5. Les templiers et la ville : le cas de Perpignan
Comme bon nombre de localités de la plaine du Roussillon, Perpignan semble être née dun processus dagglutination de lhabitat dans et autour du périmètre de paix de léglise, espace généralement qualifié de cellera dans les textes contemporains (294).Édifiée par les probi homines du lieu, léglise Saint-Jean-Baptiste (aujourdhui Saint-Jean le Vieux) est consacrée par lévêque dElne le 15 mai 1025. Dans lacte de consécration, le prélat précise les limites de la paroisse dans le ressort de laquelle léglise Saint-Jean doit percevoir les dîmes et les offrandes, avant de lui octroyer son cimetière : « (...) cum cimiterio in girum ecclesiae ad corpora mortuorum sepelienda (295) »
Au début du XIIe siècle, la cellera, le noyau primitif de la ville où se dressent la résidence comtale, le cimetière, ainsi que plusieurs mas, était protégée par un mur et des douves (297).
Elle était alors bordée au nord par la Têt, dont le chenal empruntait un tracé plus méridional que de nos jours. Le fleuve est en effet mentionné en 1116 comme délimitant le terrain concédé par le comte de Roussillon, Arnau, et le viguier de Perpignan, Pere Arnau, pour lédification de lhôpital des pauvres (298).
Placé lui aussi sous le patronage de saint Jean-Baptiste, cet établissement caritatif est compris dans le quartier canonial, lieu de résidence des
chanoines desservant léglise Saint-Jean sous lautorité dun chapelain (299).
À environ deux cents mètres à louest de léglise, au carrefour des principaux axes routiers, les comtes ont établi un marché, le mercadal, sur lequel ils perçoivent un droit de leude, dont les revenus leur servent à rémunérer la fidélité de leurs vassaux (300).
À lextrémité de la place du marché où se déploient les étals des commerçants, un emplacement est réservé au commerce de la viande de boucherie. Ce mazell est mentionné dès 1152 (301).
Déjà de nouvelles habitations se dressent de part et dautre de la principale artère reliant le cœur spirituel de la ville à son poumon économique. Quand les templiers arrivent dans la capitale du comté de Roussillon, celle-ci a donc déjà entamé un processus de croissance similaire à celui qui affecte alors bon nombre de bourgs marchands méridionaux.
La formation du temporel urbain
Limplantation de lordre du Temple à Perpignan intervient de manière assez précoce, ce qui se conçoit aisément puisque la capitale du comté de Roussillon, siège du pouvoir politique, constituait également une étape importante sur la route terrestre reliant Narbonne à Barcelone. Le premier templier catalan mentionné par les sources se nomme significativement Pere Bernat de Perpignan (302).
Celui-ci accompagne Hugues Rigaud à Barcelone à la cour du comte Ramon Berenguer III au mois de juillet 1131 (303). Pere Bernat est le premier frère recruté localement ayant exerçé une fonction administrative en Roussillon et en Carcassès, où il est actif au moins jusquen 1141 (304). Sur le plan temporel, il faut attendre quelques années avant que lordre militaire ne reçoive ses premiers dons importants dans la paroisse de Perpignan.
La constitution du patrimoine urbain est inaugurée par un document formulé de façon originale, rédigé le 25 mai 1139, par lequel Guillem Gairard et son frère Arnau, tous deux templiers, informent le comte de Roussillon, Gaufred III, et les « probis ejusdem oppidi », autrement dit les représentants de la communauté des habitants de Perpignan, quils ont concédé à titre perpétuel leur héritage maternel à leurs frères du Temple. Ils précisent quils avaient engagé un champ et une vigne issus de ce patrimoine à leur beau-frère, Albert, pour le prix de 140 sous de Roussillon. Cest pourquoi ils sen remettent à la charité et à la piété du comte, et le supplient de veiller à ce que cette terre bénéficie à loeuvre des pauvres chevaliers
du Christ. Le comte confirme la donation de cet honneur situé dans les limites de sa ville de Perpignan, à la réserve du quartum quil perçoit sur celui-ci. Pour prix de cette confirmation, les templiers ont donné à Gaufred III les 40 sous que celui-ci leur devait. Ce fait est particulièrment intéressant puisquil indique que les frères de la Milice assuraient déjà la fonction de créancier auprès du comte de Roussillon. Lacte est approuvé par le viguier comtal, Berenguer de Guardia, qui reçoit 20 sous (305).
La capitale du comté de Roussillon prend très vite une dimension importante dans la stratégie sociale déployée par les templiers, qui paraissent avoir très rapidemment développé détroites relations avec certains membres de loligarchie urbaine. On constate en effet que les noms de certains bourgeois perpignanais figurent régulièrement parmi les témoins des donations ou ventes faites au Temple contractées dans cette ville. Cest le cas, par exemple, de Ramon Esteve, Pere Ermengau et Bernat de Rennes, qui souscrivent plusieurs fois ensemble ou séparément (306). Fort du soutien comtal - cinq donations de Gaufred III et de Girard II concernent des biens situés dans la paroisse de Perpignan (307) - et des liens noués avec les grandes fortunes de la capitale, lordre du Temple sinsère progressivement dans le tissu urbain en y acquérant divers biens fonciers ainsi que dimportants droits économiques (308).
Les moulins
Lattention des templiers semble sêtre tout dabord focalisée sur le contrôle, stratégique dans le contexte économique médiéval, des moulins situés dans la paroisse Saint-Jean de Perpignan. Ainsi, le 8 février 1146, frère Bernat de Peralada obtient de Gaufred III la confirmation de lachat de deux moulins fait à Pere Vicenç (309). Le comte reçoit 30 sous et se réserve le cens de 12 deniers de monnaie roussillonnaise quil perçoit sur ces moulins en raison de son droit de directe. Cinq mois plus tard, ladministrateur templier achète pour 200 sous de monnaie roussillonnaise à Pere et Joan Robert la moitié dun moulin attenant aux moulins précédents (310).
Limportance des enjeux économiques liés au contrôle des moulins hydrauliques de Perpignan ressort dune transaction passée le 25 juillet 1149 afin de régler le litige opposant Gaufred III au puissant seigneur Ramon de Castell Rosselló à propos de lusage commun du canal des moulins qui appartenaient autrefois aux défunts Arnau Pere, négociant, et Ramon Vicenç, lequel était sans doute un parent de Pere Vicenç évoqué ci-dessus (311).
Larbitrage fut confié aux bons hommes de Perpignan et à frère Arnau de Saint-Cyprien, successeur de Bernat de Peralada, ce qui manifeste de façon patente linfluence sociale et lenvergure morale que lordre du Temple avait déjà acquises dans le comté de Roussillon au milieu du XIIe siècle. Le règlement accepté par les deux parties prescrit que les hommes de Perpignan ayant des droits sur ces moulins avec les templiers doivent contribuer pour deux-tiers aux dépenses occasionnées par la construction ou lentretien du barrage et du canal damenée, et les hommes de Castell Rosselló pour lautre tiers. Chacun devra veiller à ce que les moulins disposent de toute leau nécessaire à leur fonctionnement. En cas de besoin, les hommes de Castell Rosselló sont autorisés à prendre davantage deau, à condition toutefois de ne pas porter préjudice au fonctionnement des moulins. Si ceux de Perpignan refusent de participer aux dépenses, comme le veut la coutume, les hommes de Castell Rosselló auront le droit de saisir les anilles des moulins, et de les conserver jusquà ce que les Perpignanais aient payé ce quils doivent (312).
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Le contrôle des moulins bladiers de Perpignan a également suscité la convoitise dun autre lordre militaire, celui de lHôpital de Saint-Jean de Jérusalem, qui, en 1167, achète à une femme nommée Bigorra cinq moulins situés dans la paroisse de Saint-Jean de Perpignan, entre les moulins de la milice du Temple et ceux de Pere Jaume, pour le prix de 900 sous de monnaie melgorienne. Lachat est confirmé par le comte de Roussillon, seigneur de Perpignan, qui reçoit 300 sous, soit le tiers du prix de vente (313).
Le casal dans lequel tournaient les roues des moulins acquis par les deux ordres militaires se situait à lest de la ville, il fut désigné par la suite Moulins daval, afin de le distinguer des autres établissements de meunerie édifiés au XIIe et XIIIe siècle sur le territoire de Perpignan. Un accord passé en 1300 entre le commandeur du Temple, dune part, et le commandeur hospitalier de Bajoles, dautre part, pour la construction à frais communs dun pont facilitant laccès aux Moulins daval, nous apprend que les templiers y détenaient toujours trois roues et les hospitaliers cinq (314).
Les actes montrent que les templiers attachaient beaucoup dimportance au fait de posséder le plus grand nombre possible de moulins à Perpignan. Il sagissait pour eux davoir la mainmise sur un secteur crucial de léconomie. Après la première phase dacquisition des années 1140, ils réussirent, par le biais de donations ou dachats, à prendre le contrôle de nouvelles roues.
Le 4 juillet 1172, le dernier comte autonome de Roussillon, Girard II, lègue au Masdéu ses moulins situés près de la Porte de Malloles, à louest de la ville (315). Par opposition aux précédents, ces moulins furent appelés Moulins damont. Puis, le 24 août 1232, Guillem Pere de Tatzó dAmont cède à frère Rostain, commandeur du Masdéu, ses droits sur un moulin situé à Perpignan, que son frère Ramon Arnau avait vendu à la milice du Temple (316). Guillem Pere reconnaît avoir reçu sa part du prix de cette vente et confirme celleci.
Lacte précise que ce moulin se trouvait entre un moulin du Temple et un moulin appartenant à une femme nommée Palaciola, mais nous ignorons dans quel établissement de meunerie il se situait (317).
Conséquence de lexpansion urbaine, le réseau dalimentation en eau des moulins situés dans le nouveau quartier Saint-François se densifie au cours de la deuxième moitié du XIIIe siècle. Le 20 mai 1262, Jaume Ier concède à titre perpétuel à frère Guillem de Montgrí, commandeur, et aux frères du Masdéu le droit dutiliser leau qui sécoule dans le canal de Ponç Pauc, devant les entrées de leurs étables et de leurs jardins, afin dirriguer leur jardin situé près du bief des moulins du Temple et près du couvent des frères Mineurs. Le roi leur accorde la faculté dy puiser de leau pour en user à leur volonté, pourvu quil nen résulte aucun préjudice pour lécoulement du canal, de sorte que nul ne les empêche dutiliser cette eau ou ne leur occasionne quelque autre désagrément (318).
Mais la multiplication des aménagements hydrauliques dans ce secteur de la ville ne pouvait que générer des conflits dintérêts liés à lusage de leau, force motrice des moulins hydrauliques. Cest ainsi quun litige opposa cinq ans plus tard le commandeur du Masdéu, dune part, et Pere Pauc, dautre part, à propos dune resclausa que ce dernier faisait édifier sur la Basse de Perpignan afin dalimenter les moulins quil venait de faire construire près de la porte den Albencha, soit approximativement à une centaine de mètres en aval des moulins légués au Temple par le
comte Girard (319).
Le commandeur avait dénoncé publiquement ces travaux car il craignait que la mise en place de ce barrage ne fasse refluer les eaux et nentrave ainsi le bon fonctionnement du barrage des Moulins damont du Temple.
Un règlement à lamiable contracté sous lautorité du batlle de Perpignan le 10 janvier 1267 appaise momentanément le conflit opposant deux des principaux propriétaires de moulins de la ville. Le commandeur autorise Pere Pauc à construire sa resclausa et à en faire usage pendant un mois à compter du jour de la transaction. Passé ce délai, à sa réquisition, Pere Pauc sera tenu de détruire une canne de ce barrage à lendroit qui lui sera désigné par le religieux administrateur, de façon à ce que cette digue ne provoque pas de stagnation deau et noccasione aucun dommage aux moulins du Temple situés en amont de celle-ci. Toutefois, si Pere Pauc refusait dobtempérer, le commandeur ferait appel au batlle de Perpignan afin de procéder à la destruction du barrage, sans que le bourgeois ne puisse recourir en justice.
