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Les anciens Hôpitaux de Lyon, Hôpitaux du quartier Saint-Georges

Plusieurs hôpitaux ont existé jadis dans le quartier Saint-Georges ; tous furent de peu d'importance, et c'est à peine s'ils sont mentionnés dans quelques publications spéciales ; c'est pour cette raison que je les ai réunis dans une étude commune. On ne trouvera pas ici le groupe d'hôpitaux appelé Saint-Laurent-des-Vignes, ce dernier mérite une notice particulière, il était d'ailleurs situé hors de la ville, en dehors de la porte Saint-Georges.

Hôpital de Saint-Jean de Jérusalem

Le plus ancien hôpital mentionné dans ce quartier est celui des hospitaliers de Saint-Jean-de-Jérusalem, désignés plus tard sous le nom de Chevaliers de Rhodes (1310), et enfin après la, prise de cette île par Soliman (1522), sous celui de Chevaliers de Malte.

Cet ordre, fondé en Palestine, avait d'abord pour mission de secourir les pèlerins et de les protéger contre les attaques des Infidèles. « Les soldats de Jésus-Christ sont uniquement destinés à combattre pour sa gloire sans négliger pour cela les devoirs de la sainte hospitalité » (1).

Enrichis par les libéralités de Godefroy de Bouillon, des princes chrétiens et des fidèles de toute la chrétienté, il put élargir le champ de son action et venir en aide aux pèlerins, non seulement en Asie, mais dans l'Europe entière.

A cette époque, les pèlerins étaient nombreux : partout où se trouvaient des habitations ils étaient assurés de trouver une hospitalité bienveillante ; mais le pays était couvert de forêts, les campagnes souvent désertes, les routes peu sûres, car il y avait à craindre non seulement les attaques des brigands, mais aussi les exactions des seigneurs féodaux. Alors dans un lieu écarté, quelquefois dans une forêt, on trouvait une modeste habitation à côté d'une chapelle desservie par un recteur. Le revenu de quelques terres entourant la chapelle servait à subvenir aux besoins des pauvres, et le caractère sacré de l'édifice les protégeait contre les atteintes des malfaiteurs. C'était ce qu'on appelait alors un hôpital.

Les anciennes mansiones (gites), stationes (haltes), mulationes (relais) dont l'époque romaine avait jalonné les routes, devenues sous Charlemagne les maisons d'asile, furent plus tard des hôpitaux. M. C. Guigue (2) a montré que dans la région lyonnaise seulement, on en comptait plus de cent, et que leur présence est un indice certain de l'existence d'une voie romaine. D'après Lavirotte (3), il en était de même en Bourgogne et probablement dans la France tout entière.

Un certain nombre de ces lieux d'asile furent confiés aux Templiers ou aux chevaliers de Saint-Jean-de-Jérusalem, ceux qui furent occupés par ces derniers sont presque constamment appelés Hôpitaux, ceux des Templiers étaient des Temples.

On ne sait pas exactement à quelle époque les hospitaliers s'établirent à Lyon ; d'après certains auteurs, ce fut en 1120 qu'ils se fixèrent sur le bord de la Saône ; on sait seulement que, déjà au milieu du XIIe siècle, ils avaient des possessions dans la ville et autour de la ville.

La première mention certaine de leur hôpital est de 1176 ; Guillaume de Rochetaillée lègue (4):
Hospitali hiersolimitano, unam loricam
Templo alteram.

Son existence en 1187 est prouvée par une transaction entre les hospitaliers et un seigneur Chaumartin au sujet d'une maison donnée par lui à l'hôpital (5). Il est cité aussi dans le testament de Guichard de Marzé, chanoine de Lyon (1226) (6) :

Domui Templi, XX sol.
Hospitali hierosolimitano, XX sol.
Il est donc certain que, dès la fin du XIIe siècle, les chevaliers hospitaliers avaient à Saint-Georges un établissement destiné à recevoir les pèlerins valides ou malades, un hôpital, mais non dans le sens que nous donnons aujourd'hui à ce mot, c'est-à-dire exclusivement réservé aux malades. Il est probable que dans les premiers temps ils s'acquittèrent de leur devoir, on verra que par la suite il n'en fut pas ainsi.

