errores plenarie recognovit » Recueil des historiens de France, tome XXI, page 658.
    2. « Ipse enim magister sponte et sine tormentis confessus fuerat... » Finke, tome II, page 143.
    3. M. Viollet, page 1, note 1, qualifie de « suspectes » les assertions de cet anonyme.


    C'est une consultation juridique relative à plusieurs difficultés du procès, entre autres aux variations du grand maître qui « s'est d'abord confessé coupable en public, puis a dit qu'il avait avoué par crainte de la torture et troisièmement que sa première confession fut vraie et qui, peut-être, répondra d'une autre façon... »
    L'auteur répond que le grand maître a avoué à l'inquisiteur, spontanément, qu'il a persévéré plus de deux mois dans ses aveux, « que dès le début, se lamentant par respect humain, il demanda à être torturé pour que ses frères ne dissent pas qu'il avait détruit l'Ordre volontairement. Il lui fut répondu qu'il y avait des témoins déposant contre lui en public, par quoi on ne devait pas le torturer ; on ne détermina en lui nulle crainte (4) »
    Constatons d'ailleurs qu'à son heure dernière Molay déclara qu'il avait avoué « par peur des tourments (5) » et non pas à la suite de tourments.
    4. Finke, tome II, n° 69, page 102.
    5. Selon Villani (VIII, 92) il aurait dit « che elli era bene degno dimorto, e volevala bene sofferire in pace, impero che per paura di tormento, e per lusinghe del Papa, e del re di Francia in alcune parte l'havea fatto confessare » Si l'on était assuré que l'informateur de Villani a reproduit exactement ce qu'il a entendu dire, on trouverait peut-être dans ce passage une solution de la question qui s'est posée à nous. En parlant des « cajoleries du pape » qui l'ont déterminé à faire des aveux, Molay, qui, après son arrestation, ne vit jamais Clément V en personne, veut peut-être désigner ses délégués, les trois cardinaux de Chinon. Et il n'est pas impossible qu'on ait, alors, fait des promesses au grand maître, qu'on l'ait, par exemple, déterminé à persévérer dans ses aveux en lui laissant entendre qu'on n'en ferait pas état et qu'il n'en résulterait pas de dommage pour lui ni pour son Ordre. Ainsi s'expliquerait la stupéfaction et l'indignation de Molay, lorsqu'il entendit la lecture de la bulle Faciens misericordiam qui donne un caractère officiel à ses aveux.


    Il faut, croyons-nous, pour bien suivre les variations du grand maître, ne pas se laisser éblouir par l'auréole qui ennoblit le martyr de 1314. Molay n'apparaît héroïque qu'à son dernier jour ; il fut chancelant dans les autres moments décisifs de sa vie. Il avoua parce qu'il avait peur ; dès qu'il fut libre il se rétracta.
    Lorsqu'il se sentit surveillé il revint à ses déclarations premières.
    Quand il comparut devant la commission d'enquête de Paris il tenta de se ressaisir ; mais il eut peur de Plaisians et renonça à parler.
    Il avait le désir de voir le pape ; il ne put le voir. Quand son espoir s'évanouit et qu'il vit sa soumission payée d'une réclusion perpétuelle, le souvenir de ses mensonges lui remonta au cœur et il libéra sa conscience. Mais alors le Temple était perdu.
    Molay vécut en un temps où l'Ordre avait besoin de chefs qui fussent des héros par malheur, lui n'était qu'un pauvre et brave homme (1).
    1. Il est remarquable que les dignitaires ne firent rien pour la défense de l'ordre qui fut entreprise par d'autres membres, Renaud de Provins, Pierre de Boulogne, Bertrand de Sartiges, Pierre de Chambonnet, etc.
    Sources : Georges Lizerand. Le Moyen âge : bulletin mensuel d'histoire et de philologie, page 81 à 106. BNF

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