Guillem de Vilarasa, batlle de Perpignan, sest personnellement obligé envers le commandeur de faire appliquer cette clause. Pour sa part, Pere Pauc promet de ne pas entraver la destruction du barrage sous peine de 1000 sous damende (320).
Cinq ans plus tard, un affaire similaire oppose les templiers au fils de Pere Pauc à propos dun autre barrage situé, cette fois, en amont de celui du Temple. Le 23 mars 1272, frère Ramon Desbac, commandeur du Masdéu, et frère Pere Sabater, commandeur de Perpignan, dune part, et Ponç Pauc, dautre part, règlent le litige qui les opposait à cause de la resclausa édifiée par ce dernier dans le lit de la Basse, en aval de ses moulins dits de la Tour, afin dalimenter les moulins quil possède dans la ville de Perpignan. Les templiers se plaignaient du fait que ce barrage empêchait leau de la rivière de sécouler vers les moulins du Temple (321).
Laccord autorise Ponç Pauc et les siens à faire et tenir un ou plusieurs barrages sur la Basse en amont du pont situé près de la vigne du Temple et du jardin de Ferrer den Auda, avec la faculté den utiliser leau à leur guise. En dédommagement du préjudice que linstallation de ces prises deau est supposé occasionner aux moulins du Temple, Ponç Pauc assigne aux templiers une rente annuelle de 3 sous et 9 deniers desterlins (322).
Nous ne disposons pas dinformation concernant la façon dont les templiers faisaient valoir leurs moulins de Perpignan. On ne sait sils y entretenaient une main doeuvre salariée ou, plus probablement, sils en affermaient lusufruit à des meuniers moyennant le paiement dune redevance fixe ou proportionnelle.
La seigneurie des moulins était une prérogative banale, ce qui implique que les habitants relevant de leur banlieue - au sens étymologique du terme - étaient contraints dy faire moudre leur grain moyennant le paiement dun droit de mouture, autrement dit dune portion déterminée de la farine obtenue après le broyage des grains (323).
Un acte provenant du chartrier de la commanderie hospitalière de Bajoles prouve que cette pratique était de mise à Perpignan. Le 18 mars 1220, Guillem Adalbert et son fils Guillem donnent à lHôpital de Saint-Jean de Jérusalem les moulins quils possèdent sur la rive droite de la Tet, dans la paroisse Saint-Jean de Perpignan. À cette occasion, les deux bourgeois concèdent aux hospitaliers que tous les hommes qui tiennent pour eux des jardins sur la grève de Perpignan seront tenus de moudre leur blé dans ces moulins, comme ils le faisaient auparavant pour eux.
Le contrat impose deux conditions aux hospitaliers : quils garantissent que le grain soit convenablement moulu, dune part, et que les tenanciers puissent continuer à user librement de leau pour irriguer leurs jardins sans aucune servitude, dautre part. Quant aux tenanciers qui refuseraient de donner leur grain à moudre, ils se verraient privés de leur droit dirrigation (324).
En vertu de ce principe, les templiers, qui disposaient de moulins de part et dautre de lenceinte de la vieille ville, pouvaient donc compter sur une clientèle nombreuse. Mais cet aspect nous échappe totalement. Nous savons seulement quen 1264 la rente annuelle des cinq moulins du Temple était estimée à cinquante hémines et demi de froment et quarante-cinq hémines dorge (325).
Ces chiffres correspondent vraisemblablement au droit de mouture. On peut les comparer avec les trente-cinq hémines de froment et cent hémines dorge que leur rapportait alors lexploitation de leur réserve de Perpignan qui comptait dix-neuf pièces de terre et vignes (326).
En dehors de Perpignan, lordre du Temple avait acquis des moulins dans plusieurs localités de comtés nord-catalans : Brouilla, Corbons, Nidoleres (suite à lacquisition du prieuré de Sant Salvador de Cirà), Malloles, Nyls, Pézilla-de-Conflent, Centernac, Villefranche de Conflent (327).
On notera enfin que, contrairement à leurs homologues des commanderies de Douzens ou de Gardeny, les templiers du Masdéu ne semblent pas avoir détenus des moulins à foulon (328).
Les mesures du marché
Les templiers ont acquis très tôt des droits sur les mesures de Perpignan. Aux alentours de 1150, frère Arnau de Saint-Cyprien, avec laccord du maître de lordre, Pere de Rovira, avait concédé à Pere Brunet et Adelaida le mesurage de lhuile de Perpignan (329).
Cest ce que nous apprend un acte du 6 avril 1232, par lequel la petite-fille de ces derniers, Adelaida, son époux Joan Galix, et leurs enfants, Joan et Maria, restituent ce droit à frère Rostain, commandeur du Masdéu, et à frère Guilhem de Gévaudan, commandeur de la maison de Perpignan, moyennant 200 sous de monnaie melgorienne (330).
Nous savons également que les templiers possédaient des étals sur le marché à huile de Perpignan dont ils tiraient des revenus en les acensant à des particuliers. Ainsi, le 1er septembre 1256, frère Ramon de Vilanova, commandeur de la maison du Temple de Perpignan, donne à acapte à Arnau Geita, prêtre, et à Joan Geita un étal situé sur la place de Perpignan, près du lieu où lon vend de lhuile. Le contrat stipule que les tenanciers disposent de cet emplacement commercial pour en jouir leur vie durant, à condition den assurer lentretien et dacquitter le cens, relativement élevé, de 6 sous et 3 deniers de monnaie barcelonaise le jour de la fête de saint Vincent. Le montant du droit dentrée payé par les preneurs est de 2 sous et 6 deniers (331).
Si nous ignorons dans quelles circonstances les templiers ont fait lacquisition des mesures de lhuile, nous savons par contre que cest en vertu du testament du comte Girard II quil héritèrent en 1172 du monopole des hémines, autrement dit des mesures du blé du marché de Perpignan (332).
Au mois de mai 1202, les frères du Masdéu réussissent à augmenter leur emprise sur le commerce des céréales dans la capitale du Roussillon en obtenant tout ce que Bernat Armiger perçevait sur le droit de mesurage du blé de toute la ville de Perpignan (333).
Trois articles des coutumes réglementant lusage des mesures du marché nous fournissent de précieuses indications sur les conditions de prélèvement et le montant de ces taxes économiques.
Larticle 31 prescrit que tout habitant de Perpignan qui vend du blé le jeudi, jour du marché hebdomadaire, en utilisant la mesure de la milice du Temple, doit payer le droit de mesurage comme nimporte quelle autre personne. Par contre, pour le blé vendu les autres jours de la semaine, il nest tenu de payer que la moitié de cette taxe, dont le taux est fixé à une cosse par hémine mesurée (soit 1/48e). Il est ensuite précisé que la mesure du Temple est le demi-carton, et quil faut six cosses pour faire une mesure.
Larticle 32 fixe le droit de mesurage de lhuile qui doit être payé aux templiers le jour du marché à une cosse par pesée, la cosse représentant le douzième du demi-carton utilisé pour mesurer lhuile (334).
Enfin, larticle 29 stipule que chaque habitant de Perpignan a le droit de posséder ses propres poids et mesures pour le pain, le vin, lhuile et autres produits. Tout citoyen a la faculté de faire commerce de ces marchandises dans sa maison ou ailleurs, hormis sur la place du marché où lon a coutume de vendre le blé et lhuile. Il est par contre interdit aux habitants de posséder le quintal, le poids étalon de Perpignan, prérogative qui relevait du seul seigneur de la ville, autrement dit du comte de Roussillon (335).
Notre connaissance des mesures en usage dans la capitale du Roussillon à la fin du XIIIe est heureusement éclairée par un règlement municipal promulgué le 29 janvier 1287, à loccasion de la réfection de la mesure étalon. Les consuls Guillem de Codalet, Llorenç Redon et Guillem Homdedeu, du consentement de Pere Adalbert, batlle de Perpignan, de Ramon Nicolau, lieutenant du juge à la cour du batlle, et des principaux représentants des notables et artisans de cette ville, établissent, au nom de luniversité des habitants de Perpignan, que la mesure en pierre qui vient dêtre refaite et étalonnée sur la mesure légale de la maison du Temple de Perpignan, appelée demi-carton, sera désormais la mesure légale en vigueur dans cette ville. Par conséquent, quiconque voudra vendre ou acheter des céréales ou des légumes dans ce lieu devra utiliser cette mesure. Il est arrêté quune hémine doit contenir huit mesures rases et que pour chaque pesée on ajoute quatre cosses pour compensation (pro turnis), soit une cosse par carton, soit un douzième (336).
La mesure ou demi-carton doit contenir quatre pugnères ou six cosses. Les consuls et tous leurs successeurs ont la responsabilité de maintenir cet étalon en pierre au nom de luniversité de la ville de Perpignan. Cet acte important est passé en présence du viguier de Roussillon Jaume de Mora, et du commandeur de la maison du Temple de Perpignan, frère Pere de Camprodon, dont nous verrons ultérieurement quil exerçait alors également loffice de procureur du roi de Majorque (337).
Il convient de bien distinguer les mesures du blé léguées aux templiers du poids du blé. Institué par Jaume Ier à la demande des habitants de la ville le 5 février 1266, ce poids était spécialement destiné à peser le grain que les particuliers sapprêtaient à faire moudre dans les moulins de la ville, et la farine quils rapportaient en revenant des moulins. Le montant du droit de pesage était laissé à la libre appréciation de luniversitas hominum Perpiniani. Le produit de cette taxe devait alimenter la caisse communale et son utilisation était laissée à lappréciation de la communauté ou de ses rectores, sans que le roi ne puisse jamais en rien réclamer (338).
Létablissement de ce poids visait donc à préserver lintérêt des habitants en lesprémunissant contre les pratiques frauduleuses des meuniers, dont on a vu que beaucouptravaillaient dans les moulins du Temple.
Pour les templiers, la possession des mesures constituait une source de revenus en nature dont nous connaissons les chiffres pour 1264. Cette année là, les mesures du blé de la foire de Perpignan ont rapporté 57 hémines dorge et 38 hémines de froment.
Quant aux mesures dhuile de la foire, elles leur ont rapporté 128 quartiers dhuile, mais il est précisé que les frères ont utilisé une quantité importante de cette huile - sans doute pour les besoins alimentaires et pour léclairage des commanderies -, cette dépense décomptée, il ne leur reste plus que 40 cartons (339).
Au cours de la dernière décennie du XIIIe siècle, les templiers profitent de lexpansion démographique de la ville pour y renforcer davantage leur emprise sur le commerce du blé en contribuant au finançement de la construction de la nouvelle halle au blé de Perpignan édifiée à lemplacement des fossés qui bordaient lancienne porte dElne. Il y avait alors dans la capitale du comté plusieurs places affectées à la vente des céréales les jours où se tenait la foire publique. Mais, en raison de laugmentation de la population de cette ville et des autres localités du Roussillon et dailleurs, ces places ne suffisaient plus à accueillir le nombre sans cesse croissant de commerçants qui affluait pour y vendre leurs céréales. Cest pourquoi le roi de Majorque prit la décision de déplacer la foire aux blés vers un emplacement plus spacieux.
Le 29 juin 1293, Jaume II ordonne donc la création dune place unique spécialement destinée à la vente des céréales les jours où se tient la foire de Perpignan, à lexclusion de toute autre place, tant à lintérieur quà lextérieur de lenceinte de la vieille ville (340).
Le roi précise quil avait déjà fait aménager et recouvrir cette place par le moyen dune charpente reposant sur des colonnes de pierre, et que ces travaux avaient entraîné de lourdes dépenses, auxquelles frère Ramon de Saguàrdia, commandeur de la maison du Temple du Masdéu, a contribué pour le montant de 5000 sous de monnaie melgorienne. Pour cette raison, le roi ordonne que la nouvelle place demeure toujours au même emplacement, et que les templiers y perçoivent leur droit de mesurage comme ils avaient coutume de le faire auparavant sur les anciennes places publiques affectées à la vente des céréales ; et que, les jours de foire, personne ne puisse vendre dautres céréales que celles mesurées avec les mesures du Temple dans les maisons et boutiques qui donnent sur la nouvelle place.