Quand le pape Clément V eut supprimé l'ordre des Templiers dans le concile de Vienne (1312), à la demande de Philippe le Bel, les hospitaliers reçurent une partie de leurs dépouilles, entre autres, pour ne citer que des localités de notre région, les Temples de Tanay, Ecorcheloup, Pommiers, Vaux, Charvieux (7), etc., et aussi le tènement du Temple à Lyon, c'est-à-dire l'espace compris aujourd'hui entre la Saône, la rue de la Préfecture, la rue Saint-Dominique et la place Bellecour. C'était là que se trouvait le Temple, l'asile destiné aux pèlerins. Ce tènement est ainsi décrit par un ancien auteur.
« La maison de l'hôpital située près de Lyon, et qui autrefois appartenait à la milice du Temple, avec chapelle, granges, étables et édifices de toute nature, vignes, jardins et autres compris dans les limites de la clôture de ladite maison et qui dépendaient du susdit hôpital (8). »

Les chevaliers hospitaliers recevaient donc un second hôpital : ils durent probablement le supprimer, car il était superflu d'en avoir deux dans la même ville. Quant au tènement du Temple lui-même, ils l'échangèrent peu après (acte du 5 juillet 1315), contre des rentes à la Verpillère et dans le mandement de Fallavier, avec Aymé de Savoie qui, plus tard, le donna aux religieux Célestins.

C'est dans la chapelle du Temple que Pierre de Mouron, depuis pape sous le nom de Clément V, avait fait un miracle qui mérite d'être rapporté.

Bien que le texte latin de cet acte ne présente aucune difficulté, j'ai cru devoir le traduire pour la commodité de quelques lecteurs.
En arrivant dans notre ville il reçut l'hospitalité chez les Templiers qui avaient la garde du concile (9), là, dit le manuscrit du P. Grasset, « il célébra la messe en présence de Sa Sainteté, là il mit sa cuculle (10) sur un rayon de soleil et elle y resta suspendue comme sur une poutre pendant qu'il se revêtait de ses habits sacerdotaux et fit quantité de miracles en icelle (11). »

Il est au moins douteux que les Chevaliers de Saint-Jean-de-Jérusalem aient pratiqué longtemps l'hospitalité comme leur règle le commandait, ils semblent avoir été sous ce rapport très inférieur aux chevaliers du Temple.

Dans le procès des Templiers, alors que peut-être il n'était pas prudent de témoigner en leur faveur, on trouve des dépositions de ce genre :
Ils faisaient l'aumône et pratiquaient l'hospitalité.
Je les ai vus donner et exercer l'hospitalité.
Ils accueillaient tous les voyageurs.
Ils donnaient l'aumône en tout temps, mais plus encore dans les périodes de disette (12).

Pour les hospitaliers, rien de semblable. On trouve, il est vrai, que le 30 novembre 1313, Anthelme de Dorches, lègue 20 florins à l'hôpital Saint-Georges pour la nourriture des pauvres (13) ; on voit encore que le 8 mai 1463, Louis XI leur permet de faire des quêtes, pour « l'entrainements des pauvres reçus dans leurs hospices », mais on constate que leur nom ne se rencontre presque jamais expressément mentionné dans les testaments. Ils devaient seulement bénéficier de la mention : Singulis hospitalibus lugdun et n'étaient évidemment pas populaires. Voici d'ailleurs, à cet égard, l'opinion de M. Niepce, qui a longuement compulsé les archives du grand prieuré d'Auvergne, celles de nos divers dépôts et aussi celles de la Bibliothèque nationale.

« Chose étrange, dans aucun des procès-verbaux de visite il n'est question du moindre hospice ni d'une infirmerie ; je n'en trouve pas trace non plus dans les terriers ni dans les volumineux inventaires des archives de l'ordre. Dans les charges obligatoires imposées à chaque commandeur, il n'est dit un seul mot non plus du devoir qui lui incombait de pratiquer la charité envers les malheureux (14). »

L'hôpital des chevaliers de Saint-Jean-de-Jérusalem disparut certainement en 1498, si toutefois il n'avait pas été supprimé plus ou moins longtemps auparavant. A cette époque, le commandeur Humbert de Beauvoir fit reconstruire la Commanderie, et sur la porte il mit cette inscription qui nous a été conservée par Menestrier :
« C'est l'entrée de la maison monsieur Sainct Jehan Baptiste et du bon chevalier Sainct George laquelle maison a este faicte et accomplie par maistre Humbert de Beauvoir chevalier de l'ordre dudict monsieur Sainct Jehan Baptiste de jerusalem et commandeur de céans. Faict le 1er jour d'octobre l'an 1498. »

Hôpital Saint-Antoine

Le 30 octobre 1246, Philippe de Savoie, archevêque de Lyon, approuva et confirma la donation faite « par Guichard de Condrieu, chevalier, et son épouse, à la maison d'aumône de Saint Antoine, à Falcon, précepteur de cette maison et à ses successeurs, d'une maison que ledit Guichard possédait près de Lyon, au lieu-dit vulgairement le Sablet (15), entre nôtre grange d'une part et la maison de Pierre Montanola d'autre part ; et en outre un curtil (jardin) sis en la paroisse d'Oullins, diocèse de Lyon, curtil dit des Buatiers (16), à côté de la terre de Pierre Roux, sauf 14 deniers de cens que nous avons sur cette maison comme il appert par une charte signée par le vénérable archevêque de Vienne et ledit Guichard (17). »

L'acte de donation de Guichard de Condrieu ne nous est pas parvenu : nous savons seulement qu'il avait pour but de faire de cette maison un hôpital ; les produits du jardin à Oullins ou les revenus qu'il pouvait fournir devaient sans doute être employés à l'usage des malades.

J'ai dit ailleurs (18) ce qu'était l'ordre de Saint-Antoine de viennois fondé pour soulager les victimes du feu ou mal de saint Antoine, c'est-à-dire de l'ergotisme gangréneux. L'asile ouvert à Saint-Georges était donc un véritable hôpital, mais affecté à une maladie spéciale.

Les indications données par l'acte de 1246 ne permettent pas de préciser exactement le point où se trouvait la maison de Guichard ; nous savons seulement qu'elle était au Sablet.

Le Sablet était à Saint-Georges sur le bord de la Saône ; c'était là qu'on déchargeait le sable destiné aux constructions lyonnaises. Les noms port et place du Sablet on subsisté jusqu'au commencement du XIXe siècle. Le port du Sablet étant sur la Saône à l'extrémité de la rue du Vieil-Renversé, l'hôpital devait occuper une partie du terrain sur lequel s'élèvent à présent les maisons de la rue des Prêtres.

A cette époque il y avait déjà sur la rive opposée de la Saône, au port du Temple, un asile destiné aux victimes de l'ergotisme : c'était la contracterie ou hôpital Saint-André (19) fondé par Ponce Blanchard vers 1215-1220. Les Antonins s'y trouvaient déjà, mais seulement en qualité de desservants et d'infirmiers, car le fondateur vivait encore. Dans le nouvel établissement du quartier Saint-Georges ils étaient chez eux, ils le mirent sous la protection de leur patron saint Antoine.

D'après le P. Bulllioud (20), l'hôpital du quartier Saint-Georges était sous le vocable de saint André et aurait été réuni en 1272 à un autre hôpital situé près de la porte Chalamont, non loin du port du Temple, sous le vocable de saint Antoine. J'ai montré dans une étude antérieure que ce fut au contraire l'hôpital Saint-Antoine qui se substitua à celui qu'avait fondé Ponce Blanchard, et dont le nom, hôpital Saint-André, est prouvé par des titres nombreux et incontestables.
Sources: Jules Drivon. Lyon médical : Gazette médicale et Journal de médecine réunis, page 636, tome VI. Lyon 1907.
Bnf

Les anciens Hôpitaux de Lyon — Notes

1. Règle des Hospitaliers, 1118.
2. M. C. Guigue. Les voies antiques du Lyonnais, Forez, etc., in Mémoires de la Société littéraire de Lyon, 1876.
3. Congrès de Dijon, 1853.
4. Valentin Smith et M. C. Guigue. Bibliotheca Dumbensis, 44.
5. Niepce. Le grand prieuré d'Auvergne, ordre des Hospitaliers de Saint-Jean-de-Jérusalem. Lyon, 1883.
6. Guigue. Obituaire de l'église métropolitaine de Lyon, 201.
7. Tanay , commune de Tanay (Ain), Ecorcheloup , commune de Dagneu (Ain), Pommiers, commune de Jons (Isère), Vaux, commune de Vaux-Milieu (Isère), Charvieu, canton de Meyzieu (Isère).
8. La fondation du monastère des Célestins de Lyon depuis l'an 1407 jusques à l'an 1537, par Claude Berchier, dépositaire dudit couvent, réédité et annoté par G. Guigue.
9. Il s'agit du concile général de Lyon en 1274, sous Grégoire X.
10. Cuculle, cape, capuchon. Pierre de Mouron devint pape en 1894, à 79 ans, et abdiqua au bout de cinq mois.
11. Vachet. Les anciens couvents de Lyon, 1895, page 233.
12. Niepce. Le grand prieuré d'Auvergne, ordre des Hospitaliers de Saint-Jean-de-Jérusalem. Lyon, 1883.
13. Le Laboureur. Les masures de l'abbaye royale de l'île Barbe, 1681, tome I, page 471.
14. Niepce. Le grand prieuré d'Auvergne, ordre des Hospitaliers de Saint-Jean-de-Jérusalem. Lyon, 1883.
15. Apud Lugdunum in loco qui vulgariter dicitur Sablitium.
16. Quod curtile munscupatur curtile del Buatiers.
17. Cartulaire lyonnais, I.
18. Les anciens hôpitaux de Lyon. La contracterie de Saint-Antoine, etc.. etc. L'hôpital Saint-Antoine. Lyon Médical, 1903.
19. Les anciens hôpitaux de Lyon. La contracterie de Saint-André, etc., etc. Hôpital Saint-André. Lyon Médical, 1902.
20. Bullioud. Lugdunum sacro prophanum.


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