Afin dassurer le bon fonctionnement du nouveau marché, Jaume II promulgue une série de mesures coercitives. Les templiers peuvent désormais dénoncer les fraudes au batlle de Perpignan et aux autres officiers royaux, qui sont chargés de veiller à la bonne application du nouveau règlement et de poursuivre tous les contrevenants. Ainsi, quiconque vendra des céréales dans cette place et sen ira sans avoir payé le droit de mesurage perdra les céréales, ou le prix de celles-ci, qui sera versé au roi, et le contrevenant sera de plus contraint de payer aux templiers le droit de mesurage du blé vendu (341).
On voit que la politique urbaine du roi de Majorque bénéficiait de lappui et des finances du Temple. En facilitant le contrôle du commerce du blé, cette association opportune et fructueuse contractée par les deux grandes puissances temporelles de la ville permettait aux templiers de renforcer leur mainmise sur un marché céréalier en pleine croissance. Toujours prompts à saisir les bonnes occasions, les religieux profitent de laubaine pour réaliser de fructueux investissements immobiliers en acquérant des terrains constructibles dans lenvironnement immédiat de la halle au blé. Le 16 novembre 1295, Jaume II confirme ainsi au commandeur du Masdéu lacquisition dun terrain situé devant la nouvelle place, sur lequel ses coreligionnaires ont fait édifier une maison ou boutique dotée dun étage. Outre son foriscapium, le roi ne réclame en retour quun denier de cens (342).
Le montant dérisoire de cette redevance purement symbolique témoigne de lestime et de la grande faveur que le roi accordait aux administrateurs de lordre du Temple dans son royaume. Il est vrai que lun deux, frère Jaume dOllers, exerçait alors loffice de procureur royal des comtés de Roussillon et Cerdagne. Le commandeur du Masdéu, frère Ramon de Saguardià, était lui même un proche du roi (343).
À la fin du XIIIe siècle, les templiers percevaient également larrière-dîme sur le poids de Perpignan. Comme cela a été dit précédemment, ce poids, appelé quintal, appartenait au comte-roi, seigneur de Perpignan. La perception de cette taxe était affermée chaque année à des particuliers, comme latteste un bail passé le 20 juillet 1280, par lequel Guillem de Codalet, batlle de Perpignan, vend à Bernat Homdedeu et Peric, gantiers, tout le poids de la ville de Perpignan appartenant au roi, pour la durée dun an à compter de la dernière fête de la Saint-Jean de juin, pour le prix de 14 livres de monnaie melgorienne. Le contrat stipule en outre que les preneurs seront tenus de payer toute larrière-dîme due au Temple (344).
Les fours
Ce sujet a déjà suscité lintérêt de plusieurs historiens, mais la découverte de pièces ignorées de nos prédécesseurs invite à rouvrir cet important dossier (345).
Dans la clause de son testament stipulant le legs des fours de Perpignan aux templiers, Girard II avait ordonné quaucun four ne pourrait désormais être construit dans la ville de Perpignan sans laccord de ces derniers. On le sait, dans le cadre du régime seigneurial le monopole sur la cuisson et la vente du pain constituait une prérogative du droit de ban (346).
Lapplication scrupuleuse de ce monopole économique par des templiers toujours rigoureux et vigilants quant il sagissait de faire valoir leurs droits et fructifier leur temporel, généra de multiples tensions avec le clergé et, surtout, avec la population.
Au début du XIIIe siècle, un litige retentissant opposa labbé Bernat et les moines de Fontfroide, dune part, aux templiers du Masdéu, dautre part, à propos de la rente perpétuelle en pains prélevée par les cisterciens sur les fours de Perpignan.
En 1166, le comte Girard II avait en effet accordé aux moines blancs le privilège de se procurer gratuitement le pain dont nécessaire à leur propre consommation toutes les fois et aussi longtemps quils séjourneraient à Perpignan (347).
Par conséquent, labbé Bernat exigeait que lui soit donné une quantité de pain suffisante pour lui et pour les siens. Mais les templiers sopposaient à cet usage, objectant quà lorigine celui-ci ne sappliquait quà un nombre limité de frères de Fontfroide, mais que la considérable augmentation de leur nombre, consécutive de laccroissement du patrimoine de labbaye en Roussillon, grevait leurs droits sur les fours, au point den rendre la possession quasiment inutile pour eux. Il sagit bien sûr dune argumentation de circonstance dans laquelle on décèle une évidente propention à lexagération, mais celle-ci nen traduit pas moins une réalité qui est celle de limpressionnante expansion temporelle des cisterciens du Narbonnais dans le comté de Roussillon. Laffaire des fours apparaît ici comme le catalyseur des tensions générées par la rivalité apparue entre les deux ordres concurrents.
Signe que les templiers prenaient laffaire très au sérieux, cest le maître dans les provinces dEspagne et de Provence, frère Pons de Rigaud, qui se chargea personnellement de défendre les intérêts de son ordre. Les parties finirent par sen remettre à larbitrage de lévêque dElne, du médecin du roi dAragon et du juge Bernat Amiel.
La sentence prononcée le 17 février 1205 ordonne que labbé et les moines de Fontfroide renoncent définitivement à leur rente en pains, et que, en
contrepartie, les templiers, ou les possesseurs des fours, leur versent une rente annuelle de 80 sous de monnaie barcelonaise le jour de lAssomption (348).
Les templiers veillaient jalousement à ce que leurs prérogatives soient strictement appliquées et savaient opportunément les faire fructifier en usant de leur influence et de leur maîtrise de la procédure juridique.
Le 28 juillet 1247, le maître provincial de lordre, frère Guillem de Cardona, règle un certain nombre de questions litigieuses avec le roi dAragon. Il réclamait, entre autres choses, que le comte-roi remette aux frères de la milice du Temple les fours construits dans la villeneuve située hors des murs de la ville de Perpignan, et que le roi ne construise par la suite, ni nautorise quiconque à construire des fours dans la ville et la villeneuve de Perpignan.
Consentant à cette requête, Jaume Ier promet de concéder aux templiers tous les fours de Perpignan, tant ceux situés à lintérieur que ceux situés à lextérieur des murs de la ville et de la poblacio nova, du moment que cette dernière adhère au reste de la ville. Le Conquérant ordonne que personne ne puisse dorénavant y cuire du pain dans des fours contre la volonté des templiers (349).
Pour leur part, les habitants de Perpignan supportaient mal le monopole des fours qui constituait une entrave à leur liberté. La fraude devait être importante, cest du moins ce que suggère lacte suivant.
Le 17 novembre 1227, le seigneur de Roussillon et de Cerdagne, Nunó Sanç, accorde aux commandeurs, à tous les frères et donnés des maisons templières du Masdéu et de Perpignan, ainsi quà leurs délégués et serviteurs, le droit de détruire de fond en comble tous les fours illicites quils pourront découvrir dans le territoire de Perpignan (350).
Deux articles des coutumes de Perpignan confirmés par Jaume Ier réglementent lusage des fours de la ville (351).
Larticle 37 stipule que les habitants de Perpignan ont le droit davoir leurs propres fours pour la cuisson du pain domestique, mais pas pour la vente. Par contre, ils sont autorisés à vendre les fouaces cuites dans lâtre (352).
Larticle 38 réglemente le travail des fourniers qui doivent exercer correctement leur métier et doivent recevoir le vingtième pain pour leur salaire ; en cas de malfaçon, ils sont tenus de rembourser les clients lésés.
Les fourniers de Perpignan sont également tenus de cuire gratuitement toutes sortes de préparations culinaires : gâteaux, viandes, fromages, biscuits ou crèpes. Le tarif pour la cuisson dun pain de boulangerie est fixé à 4 deniers et à un tourteau de fluxol par hémine (353).
Il convient de remarquer que les coutumes ne précisent pas quelle monnaie était considérée. Dans une ville où circulaient alors plusieurs espèces concurrentes, cette lacune ne pouvait manquer de semer la discorde quant à leur interprétation.
Il est possible que le manque de précision de la coutume ait été lune des causes sous-jacente de la controverse qui opposa une génération plus tard frère Arnau de Castelnou, maître provincial, et les frères du Masdéu aux quatre consuls de Perpignan à propos du droit de fournage.
Sappuyant sur le livre des coutumes, les consuls prétendaient que les templiers ne devaient recevoir des boulangers de Perpignan que quatre deniers melgoriens et un fluxol par hémine de froment cuite dans les fours du Temple situés sur le territoire de cette ville. Mais comme les fourniers exigeaient davantage des boulangers, les consuls exigeaient que les templiers sen tiennent à la prestation inscrite dans leur coutumier.
De leur côté, les religieux affirmaient quils avaient depuis très longtemps usage de percevoir, en plus des quatre deniers, une redevance indexée sur la valeur de lhémine. Ayant vraisemblablement expérimenté à leur détriment les effets négatifs pour leurs finances de la fluctuation des prix du grain, les templiers souhaitaient donc naturellement que ce paramètre économique soit pris en compte.
Ils prétendaient également que lon ne pouvait donner foi aux écrits contenus dans le coutumier car celui-ci navait pas valeur dacte public, et que, même si cétait le cas, cela faisait très longtemps quil nétait plus dusage de recevoir seulement quatre deniers et un fluxol par hémine de froment.
Procéduriers, ils estimaient que la coutume écrite, dépourvue des formes diplomatiques susceptibles de lui conférer valeur légale, navait pas valeur probatoire et que, de toute manière, celle-ci ne pouvait en aucun cas sopposer à la prescription du fait accompli.
Les parties finirent toutefois par sentendre, et un compromis est passé par-devant notaire le 19 octobre 1267. Pour leur droit de fournage, les templiers sy engagent à nexiger désormais des boulangers que six deniers melgoriens par hémine de froment pour le pain blanc destiné à la vente, et un pain sur vingt pour le fluxol, le pain roux et pour tout autre type de pain que les boulangers ne proposent pas à la vente. Exprimée en monnaie de Melgueil, monnaie languedocienne ayant meilleur aloi que celle de Barcelone, la taxe fixe en argent perçue par les frères de la Milice était donc majorée de 50 % par rapport à celle qui avait été fixée dans larticle des coutumes vingt-cinq ans plus tôt ! De plus, une clause prévoyait que si le prix de vente de lhémine de froment sélevait à quinze livres ou plus, la redevance pour le pain blanc commercialisé passerait alors à sept deniers, et chaque boulangerie de pain blanc devrait payer chaque année au Temple une taxe supplémentaire de deux deniers le jour des fêtes de Noël, de Pâques et de Pentecôte. Aucune autre augmentation nétait autorisée (354).
Les templiers pouvaient donc sestimer particulièrement satisfaits de cet arbitrage puisque celui-ci modifiait à leur avantage une coutume prétendument immuable qui lésait leurs intérêts, consacrant ainsi leur victoire dans le bras de fer engagé contre les consuls de Perpignan (355).
Frustrés, les représentants de luniversitas Perpiniani ont mal accepté la conclusion de cette affaire, et on les voit par la suite faire preuve dune grande défiance à lencontre des religieux. Cest ainsi que, le 6 décembre 1275, le batlle de Perpignan, du consentement des bons hommes de la ville, statue que lon désigne désormais tous les mois deux bons hommes assermentés afin de surveiller la qualité des pains cuits dans les fours de Perpignan.
Les compétences attribuées à cette occasion à cette nouvelle police municipale témoignent de la volonté de mettre en place un contrôle particulièrement strict du fonctionnement des fours.
Les deux surveillants devaient juger des pains mal cuits ou mal assaisonnés, et de toutes les autres infractions commises par les fourniers ou par les frères relativement à la cuisson des pains, fromages, crèpes et autres mets préparés dans ces fours. Ils devaient également contrôler le montant des loyers et sassurer que ceux-ci étaient payés équitablement, conformément au montant fixé par la coutume. En cas de contravention, le batlle de Perpignan était tenu de contraindre les fourniers et les templiers à rembourser le préjudice selon lestimation des deux contrôleurs en fonction (356).
Au XIIIe siècle, lexercice de la profession de boulanger dans la ville de Perpignan était donc étroitement contrôlé par les templiers. Ce sont eux qui concédaient aux artisans le droit de posséder leur propre four et de faire commerce de leur pain. Cest ce qui ressort de la reconnaissance faite le 7 janvier 1282 au commandeur de la maison du Temple de Perpignan par Guillem Barrau, tondeur de draps de Perpignan, et son épouse Cecília.
Les époux reconnaissent avoir la faculté de commercialiser le pain cuit dans un four situé à lintérieur de leur habitation. Ils promettent que, tant quils tiendront ce four et exerceront loffice de boulanger, ils paieront au commandeur du Temple de Perpignan 50 sous de monnaie couronnée de Barcelone de cens annuel le jour de la Saint-Jean-Baptiste de juin.
Ils promettent également de ne pas cuire et vendre le pain de personnes étrangères, mais uniquement leur propre pain (357).
Ce document est également un témoignage intéressant de la diversification des activités professionnelles dun notable de Perpignan. Nous savons que Guillem Barrau était alors un homme fortuné, puisquon le voit exerçer à deux reprise la fonction prestigieuse de consul de Perpignan en 1280 et en 1284 (358).
Il fait partie des trois fabriciens (obrers) chargés dadministrer le patrimoine de léglise Saint-Jacques de Perpignan en décembre 1283 (359).
La fortune de Guillem Barrau en faisait donc un partenaire économique solvable et influent. À mon sens, au delà de simples considérations économiques, la concession de loffice lucratif de boulanger à lun des citoyens les plus en vue de Perpignan peut être interprétée comme la manifestation dune stratégie clientéliste menée par les templiers dans le but de se ménager des appuis dans les sphères dirigeantes de la communauté.
Nous trouvons dautres exemple de la façon dont les templiers tiraient profit de leur monopole sur les fours de la capitale du comté de Roussillon en concédant à des citoyens aisés le droit de posséder un four à pain et de commercialiser leur production.
Lun deux nous apprend lexistence dune boulangerie chargée de lapprovisionnement de la cour du roi de Majorque. Le 4 janvier 1282, Joanna et son mari Bernat Geroard reconnaissent à frère Pere de Camprodon, commandeur de la maison du Temple de Perpignan, quils ont un four à pain dans leur maison de Perpignan.
Ils précisent tenir celui-ci pour les besoins du roi et de son entourage et avoir la faculté dy cuire leur propre pain et de le vendre. Pour le droit de fournage dû au Temple en raison de son monopole sur les fours de Perpignan, ils promettent de payer 15 sous de monnaie couronnée de Barcelone chaque année, le jour de la Pentecôte, aussi longtemps quils exerceront cet office. Ils promettent également de ne cuire dans ce four le pain daucune personne étrangère, mais uniquement leur propre pain et celui du roi et de ses familiers (360).
Un contrat rédigé une génération plus tard nous apprend dans quelles conditions les boulangers pouvaient acheter à titre viager aux templiers le droit de disposer et dutiliser des fours pour leur commerce.
Le 22 janvier 1305, frère Ramon de Saguàrdia, commandeur du Masdéu, autorise Joan Esteve et son épouse Guillema à construire un ou plusieurs fours dans leur maison située à Perpignan, pour en user leur vie durant.
Ils pourront y cuire leur propre pain, que celui-ci soit destiné à la vente ou à leur consommation personnelle. Ils ne pourront toutefois accepter le blé et cuire le pain dautres personnes, ni percevoir aucun droit de fournage.
Par contre, conformément à la coutume, ils pourront cuire dans leur four les mets à base de fromages, ainsi que les crèpes, les terrines et les autres préparations culinaires qui sont exemptes du droit de fournage dans les fours du Temple à Perpignan.
Les religieux se réservent le droit de détruire le ou les fours après la mort des tenanciers, ainsi que celui de saisir ces fours si ces derniers enfreignent les clauses de ce contrat ou nacquittent pas le cens, dont le montant annuel est fixé à 150 sous de monnaie barcelonaise (361).
Le contrôle des fours de Perpignan constituait donc une importante source de revenu pour les templiers. Le capbreu de 1264 nous apporte de précieuses indications à ce sujet. On y apprend quà cette date il y avait cinq fours dans lagglomération de Perpignan.
Les trois fours situés dans lenceinte de la vieille ville étaient exploités en faire-valoir direct et donnaient le pain à la maison de Perpignan. Les deux autres fours se trouvaient dans les nouveaux quartiers en cours daménagement dans les faubourgs de la ville.
Le four du quartier Saint-François (aujourdhui Saint-Matthieu) rapportait chaque année 700 sous de monnaie melgorienne et celui établi dans le quartier du Puig Saint-Jacques, 500 sous.
Il sagit à chaque fois de revenus nets, puisquil est précisé que les frais ont été décomptés, mis à part, toutefois, le coût de lavoine de la bête qui y transporte le bois (362).
Le fait que les revenus des deux derniers fours soient exprimés en valeur numéraire et non en pains implique que ceux-ci étaient alors affermés.
Il ne subsiste malheureusement aucun bail permettant de savoir dans quelles conditions les templiers avaient cédé lexploitation des fours situés dans la villeneuve hors de lenceinte du XIIe siècle.
On trouve par contre dans le cartulaire la copie dun contrat qui nous informe sur la façon dont ils procédaient pour assurer lentretien des fours situés intra muros dont ils conservaient la gestion directe.
Le 11 mars 1277, frère Pere de Camprodon, commandeur de la maison du Temple de Perpignan, du consentement de frère Bernat Malol, procureur des fours de la ville de Perpignan, donne à acapte à Cecília, veuve de Joan dEus, fournier, habitant de Perpignan, et à leur fille Berenguera, tout le droit de nettoyage des fours situés à lintérieur des murs de la ville de Perpignan, à condition quelles leur soient loyales et fidèles et quelles acquittent 15 sous de monnaie couronnée de Barcelone de cens annuel, moitié le jour de la Saint Jean-Baptiste et moitié le jour de Noël.
Les deux femmes devront toujours veiller à apporter dans les cavités de ces fours leau nécessaire à leur écouvillonnage.
Elles devront également vérifier chaque soir auprès de toutes les boulangères que les pains soient bien pétris. En contrepartie, elles percevront sur ces fours ce qui est dû pour le droit de nettoyage. Pour cette concession, frère Pere de Camprodon a reçu 6 sous et 3 deniers de monnaie couronnée de Barcelone (363).
La commanderie urbaine de Perpignan était alors devenue une place stratégique de première importance pour lordre du Temple. Deux ou trois frères, assistaient son commandeur dans la gestion du patrimoine de la Milice.
Un indice de cette répartition du travail nous est livré dans cet acte, Bernat Malol étant qualifié de procuratoris omnium furnorum ville Perpiniani
Cela signifie que cest lui qui avait alors en charge ladministration des fours de la ville. Cette qualification de circonstance napparaît dans aucun autre document conservé.
La préservation des importantes prérogatives économiques liées à la seigneurie banale des fours et des mesures de Perpignan constituait un axe prioritaire de la politique urbaine des templiers.
Ce fait apparaît très clairement dans la sauvegarde qui leur est accordée par Jaume Ier le 7 août 1255. En récompense des nombreux services rendus, le roi dAragon prend sous sa sauvegarde personnelle la maison du Masdéu, avec toutes les maisons qui lui sont assujetties en Roussillon, ainsi que tous les frères, serviteurs et mercenaires (ce dernier terme devant être compris ici avec lacception de main doeuvre domestique salariée) qui sy trouvent.
De façon significative, le Conquérant précise ensuite que son guidaticum sapplique tout particulièrement à la maison du Temple de Perpignan avec les fours, les mesures et tous les autres droit que les templiers possèdent dans cette ville (364).
Le montant de lamende encourrue par les contrevenants est fixé à la somme exorbitante de 500 morabatins ! (365)
Le contrôle de nombreux moulins, ainsi que des fours et des mesures de Perpignan était source de revenus conséquents quil importait de préserver et, si possible, de faire fructifier.
Les templiers avaient donc intérêt à mettre en oeuvre tous les moyens à leur disposition pour favoriser le développement économique et la croissance démographique de Perpignan.
Le commerce des légumes et de la viande
Grâce à leur forte implantation foncière, les templiers disposaient demplacements particulièrement bien situés à proximité des principaux lieux de commerce de la ville quils sefforcaient de rentabiliser au mieux.
Le 30 mai 1237, frère Pere de Malon, commandeur du Masdéu, débourse 300 sous de monnaie melgorienne afin dacheter à Nunó Sanç un portique situé devant le mas et les maisons du Temple, lesquels appartenaient autrefois à Ramon de Malloles (366).
Le seigneur des comtés de Roussillon et de Cerdagne autorise alors les templiers à remplacer les fourches de bois par des piliers en maçonnerie de pierres et de chaux, et à y construire des arches de pierres afin de permettre lédification détages supérieurs sappuyant sur leurs maisons. Le recours à des matériaux de construction plus solides afin daggrandir verticalement les habitations en les dotant détages est une manifestation particulièrement significative des transformations qui sopèrent dans le paysage urbain de Perpignan au début du deuxième tiers du XIIIe siècle.
Ces aménagements urbains témoignent de la nécessité doffrir de nouveaux logements afin dabsorber une population en pleine croissance. Ils expriment une situation dengorgement de lespace imputable à un état de saturation démographique à lintérieur des murs édifiés deux ou trois générations auparavant (367).
Le nouveau portique édifié par les templiers se situait près de la place de la Caulaceria, marché où lon vendait les produits de lhorticulture : choux, oignons et poireaux notamment.
Cet emplacement urbain spécifiquement destiné au commerce des légumes est évoqué dans un autre document particulièrement intéressant relatant les difficultés dévacuation des eaux pluviales dans la vieille ville en raison de son encombrement.
Il sagit dune sentence arbitrale prononcée au mois de décembre 1252 par le juge ordinaire de Perpignan, Arnau de Tegurs, suite à une plainte déposée par frère Pedro Jimenez, commandeur du Masdéu, en raison de dommages causés aux possessions du Temple et au « bien public » par une inondation dont les eaux avaient dévalé une rue de la ville avant datteindre la place aux blés - plateam que vulgo Bladeria dicitur - et le marché à viandes (368).
Pour résoudre ce problème, le juge ordonne que lon érige une levée de terre afin de dévier leau de ruissellement dans la rue située devant les boutiques de Ponç dAlenya, avant le marché aux fruits - Fruturia-, vers la Caulaceria, de façon à ce que leau ne puisse sécouler en direction de la place aux blés quen cas dinondation excessive369. On voit que cette partie névralgique de la ville marchande du XIIe siècle concentrait les différents marchés spécialisés : blé, viande, légumes et fruits désignés par autant de toponymes évocateurs : Bladeria, Masell, Caulaceria et Fruturia.
Les templiers se sont également vivement intéressés au commerce de la viande de boucherie, dont lexpansion accompagne la croissance démographique de la ville. Comme pour le blé, lhuile et les légumes, ils disposent demplacements commerciaux et de privilèges leur permettant de tirer profit de ce marché en pleine expansion.
Le 21 avril 1270, le commandeur du Masdéu donne à acapte à Bernat de Camprodon, Bernat dAvalrí et au boucher Pere Cerdà une cabane située près de la place où se vendait le blé, pour quils y fassent un ou plusieurs étals. Comme cela a été constaté pour les autres concessions demplacements commerciaux, le montant du cens annuel est particulièrement élevé, il est fixé à 8 masmudines dor, tandis que le droit dentrée empoché par les religieux à la signature du contrat est de 25 sous de monnaie couronnée de Barcelone (370).
Fait intéressant, nous retrouvons les trois associés mentionnés quatorze ans plus tard dans un règlement municipal relatif à lusage de la vente de la viande.
Le 26 avril 1284, Pere Adalbert, batlle de Perpignan, du consentement des consuls des bouchers de cette ville, statue que dorénavant aucun boucher ne pourra vendre de viandes de bêtes mortes accidentellement au marché à viandes de Perpignan, hormis sur les trois étaux qui leurs sont spécialement assignés.
Il est précisé que lune de ces tables avait été prise à acapte de la maison du Temple par le défunt Bernat de Camprodon, Cerdà, éleveur de porcs, et Avalrí, pelletier, tandis quune autre était alors tenue pour le monastère de Fontfroide par le notaire du roi de Majorque, Pere de Caldes (371).
Le règlement interdit aux bouchers de débiter ces viandes avant que celles-ci naient été contrôlées par les trois experts désignés, sous peine dune amende de 10 sous de monnaie barcelonaise (372).
On voit par là que les templiers et les cisterciens avaient investi dans le marché perpignanais de la viande. La possession de droits et de locaux commerciaux leur permettait dêtre en prise directe avec les métiers gravitant autour de cette activité : éleveurs, bouchers et pelletiers. Cette implantation foncière devait leur servir à infiltrer les réseaux professionnels et à influencer, voire à contrôler un marché qui les intéressait au premier chef en tant quéleveurs.
Lintérêt tout particulier que les frères du Temple portent au commerce de la viande les amène à saisir toutes les occasions pour renforcer leur mainmise foncière sur le macellum de Perpignan où ils détiennent plusieurs emplacements commerciaux.
Comme ils lavaient fait en 1293 pour la construction de la halle au blé, les templiers sassocient en 1302 avec le roi de Majorque pour racheter les droits que le défunt Bernat de Camprodon détenait sur deux étals et leurs boutiques situés dans la halle à viande.
Le 7 mars, avec laccord des procureurs du roi,
Pere de Bordoll et Arnau Vola, frère Jaume dOllers est ainsi amené à renouveller les baux de deux bouchers perpignanais qui tenaient ces commerces afin de tenir compte de ces modifications : Bernat Pradell devra désormais payer 38 sous de monnaie barcelonaise aux templiers et 12 deniers au roi, tandis que son collègue Pere Fillastre devra 16 sous et 6 deniers aux templiers et 5 sous au roi (373).
Lartisanat
Lacquisition précoce de droits économiques et dimportants biens fonciers peut être considérée comme lune des clés du succès de limplantation des templiers à Perpignan. En effet, les deux derniers tiers du XIIe siècle coïncident avec une phase de croissance économique dont témoigne la multiplication dans la documentation des mentions douvroirs ou détals de marché (374).
Dès 1134, le bail à acapte dun mas situé le long de la voie publique allant de léglise Saint-Jean au marché précise que celui-ci était délimité à louest par trois ouvroirs, dont lun tenu par un dénommé Gombau de Béziers (375).
Le nom de ce tenancier peut être interprété comme un indice du développement des échanges commerciaux avec les cités et bourgs marchands de Languedoc ou de Catalogne. Outre Gombau de Béziers, on rencontre en effet parmi les habitants de Perpignan de lépoque plusieurs individus dont les surnoms dessinent les contours dune géographie régionale des échanges commerciaux : Joan de Montpellier, Arnau de Narbonne, Guillem de Vic, Pere dUrgell, dans les années 1140, puis Pere de Gaillac, Esteve de Cahors, Guillem dAlbi, Guillem de Carcassone ou Guillem dEspéraza au cours des décennies suivantes (376).
Ces données témoignent de lactivation de deux importantes voies de communication terrestre reliant le Roussillon au Languedoc. Nous savons quune nouvelle via mercaderia reliant Narbonne au Roussillon a été aménagée au milieu du XIIe siècle sur lordre de la vicomtesse Ermengarde de Narbonne (377).
Ce tronçon devait rejoindre lantique via Domitia avant de franchir le seuil des Corbières au détroit du Malpas et pénétrer dans la plaine du Roussillon. Ce verrou stratégique était surveillé depuis le Bas-Empire par lancien castrum de Salses, dont ne substistent aujourdhui que quelques ruines. Ce poste fortifié était tenu en fief pour les comtes-rois.
La seconde route reliait la plaine du Roussillon à la Haute Vallée de lAude par la vallée de lAgly et lancienne voie romaine passant par le col de Saint-Louis, au-dessus de Caudiès-de-Fenouillèdes. Dautres indices témoignent de lessor des échanges commerciaux avec la Catalogne par la grande voie franchissant les Pyrénées au col du Perthus (378).
Certains surnoms de notables perpignanais évoquent des métiers alors exercés dans la ville : pelicer (peaussier), mercer (mercier), boquer (boucher), textor (tisserand), sabater (savetier), fabre (forgeron).
Par ailleurs, la documention des années 1130-1200 indique que le commerce perpignanais était alors essentiellement spécialisé dans la mercerie et dans le travail du cuir.
La mercerie apparaît comme lune des toutes premières activité documentée dans la capitale du comté de Roussillon où elle a peut-être été colportée et introduite par des occitans (379).
Les mentions de corroyeurs, mégissiers et de peaussiers témoignent de lexpansion des métiers du cuir au cours de la seconde moitié du XIIe siècle. Cette expansion a sans doute incité les templiers et les cisterciens à spéculer sur lélevage partir des années 1170.
En simposant comme fournisseurs de matière première, les deux ordres religieux pouvaientespérer tirer profit dun marché en pleine expansion. À cette époque, le dynamisme économique de la capitale du comté de Roussillon se traduit matériellement par un encombrement de lespace sur le marché. Le 28 novembre 1174, Alfons II promet aux habitants de Perpignan de ne plus édifier, ni autoriser quiconque, homme ou femme, à édifier des mas, ouvroirs et étals sur le marché de Perpignan.
Le roi envisageait alors dinstituer une nouvelle foire dans la capitale du Roussillon, une clause lui réservant dans ce cas le droit détablir des étals ou des bancs, mais uniquement pour la durée de la foire et à condition de ne pas porter préjudice aux établissements pérennes (380).
Au cours du premier tiers du XIIIe siècle, période marquée par de graves troubles politiques source de désordre social, lactivité économique de la ville semble avoir marqué le pas. La prospérité semble revenir après la conquête des royaumes de Majorque et de Valence, quand Jaume Ier réussit progressivement à rétablir lordre à lintérieur des comtés catalans.
Cest le moment que les templiers choisissent pour investir dans le travail du cuir en faisant édifier une mégisserie sur les terres quils possédaient à louest de la ville, entre la porte de Malloles et la tenure des frères Mineurs (381).
Au printemps 1241, les commandeurs du Masdéu et de Perpignan donnent à acapte à trois mégissiers, Joan Vel, Pere Godal et Guillem de Vilallonga, et à deux peaussiers, Joan Villavedre et Bernat Cerdà, des terrains situés à proximité de la blanqueria Templi, afin que ceux-ci y édifient leur maison (382).
Ce fait laisse supposer que cette tannerie venait tout juste dêtre achevée. Laffaire semble avoir bien prospéré puisquentre 1246 et 1271 plusieurs autres artisans du cuir sont venus sétablir dans le lotissement du Temple (383).
On ignore malheureusement comment les templiers faisaient valoir leur mégisserie. Il semble en tout cas quils en conservèrent la gestion directe jusquà lextrême fin du siècle, quand ils décidèrent de fractionner létablissement afin den concéder lusufruit à des corroyeurs. Les archives du Masdéu conservent deux baux datés du 23 avril 1299, par lesquels frère Jaume dOllers, commandeur de la maison du Temple de Perpignan, donne à acapte à deux corroyeurs de Perpignan, Bernat Escarbot et Guillem dAguilar, deux parts de la mégisserie du Temple, moyennant le paiement dun cens annuel dont le montant est fixé à 23 sous de monnaie couronnée de Barcelone pour le premier, et à 25 sous pour le second. On apprend à cette occasion que la mégisserie était établie le long dun canal (384).
Au milieu du XIIIe siècle, Perpignan devient un important centre de commerce de draps de luxe importés de Flandres et dArtois avant dêtre redistribués vers les cités la Catalogne.
Les protocoles notariés nous enseignent que les affaires se négociaient le plus souvent à loccasion des foires de Perpignan, notamment durant celle de la Saint Barthélémy qui se tenait pendant la dernière semaine du mois daoût. Des marchands languedociens, notamment ceux de Saint-Antonin, mais aussi des artésiens, tels que les frères Hukedieu dArras, viennent y vendre les tissus flamands. Des négociants perpignanais investissent dans ce commerce et étendent même leur négoce aux grandes foires de Lagny en Champagne (385).
Perpignan connaît un développement particulièrement important de lartisanat textile à partir du dernier tiers du XIIIe siècle (386).
En bons spéculateurs, les templiers ont également cherché à tirer profit de cette activité florissante. Cest ainsi quau mois de mars 1272 le commandeur du Masdéu loue un ouvroir au pareur perpignanais Berenguer Cocorell, lun de ces professionnels de lapprêt des draps dont le travail de finission devait assurer la renommée internationale de la draperie perpignanaise au siècle suivant (387).
Pour les templiers, la location de cet ouvroir constituait une opération financière particulièrement fructueuse puisque, outre le droit dentrée fixé à 62 sous et 6 deniers de monnaie couronnée de Barcelone, soit un marc dargent, le pareur était tenu de leur payer un cens annuel de 11 sous et 3 deniers desterlins dargent, soit 56 sous et 3 deniers de monnaie barcelonaise (388).
Malheureusement pour eux, une nouvelle réglementation de sa profession contraint le pareur à leur restituer cet ouvroir quelques années plus tard. Dans lacte de restitution daté du 20 juillet 1281, Berenguer Cocorell explique en effet quil avait fait lacquisition de cet ouvroir afin dy exercer son travail de pareur, mais que cela lui est désormais impossible car le roi de Majorque lui a interdit, ainsi quà ses confrères, dexercer son métier en dehors du lieu spécialement désigné à cet effet (389).
Cest donc à cette date que remonte la création de la premiere parairia, rue regroupant lensemble des pareurs de Perpignan (390).
On apprend également à cette occasion que louvroir rétrocédé se situait dans la Pelliparia, autrement dit dans la rue ou place des pelletiers de la ville de Perpignan (391).
Nous avons donc là les premiers indices dun processus de restructuration socio-topographique de la ville.
Il est vrai que le regroupement des artisans exerçant un même métier dans une même rue et le développement concomitant de pratiques corporatistes sont des phénomènes caractéristiques de lhistoire urbaine des deux derniers siècles du Moyen-Âge.
Lacte de restitution de louvroir tenu par Berenguer Cocorell précise enfin que celui-ci était constitué dun simple rez-de-chaussée avec sa couverture, tout comme celui de son voisin Pere Carles (392).
Il se trouve que cest précisément à ce dernier que les commandeurs du Masdéu et de Perpignan concèdent léchoppe au printemps suivant. Le bail à acapte, daté du 23 mars 1282, précise quils lui cèdent celle-ci avec lépaisseur des piliers sur lesquels sappuie létage situé au-dessus, qui appartient déjà à Pere Carles.
Les dimensions de louvroir sont cette fois précisées : celui-ci faisait 38 palmes de long, 13 palmes de large et 15 palmes � de haut, à la canne de Perpignan (393).
Le cens exigé à cette occasion du nouveau locataire des lieux est identique à celui que versait le précédent : les templiers nont donc pas profité du changement de bail pour augmenter leurs tarifs (394).
Lacte ne contient par contre aucune indication nous permettant de savoir quel métier exerçait Pere Carles, mais le fait que ses ouvroirs se situaient dans la Pelliparia font supposer que sa profession avait un rapport avec le travail des peaux.
À proximité de leur mégisserie les templiers avaient également installé une tuilerie dont ils avaient concédé lexploitation à un professionnel. Au mois de janvier 1253, frère Ramon de Vilanova, commandeur de la maison du Temple de Perpignan, donne à acapte à Ramon Joan de Calces et à Arnaua, son épouse, un four situé à Perpignan, en dehors de la Porte de Malloles.
La particularité de ce four nous est connue par la nature de la redevance exigée des tenanciers : 1250 tuiles bien cuites ou 31 sous et 3 deniers de monnaie barcelonaise de cens annuel (395).
Cette concession illustre parfaitement le dynamisme entrepreneurial des responsables templiers qui cherchaient alors à rentabiliser au mieux lopération de lotissement de leur seigneurie à Perpignan initiée, comme nous aurons loccasion de le voir, dix ans auparavant. Chargés de faire fructifier les ressources patrimoniales dont ils avaient la charge, les dirigeants templiers ont donc poussé la logique planificatrice jusquà établir un atelier de production de tuiles à proximité immédiate dun quartier en cours dédification.
De leur point de vue, cette initiative présentait au moins deux grands avantages : dune part elle leur permettait de contrôler une partie de lapprovisionnement en matériaux de construction, et dautre part elle facilitait laccès à ce marché à la nouvelle clientèle demphytéotes venue peupler la prospère capitale du comté de Roussillon dans lespoir dy faire fortune.
5-Notes-Templiers-Perpignan
294. — Aymat CATAFAU, Les celleres et la naissance du village en Roussillon (X*-XV siècles), Perpignan, 1998, p. 477.
295. — Marca Hispanica, app. CXCIX. Pierre PONSICH, « Saint-Jean-le-Vieux de Perpignan », Congrès archéologique de France, CXIIe session tenue dans le Roussillon en 1954 par la Société Française darchéologie, Paris, Orléans, 1955, p.31-50. Les fouilles archéologiques menées dans le sanctuaire roman ont permis la mise au jour des substructions de deux édifices antérieurs que leur chevet quadrangulaire permet de dater des IXe et Xe siècles, voir Rémi MARICHAL, « Sondage préliminaire à létude archéologique du sous-sol de léglise Saint-Jean-le-Vieux à Perpignan », dans Études Roussillonnaises offertes à Pierre Ponsich.Perpignan, 1987, p. 239-243.
296— Le 15 septembre 1102, le comte Guilabert II, sa femme Estefania et leur fils Girard donnent à léglise Saint-Jean de Perpignan la dîme, les prémices, alleux et oublies de cette paroisse, afin dy entretenir, sous lautorité de lévêque dElne, une communauté de chanoines, Marca Hispanica, app. CCCXXXI.
297. — La première résidence comtale se situait à proximité de léglise Saint-Jean-Baptiste et aurait été édifiée au XIe siècle, voir Pierre PONSICH, « Le mystère du palais comtal de Perpignan », BSASL, vol. XCI (1983), p. 9-31. Ce bâtiment nest documenté que tardivement. En 1151, le comte Gaufred III et son fils Girard partagent un mas, avec ses dépendances (un étal et une vigne), laissé vacant par la mort de son précédent usufruitier afin de le concéder par moitié à de nouveaux tenanciers. Il est précisé que ce mas est délimité au nord par le cimetière et lancienne résidence comtale, à lest par les nouvelles douves, au sud par dautres mas et à louest par la voie publique : « (...) affrontat ab aquilone in cimiterio et in sala vetula a nobis donatores, de oriente in tovis novos, de meridie in mansos Petro de Clairano, de occidente in via publica », ADPO, 2Hdtp3. On peut donc en déduire quil existait alors une sala nova, sans doute édifiée à proximité de la précédente. Cest vraisemblablement dans ce second édifice que le roi Alfons II résidait lors de ses séjours dans la capitale du Roussillon. Nous savons en tout cas quil tenait ses audiences dans la chapelle attenante à son palais de Perpignan comme latteste ce passage extrait de leschatocole dun acte du 8 décembre 1194 : « Anno ab Incarnatione Domini MCXIIII° , die VIII mense decembris, Gombaldus de Ribellis personaliter constitutus et positis ante presentiam Ildefonsi domini regis Aragonis et comitis Barchinone in capella sui palatii oppide Perpiniani, coram infrascriptis testibus (...) », ACA, Real Cancillería, Perg. 699 dAlfonso II.
298. — « Affrontat namque predicta terra et locus de parte altano in muro cellarie ubi est sita ecclesia Sancti Johannis, a parte circio afrontat in manso Remundi Seniofredi qui fuit condam, a meridie afrontat in via que pergit ad ecclesiam Sancti Johannis, ab aquilone afrontat in flumen que vocatur Ted », ADPO, 2Hdtp3.
299. — En 1176, une femme donne à lhôpital des pauvres de Saint-Jean de Perpignan un mas attenant à cet établissement, à deux mas du chapitre canonial et au mur de la ville : « Affrontat autem predictus mansus ab oriente in manso canonice et in via publica, a meridie in manso hospitalis, ab occidente in alio manso canonice, ab aquilone in muris ville Perpiniani », ADPO, 2Hdtp, plech 34, n° 13.
300. — Le 21 mai 1128, Guillem de Salses engage au comte Gaufred III le tiers des leudes de Perpignan, quil précise avoir reçu de lui : « quem ego acaptavi de te », soit la part que Gombau de Malloles tient pour Bernat dOrle. En contrepartie, Gaufred III lui remet 11 onces dor, un mas et 4000 sous de monnaie melgorienne. Une clause prévoit que si la valeur de cette monnaie se détériorait, le débiteur devrait restituer sept livres dargent pur au poids de Perpignan, voir Francisco MIQUEL ROSSELL, Liber Feudorum Major, vol. II, n° 764.
301. — « (...) unam tabulam intus merchatale, ante mazello », ADPO, 2Hdtp3. En 1171, un dénommé Pere Sabater, propriétaire dun mas, est qualifié de sagnator, terme rarement usité que lon suppose être synonyme de macellarius ou de carnifex, ADPO, 2Hdtp, plech 34, n° 5.
302. — Il sagit probablement du même personnage que celui qui, le 19 septembre 1119, souscrit aux côtés de deux bourgeois de Perpignan le testament de Bernat Guillem en faveur du monastère languedocien de Saint-Pons de Thomières et de son prieuré roussillonnais de Saint-Assiscle. Situé à proximité immédiate de Perpignan, ce prieuré a depuis donné son nom à un quartier de la ville, ADPO H200.
303. — Il est le seul templier à souscrire lacte et il arbore à cette occasion le titre de « fratris societatis Templi Salomonis », Marquis André dALBON, Cartulaire général de Iordre du Temple, (1119 ?- 1150), Paris, 1913, acte n° XXXIII ; Josep Maria SANS i TRAVÉ, Els Templers catalans..., p. 74-76.
304. — Actes n° 9 (il agit seul), 10 (il agit aux côtés dHugues Rigaud et de Bernat de Peralada), 17 (il est assisté dArnau de Contrast). Il est encore mentionné au mois de mai 1141 en compagnie de trois autres responsables Pere de Rovira, Hugues de Bessan et Bernat de Fenouillet, acte n° 23. Pour son activité dans le cadre de la formation de la maison de Douzens, entre Carcassonne et Lézignan, voir Pierre GERARD et Élisabeth MAGNOU (éd.), Cartulaires des Templiers de Douzens, cartulaire A, n° 4 (1134-1139 : il agit seul en présence de son propre chapelain) et n° 21 (aux côtés de Hugues Rigaud le 28 janvier 1135) ; et cartulaire C, n° 7 (aux côtés de Hugues Rigaud entre le 25 mars 1133 et le 24 mars 1134).
305. — Berenguer de Guardia était un chevalier roussillonnais qui tenait un fief à Torreilles. On a vu quen 1136 il avait donné au Temple un rente sur les salines quil possédait dans le territoire de cette importante localité de la Salanque, voir lacte n° 13. Il exerça la fonction de viguier des comtes de Roussillon de mai 1139 à novembre 1174, voir Rodrigue TRÉTON, Sel et salines..., p. 39-41.
306. — Actes n° 10, 11, 20, 23, 49, 50, 58. La documentation ne fournit aucune précision quant à la nature des activités exercées par ces personnages qui souscrivent également dans lentourage des comtes de Roussillon. Il sagissait sans aucun doute de négociants fortunés et influents. Ramon Esteve et Bernat de Rennes figurent parmi les hommes désignés par le comte Gaufred III pour régler le conflit qui lopposait à Bernat de Montesquieu à propos du fief de Palau en octobre 1140, Francisco MIQUEL ROSSELL, Liber Feudorum Maior, vol. II, n° 733. Bernat de Rennes était vraisemblablement originaire de lancienne capitale du comté de Razès dont le déclin est déjà bien avancé dans la première moitié du XIIe siècle.
307. — Actes n° 34, 45, 50, 58 et 86.
308. — Acte n° 23.
309. — Acte n° 34.
310. — Acte n° 35. Les confronts indiqués dans lacte nous apprennent en effet que ce moulin était situé entre celui du Temple, au nord, et celui de Pere Vicenç, au sud. Ils évoquent dautre part les parties fontionnelles du moulins : le canal damenée (cabedago), à louest et par conséquent en amont, et le canal de fuite (exaguador), à lest. On rencontre le même vocabulaire en Languedoc dans les moulins exploités par les templiers de Douzens, voir Laurent MACÉ, « Lutilisation des ressources hydrauliques par les templiers de la commanderie de Douzens (Aude) », Archéologie du Midi Médiéval, t. 12, 1994, p. 99-113. Pour une étude détaillée de la mise en valeur des ressources hydrauliques du Roussillon à lépoque médiévale voir Sylvie CAUCANAS, Moulins et irrigation en Roussillon du IXe au XVe siècle, Lonrai, 1995.
311. Ramon était le seigneur éponyme du village de Castell Rosselló (Château-Roussillon), dont le nom perpétue le souvenir de lantique cité de Ruscino, implantée sur le bord de la terrasse dominant la Têt, à deux kilomètres en aval de Perpignan. Pour un récent compte-rendu des fouilles archéologiques de cet oppidum dorigine néolitique voir Rémi MARICHAL et Isabelle RÉBÉ (dir.), Les origines de Ruscino (Château-Roussillon, Perpignan Pyrénées-Orientales) du Néolitique au Premier Âge du Fer, coll. Monographies dArchéologie Méditerranéenne, 16, Lattes, 2003.
312. Acte n° 44. Lanille ou nadilla désigne une petite pièce de métal ou de bois dur en forme de X ou de queue daronde. Encastré à la base de la meule courante, cet élément primordial du mécanisme de fonctionnement du moulin permet deffectuer la liaison entre larbre vertical et les meules. Sans lanille, le moulin cesse de tourner, voir Paul CAYLA, Dictionnaire des institutions, des coutumes et de la langue en usage dans quelques pays de
Languedoc, Montpellier, 1964, p. 496.
313. — Acte n° II.
314. — Acte n° 1068.
315. — Acte n° LXX.
316. — Lacte de vente de Ramon Arnau na pas été retrouvé.
317. — Acte n° 321.
318. — Acte n° 602.
319. — Pere Pauc appartenait à une richissime famille de la bourgeoisie perpignanaise qui détenait déjà des biens patrimoniaux dans la paroisse Saint-Jean dans la première moitié du XIIe siècle, voir Bernard ALART, « Cartulaire roussillonnai s», Semaine religieuse du diocèse de Perpignan,1885, acte n° CXL, p. 560.
320. — Acte n° 669.
321. — Les moulins de la Tour se situaient dans la paroisse de Sainte-Marie de Malloles, voir lacte n° 887. Au début du XIVe siècle, ces moulins appartenaient à un familier des rois de Majorque, Ramon Roig, fils du juriste Pere Roig de Camprodon. Leur force motrice était alors utilisée pour le foulage des draps : « (...) molendina tua draperia vocata de Turri », ADPO, 1B226, fol. 159-160.
322. — Acte n° 854.
323. — Au XIVe siècle, les documents roussillonnais indiquent que le droit de mouture variait selon les lieux du un seizième au un dix-neuvième. Une ordonnance de 1398 fixe ce droit à deux pugnères par hémine, soit un seizième « axi com entigament e en temps passat es ascotumat ». Pour un panorama complet de la question de la banalité des moulins en Roussillon voir Sylvie CAUCANAS, Moulins et irrigation en Roussillon du IXe au XVe siècle, Lonrai, 1995, p. 101-115.
324. — « Adhuc etiam amplius, cum hac eadem pagina, damus, laudamus firmiterque concedimus prelibato Hospitali et tibi prenominato procuratori et prenominatis fratribus dicti Hospitalis ad vestram voluntatem et dicti Hospitalis omni tempore faciendam, ut omnes homines, illi scilicet qui pro nobis habent et tenent hortos in tota grava Perpiniani, teneantur vobiscum suum bladum molere in prefixis molendinis que vobis et supradicto Hospitali superius dedimus, sicut nobis et nostris tenebantur ; ita tamen quod bene et fideliter suum bladum eis ibi molatis, et orti prenominati hominum predictorum accipiant aquam ad rigandum sibi, prout debent vel solent libere et quiete, sine omni alio servitio et usatico, nisi tantum modo consueto. Verum tamen si prenominati homines qui pro nobis habent vel tenent hortos in prenominata grava Perpiniani nolent molere suum bladum in
prenominatis molendinis que vobis et prescripto Hospitali superius dedimus, prohibeatis eis aquam ad rigandum accipere et illam ad hortos ducere », ADPO, Hp200.
325. — « Item habet in villa Perpiniani V molendina qui sunt domus milicie Templi, qui valent de reddito singulis annis, computato uno anno cum alio, L eminas et dimidiam de frumento et XLV eminas de ordeo », acte n° XXIX.
326. — « Item valet laboracio domus Perpiniani unus annus cum alio C eminas ordei et XXXa et V eminas de frumento. »
327. — Actes n° 21, 81, 125, 131, 174, 177, 182, 499, 562, XXIX.
328. — Acte n° 483. Sur les moulins-drapiers dArrapessac à Douzens voir Laurent MACÉ, « Lutilisation des ressources hydrauliques...», p. 103-104.
329. — Arnau de Saint-Cyprien, administrateur des biens de la milice du Temple en Roussillon : 1148-1155. Pere de Rovira, maître de la milice du Temple en Provence et Espagne : 1140-1158.
330. — Acte n° 317.
331. — Acte n° 549.
332. — « Relinquo etiam eis ipsas eiminas de Perpiniano », acte n° 86.
333. — Acte n° 186.
334. — Acte n° III.
335. — « Item, quilibet Perpiniani potest habere et tenere mensuram suam rectam et pensum, tam bladi quam vini quam olei et alterius rei, et cum illa vendere et emere in domo sua et ubique, preter quam in foro ubi bladum et oleum consuevit vendi, excepto quod non potest habere quintale, quod est domini ville », Joseph MASSOTREYNIER, Les coutumes..., p. 18-19.
336. — Antoni M. ALCOVER et Francesc de Borja MOLL, Diccionari catlà-valencià-balear..., s. v. Torna : « All� que safegeix perquè acabi de fer el pes una mercaderia quan la porció que se nhavia pesat no arriba al pes que el comprador demana. » Cette interprétation est confirmée par larticle suivant extrait des privilèges accordés par le roi Sanç à la ville de Collioure en 1311 : « Item, eisdem concedimus ut possint rehabere mensuram salis pristinam et antiquam, ita tamen quod dictam debeant augere mensuram et ampliare, taliter quod non oporteat eam acumulare aut ultra mensura dare augmentum sive tornes, sed quod totus cumulus sives tornes contineatur et includatur infra rasam mensuram predictam », ADPO, 44EDT3, fol. 58v-59.
337. — Acte n° LXX.
338. — Livre vert mineur, vol. I, AMP, AA3, fol. 26v.
339. — Acte n° XXIX.
340. — Les « murs de la ville » sont régulièrement mentionnés à partir de 1168, ADPO, 2Hdtp3. Le 17 mars 1176, Alfons II ordonne que tous les habitants de Perpignan contribuent à leur édification : « Preterea volo et mando ut omnes habitantes in villa Perpiniani mittant ad muros faciendos et ad valla, et nullus privilegio aliquo excusetur; nec aliquis eorum qui cogeret aliquem, etiam violenter dicto vel facto, ad missionem murorum vel vallum, aliquo modo aliquam penam mereatur », AMP, AA3, fol. 19v, 14v-15v.
Toutefois, il semble que la construction des remparts séternisa puisque Pere II promulgua le 19 septembre 1207 une ordonnance similaire à celle de son père, prescrivant que toute personne, de quelque condition ou profession quelle soit, ayant des possessions sur le territoire de Perpignan, contribue aux dépenses des remparts de la ville au prorata de sa richesse, AMP, AA3, fol. 13-v. Selon Antoine de Roux, il sagissait vraisemblablement dun simple talus en terre renforcé de palissades et doublé de fossé, Antoine DE ROUX, Perpignan de la place forte à la ville ouverte Xe-XXe siècles, Perpignan, 1996, p. 47. Une nouvelle enceinte fortifiée englobant les nouveaux quartiers édifiés au cours du XIIIe siècle fut entreprise vers 1278, voir lacte n° 1045. La surface circonscrite par cette muraille longue denviron 3300 mètres, environ 70 hectares, était six fois plus importante que la précédente, Id., p. 74-75.
Les remparts médiévaux et modernes de la ville de Perpignan furent détruits en 1904. Il ne subsiste de lenceinte médiévale que la partie servant de mur de soutènement au nord-est du quartier du Puig Saint-Jacques. Le tronçon préservé est constitué dune courtine denviron 400 mètres de long, rythmée à intervalle régulier par huit tours semi-circulaires. Les parties originelles, datables du XIIIe siècle, présentent un parement en galets de rivière disposés en épi (opus spicatum), voir Lucien BAYROU et Georges CASTELLVI, « Esquisse dune étude des vestiges des fortifications urbaines médiévales en Roussillon», Études Roussillonnaises offertes à Pierre Ponsich, Perpignan, 1987, p. 207-210.
341. — Acte n° 1032.
342. — Acte n° LXXII.
343. — Il figure en tête de la liste des témoins du testament du roi Jaume II rédigé au château de Perpignan le 6 février 1306, Archives nationales, P13541 , n° 804.
344. — Acte n° XLVI.
345. — A propos de la question des fours de Perpignan voir Laure VERDON, « La seigneurie templière à Perpignan au XIIIe siècle », dans La ville au Moyen Age, 2, Paris, CTHS, 1999, p. 529-536. On trouve également des réflexions intéressantes dans Bernard ALART, Privilèges et titres..., p. 288-290. Celles-ci ont été depuis reprises et commentées dans un travail fondateur sur les coutumes et la génèse des pouvoirs urbains à Perpignan : Philip DAILEADER, True Citizens - Violence, Memory and Identity in the Medieval Community of Perpignan 1162-1397, Leiden, 2000, (traduit en français par Aymat CATAFAU : De vrais citoyens. Violence, mémoire et identité dans la communauté médiévale de Perpignan 1162-1397, Canet, 2004), p. 64-65.
346. — Sur lapparition de la seigneurie banale en Catalogne voir Pierre BONNASSIE, La Catalogne au tournant de lan mil. Croissance et mutations dune société, Paris, 1990, p. 289-313.
347. — Le 14 mars 1166, Girard II avait donné aux religieux de Sainte-Marie de Fontfroide la faculté de recevoir, sur les revenus de ses fours de Perpignan, tout le pain dont ils auraient besoin pour eux et leurs serviteurs tant quils resteraient à Perpignan. Il y était prévu que les jours où il ny aurait pas de cuisson, le batlle qui tiendrait ces fours devrait leur fournir le pain nécessaire, BnF, coll. Doat, vol. 59, fol. 47-49.
348. — Acte n° 194.
349. — Acte n° 483
350. — Acte n° 300.
351. — La version définitive des coutumes de Perpignan, reprenant et amplifiant le socle originel de 1162, aurait été rédigée en janvier 1243, voir Philip DAILEADER, De vrais citoyens..., p. 52-53.
352. — Art. 37 : « Item, homines Perpiniani possunt habere lenas suas ad coquendos panes ad opus suum, non tamen venales. Item, possunt habere fornellos suos ad coquendum. Item, possunt habere duas foguasserias de lena, et duas de lari, ad vendendos panes cum voluerint », Joseph MASSOT-REYNIER, Les coutumes de Perpignan, Montpellier, 1848 (Réimpr. Marseille, 1976), p. 22.
353. Art. 38 : « Item, fornarii debent coquere bene et sadonare panes in furno, et propter hoc debent habere tantum vicesimum panem ; et si male decoquerint vel sadonaverint, debent illos emendare. Item, debent coquere panatas, et carnes, et cassoles, et bisces, et formagatas, et flaones, et huius modi talia, sine precio et sine aliqua parte.
Item, debent coquere panes flaquariis pro IIII denariis et uno tortello de fluxol eyminam, et nichil aliud debent habere pro eymina », Joseph MASSOT-REYNIER, ibidem.
354. — Acte n° 676.
355. — Nous ne partageons donc pas sur ce point lopinion de Philip Daileader qui, sabstenant curieusement de prendre en compte laspect pécuniaire de cette affaire, considère au contraire que cette transaction fut un succès partiel pour les consuls, Philip DAILEADER, De vrais citoyens..., p. 64.
356. « Octavo idus decembris, anno Domini millesimo ducentesimo LXX° quinto. Bajulus Perpiniani, de consilio et voluntate proborum hominum Perpiniani, statuit quod duo probi homines eligantur qui, jurati, per unum mensem habeant curam et sollicitudinem de omnibus panibus qui decoquentur in furnis Perpiniani, et judicio eorum discernatur de panibus qui fuerint male decocti et sadonati in dictis furnis, et de omnibus aliis que illicita fuerint comissa per furnerios vel fratres in decoquendis panibus et caseatis et panatis et flaonibus et aliis que in dictis furnis decoquentur, et in logeriis exhigendis et dandis ; et si ultra consuetudinem Perpiniani aliquid receperint vel contra in aliquo fecerint, quod bajulus Perpiniani teneatur facere emendari et restitui panes male decoctos et male sadonatos et alia omnia illicite comissa et recepta a fratribus et forneriis supradictis.
Et bajulus corrigat et faciat emendari ad noticiam dictorum proborum hominum qui pro tempore fuerint predicta.
Et quod, finito dicto menses, dicti duo probi homines qui dictum officium tenuerint eliguant alios duos probos homines qui jurent in posse bajuli et per alium mensem dictum officium teneant. Et sic per consequens continue et successive [predicta] de mense in mensem perpetuo observentur », ADPO, 112EDT24, fol. 1.
357. — Acte n° 983.
358. — Philip DAILEADER,: De vrais citoyens..., p. 238
359. — ADPO, 3E1/13, fol. 34v.
362. — Acte n° XXIX.
363. — Acte n° 895.
364. — « Specialiter autem recipimus et constituimus in hac protectione et guarda et nostro guidatico domum milicie Templi Perpiniani, et omnes furnos, mensuras et omnia alia jura que Templarii ibidem habent et habere debent.»
365. — Acte n° 540.
366. — Lacte portant lacquisition de ces biens na pas été retrouvé. Mais nous disposons dindices permettant déchafauder une hypothèse quant à la façon dont les templiers ont acquis ces possessions. Ramon de Malloles était, semble-t-il, un opulent marchand perpignanais. Il est témoin en juin 1227 dune concession du seigneur Nunó Sanç en faveur de lhôpital des pauvres de Perpignan, ADPO, 2Hdtp3.
On le retrouve six ans plus tard parmi les religieux de la commanderie du Masdéu. Frère Ramon de Malloles est évoqué à deux reprises en 1233 et en 1236, voir les actes n° 323 et 342.
Il était probablement déjà décédé en mai 1237, puisque lacte se rapportant aux mas et maisons quil avait donnés à lordre, sans doute au moment de sa profession, dit de cellesci : « que olim fuerunt de Raymundo de Maleolis »
Lhomonymie laisse supposer quil était apparenté à cet autre bourgeois perpignanais nommé Ramon de Malloles qui fut condamné et incarcéré avec son épouse Elna pour crime dhérésie en 1241, voir Jorge VENTURA SUBIRATS, « Hérétiques du Roussillon et de Cerdagne au temps de Jaime 1er », Cahiers dÉtudes Cathares, IIe série n° 21 (1964), p.53-54.
367. — — Cest dailleurs à cette époque que la ville commence à déborder hors des murs avec létablissement des ordres mendiants. Le couvent des pauvres de la Merci est fondé par Pere de Nolasque en 1227 ou 1228 sur des terres données par Pere Comte de Salses ; les frères Mineurs apparaissent en 1235, et le monastère des frères Prêcheurs est créé par le roi en 1243-1244 à lemplacement de lancienne léproserie.
368. — Il sagit du mercadal et du masell déjà évoqués dans les textes du XIIe siècle.
369. — Acte n° 529. Sur la question des inondations voir Rodrigue TRÉTON, « Crues et inondations dans les Pyrénées Méditerranéennes aux XIVe et XVe siècles : état des sources et perspectives de recherches », Domitia, n° 8/9, mars 2007, p. 213-226.
370. — Acte n° 745.
371. — En vertu dune concession en viager effectuée le 7 mai 1271. Cet acte nous est connu par une analyse moderne qui précise que cet étal se situait « dans la rue de la Couturerie », ancien nom de lactuelle rue de la Cloche dor.
372. — Acte n° LXVIII.
373. — Actes n° LXXVII et LXXVIII.
374. — À la même époque, Barcelone, Vic et Gérone connaissent également une intensification et une diversification des activités mercantiles et artisanales, voir Lluis TO FIGUERAS, « Els remences i el desenvolupament de les viles catalnes a lentorn de 1200 », dans Louis ASSIER ANDRIEU et Raymond SALA (dir.), La ville et les pouvoirs..., p. 132.
375. — « (...) unum nostrum mansum, quem habemus intus villa Perpiniani, in adjacentia Sancti Johannis, et affrontat a parte orientis in exitu de manso de nobis donatoribus, a meridie in manso de Bernardi Comitis et in manso nostro, ab occidente in operatore Jacobi et in operatore quem tenet Gonballus de Biterensis et in operatore Flandine femine, de aquilone in strata publica qui pergit de Sancto Johanne ad mercadale », acte n° 11.
376. — Pere de Gaillac et son épouse Pelegrina sétablissent à Perpignan le 4 juillet 1149 en prenant à acapte un terrain afin dy édifier un mas, ADPO, 1B59.
377. — En 1157, la vicomtesse Ermengarde donne à labbé Vidal le lieu où est établi le monastère de Fontfroide, dans les Corbières, lune des limites de ce territoire sétend « (...) usque ad viam novam Mercadeiram que vadit ad Vossellionem (sic pour Rossellionem), quam viam ego jussi facere », Dom Claude DEVIC et Dom Joseph VAISSETE, Histoire générale de Languedoc, t. VIII, preuve n° CLXVII.
378. — Les comtes Gaufred III et Girard II, sans doute pressés par les probi homines de Perpignan, sefforçèrent de protéger les marchands qui empruntaient cet itinéraire public des rapines commises par des aristocrates désireux de tirer profit de lessor du trafic commercial.
Le 10 juin 1164, lévêque dElne et quatre autres juges se réunirent dans léglise Saint-Jean de Perpignan afin darbitrer la controverse opposant le comte de Roussillon à un important seigneur de lAlbera, Bernat de Montesquieu, à propos de nouveaux péages que ce dernier avait établi au Perthus : « Conquestis est predictus Girardus de Bernardo predicto, qui novas inpres[s]iones in via publica faciebat ad locum qui vocatur Malpertus, et quia libera erat via publica, cum Gaufride patre suo, ab omni vexacione et a sordidis muneribus a Perpiniano usque ad Malpertus quousque predictus Bernardus hoc de novo abstulit, quasi in possessione illius libertatis petebat Girardus restitui. »
Bernat de Montesquieu, réfutant les arguments du comte Girard, prétendait que lui et ses prédécesseurs percevaient ces taxes depuis plus de trente
ans. Il affirmait tenir celles-ci du comte dEmpúries, Hug III, quil cite comme caution.
Les témoins assermentés produits par le comte Girard sont... six négociants perpignanais ! Guillem Adalbert, Esteve Sabors, Perpinyà Pelisser, Cerdà, Bernat Calcain et Arnau Calcain confirment naturellement les assertions du comte Girard, leur seigneur et, sans doute aussi, leur débiteur. Laffaire se conclue par une sentence prononcée à lencontre de Bernat de Montesquieu, condamné par contumace à libérer la voie publique et à restituer ce quil avait prélevé indûment.
Ce jugement rendu en faveur des libertés publiques témoigne, tant par son esprit que par sa formulation, dune avancée décisive des concepts juridiques romanisants en terre roussillonnaise.
Laffaire témoigne également de lanimosité persistante qui opposait les comtes de Roussillon à ceux dEmpúries pour le contrôle de la région frontalière de lAlbera ; cette mésentente continuelle a sans doute pesé très lourd dans le choix du comte Girard décarter de sa succession le lignage consanguin en léguant le comté de Roussillon au roi Alfons II, voir Francisco MIQUEL ROSSEL, Liber Feudorum Maior, vol. II, n° 735. Pour une approche contextuelle de cette affaire voir Aymat CATAFAU, « Contentiones fuerunt. Conflits et violences dans le Roussillon féodal (XIe-XIIe siècles) », Le Roussillon de la Marca Hispanica aux Pyrénées-Orientales (VIIIe-XXe siècle), Perpignan, 1996, p.231, et notes 45 et 46 p. 247.
379. — Guillem de Carcassona, mercier, souscrit en 1165 une reconnaissance de dette, assortie dune remise de gages, faite par deux débiteurs au créancier perpignanais Esteve Sabors, ADPO, 1B59.
380. — Livre vert mineur, vol. I, AMP, AA3, fol. 19-v. On ignore si Alfons II établit effectivement une foire à Perpignan. Mais ce fait nous semble très probable : la cohérence voudrait en effet que la création dune foire dans la capitale du comté ait précédé celles des villes secondaires de Collioure (1207) et de Salses (1213) instituées par son fils Pere II, Bernard ALART, Privilèges et titres, p. 89-90 et 100-102. On sait quau début du XIIe siècle et jusquà la fin du premier tiers du siècle suivant, une foire se tenait non loin de la capitale du Roussillon, à Saint-Genis de Tanyeres, petite localité disparue qui se situait entre Le Vernet et Bompas et dont le territoire a été par la suite annexé à celui de Perpignan. Il semble que le testament dErmengau de So y fasse allusion en 1136, puisque les témoins assermentés disent que ce seigneur avait légué aux templiers 60 sous que lui devait le vicomte de Fenolhedès pour une mule, et que ce cette somme devait lui être remboursée à loccasion de la prochaine foire de Saint Genis, acte n° 14. La foire de Tanyeres est évoquée de manière explicite en 1230, date à laquelle le seigneur Arnau de Salses et les prudhommes de Narbonne saccordent au sujet de la tarification des droits de leude que cet important seigneur prélevait sur les marchands qui se rendaient à celle-ci : « (...) mercatoribus undecumque sint advenientibus ad nundinas nostras de Taisneriis », Alphonse BLANC, Le livre de Comptes de Jacme Olivier, marchand narbonnais du XIVe siècle, Paris, 1899, pièce justificative n° III, p. 306-308. Il est vraisemblable que cette foire ait disparu par la suite, soit à la faveur de la mort de ce seigneur et de lextinction consécutive de son lignage en 1232, soit en raison de la concurrence de celles de Perpignan.
381. — Voir ci-dessus la carte de Perpignan.
382. — Actes n° 378, 379, 389, 396 et 397.
383. — Actes n° 473, 475, 489, 490, 497, 566, 610, 707, 777, 840, 841.
384. — Actes n° 1057 et 1058.
385. — Richard W. EMERY, « Flemish cloth and flemish merchants in Perpignan in the thirteenth century », Essays in Medieval Life and Thought: Presented in Honor of Austin Patterson Evans, Columbia University Press, New York, 1955, p. 153-166.
386. — Pour faire le point sur la croissance économique de Perpignan au XIIIe siècle en relation avec le développement du commerce et de lartisanat du cuir et du textile voir Richard W. EMERY, « Flemish cloth...», art. cit ; Antoni RIERA I MELIS, « Perpinyà, 1025-1285...» ; Anthony PINTO, « Perpignan un grand centre drapant méditerranéen (XIIIe-XVe) : état de lhistoriographie », La fibre catalane.
Industrie et textile en Roussillon au fil du temps, Perpignan, 2006, p. 13-38 ; Id., « Draperie et développement urbain : le cas de Perpignan à la fin du Moyen Âge (XIIIe-XVe siècles) », dans Flocel Sabaté et Christian Guilleré, éd., Morphologie et identité sociale dans la ville médiévale hispanique, Editions de lUniversité de Savoie, 2012, p. 365-415.
387. — Selon une estimation effectuée par les consuls de Narbonne en 1329, les opérations réalisées par les pareurs représentaient alors près des deux tiers de la valeur dun drap, voir Gui ROMESTAN, « Draperie roussillonnaise... », art. cit., p. 31 et 40.
388. — Acte n° 853.
389. — « Quod predictum operatorium est michi inutile cum illud accapitassem ad opus paratorie exercende, et modo prohibetur michi et aliis paratoribus per dominum regem Majoricarum quod non exercamus dictum ministerium paratorie locis specialibus solituri, set quod certo loco exerciatur dictum ministerium paratorie per eundem dominum regem michi et aliis paratoribus assignato. »
390. — Selon Pere Vidal, ce premier regroupement des ateliers des pareurs de Perpignan, appelé par la suite Parairia vella, se situait dans la vieille ville et devait occuper lemplacement des rues des Fabriques den Nebot, des Fabriques den Nadal et des Fabriques couvertes, Pierre VIDAL, Guide historique et pittoresque dans le département des Pyrénées-Orientales, Perpignan, 1899. Sa création précède de dix ans seulement celle de la Parairia nova à propos de laquelle nous possédons davantage de renseignements.
Le 16 juillet 1291, Jaume II, roi de Majorque, autorise son fidèle conseiller, le richissime homme daffaire Guillem de Puigdorfila, à ériger une rue dun côté de laquelle il fera édifier des maisons de pareurs dans le mas quil a acheté à Pere Fabe ; et du côté de la place, linvestisseur pourra faire poser des piliers pour supporter des constructions, et y tenir des étals qui relèveront de la directe du roi, ADPO, 3E3/704, fol. 281v.
Ces travaux ont été mené avec célérité car le 10 octobre suivant Guillem de Puigdorfila est déjà en mesure de concéder à acapte un ouvroir situé « (...) in carreria sive via que vocatur paratoria nova », ADPO, 1B62.
Dix ans ont donc suffit pour que la première parairia ne suffise plus à loger tous les artisans de la jeune corporation. Ce fait est révélateur du remarquable essor que connaît ce métier qui prend des proportions considérables au cours des premieres décennies du XIVe siècle.
On aurait dénombré pas moins de sept rues de pareurs à Perpignan selon le témoignage postérieur des consuls de Narbonne en 1329, et huit rues selon les dires des consuls de Béziers. La production annuelle de draps apprêtés dans les parairies de Perpignan aurait alors avoisiné le chiffre considérable de 40000 ; la profession aurait fait vivre près de 3000 personnes, voir Gui ROMESTAN, « Draperie roussillonnaise...», p. 39 et 42 ;
Antony PINTO, « Draperie et développement urbain : le cas de Perpignan à la fin du Moyen Âge (XIIIe-XVe siècles) », dans Flocel Sabaté et Christian Guilleré, éd., Morphologie et identité sociale dans la ville médiévale hispanique, Editions de lUniversité de Savoie, 2012, p. 365-415.
391. — Il sagit à notre connaissance de la plus ancienne mention répertoriée de cet place également appelée Pella, à lemplacement de laquelle on édifia la Loge de Mer en 1382, Henri ARAGON, Documents historiques sur la ville de Perpignan, Perpignan, 1922, p. 6 et 11.
392. — « Et est dictum operatorium tantum sotulum cum superficies ejusdem soli seu sotuli, sic Petri Caruli », Acte n° 966.
393. — Il sagit là de lune des rares occurrences de cette unité de longueur dont nous ignorons léquivalent métrique.
394. — Acte n° 987.
395. — Acte n° 556. Le montant du droit dentrée payé par le couple dartisan est de 62 sous et 6 deniers, soit le prix dun marc dargent au poids de Perpignan. On remarque que ce droit représente le double de la valeur numéraire du cens annuel fixé. Il apparaît dailleurs que le marc dargent servait détalon aux templiers pour calculer le montant de leurs redevances à Perpignan. Les principes et les modalités de ces opérations restent toutefois à éclaircir.