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Marion Melville

Fondation de l'Ordre du Temple

Pour bien comprendre à quels besoins répondait ce nouvel ordre de chevalerie, et pour quelles affaires le Concile se réunissait à Troyes en ce jour de Saint-Hilaire 1128, il faudra refaire le chemin depuis « les marches de la France et de Bourgogne » jusqu'à la « Sainte Cité de Jérusalem », et jeter nos regards sur le Royaume latin des croisés.

La première croisade, prêchée par Urbain II, était partie pour l'Orient en 1096. Ce fut d'abord la ruée d'une horde de pèlerins, sans armes ni discipline, soulevés par l'enthousiasme de leur chef Pierre l'Ermite. Ils prirent le chemin de la Hongrie et de Byzance, et périrent misérablement sur les rives du Bosphore. Cette troupe désordonnée fut suivie par l'armée des croisés venus de France et des Flandres sous la conduite de Godefroy de Bouillon et de son frère Baudouin.
D'autres chefs féodaux les rejoignirent en route : Robert de Normandie et Robert de Flandres; Raymond de Saint-Gilles, parti de Toulouse avec ses Provençaux ; Bohémond et son neveu Tancrède qui amenaient leurs Normands de la Sicile et de l'Apulie. Après de longs pourparlers avec l'empereur de Byzance, la croisade passa par Constantinople, traversa l'Asie Mineure, assiégea Antioche et prit Jérusalem d'assaut en juillet 1099.

Godefroy de Bouillon refusa la couronne royale, et ne prit que le titre modeste « d'Avocat du Saint Sépulcre ». Mais à sa mort, en 1100, son frère Baudouin lui succéda comme roi de Jérusalem, et dirigea les affaires de son royaume avec beaucoup de courage et d'intelligence. En 1118, la dernière année de son règne, le Royaume d'Orient se bornait encore à une mince bande de territoire longeant la côte depuis Antioche jusqu'à Jaffa. Il s'évasait au nord, pour former le comté d'Edesse, tandis qu'à l'extrême sud, au-delà de la mer Morte, le château de Montréal, de la seigneurie de l'Oultre Jourdain, pointait comme un fer de lance vers l'Egypte, quoique les villes côtières d'Ascalon et de Gaza demeurassent aux mains des Sarrasins du Caire.

Des pèlerins venaient en foule, des colons aussi, attirés par la politique habile de Baudouin Ier. Citons encore une fois le texte bien connu de son chapelain Foucher de Chartres [Foucher de Chartres, chap. VII Recueil des Historiens des Croisades, Historiens occidentaux, t. III, p. 468.]

« Considérez et réfléchissez en vous-mêmes de quelle manière en notre temps Dieu a transformé l'Occident en Orient ; nous qui étions des Occidentaux, nous sommes devenus des Orientaux ; celui qui était romain ou franc est devenu ici galiléen ou habitant de la Palestine ; celui qui demeurait en Reims ou Chartres se voit citoyen de Tyr ou d'Antioche. Nous avons déjà oublié le lieu de notre naissance, déjà il est inconnu à plusieurs d'entre nous, ou du moins nous n'en recevons plus de nouvelles. Tel d'entre nous possède déjà en ce pays des maisons et des serviteurs qui lui appartiennent par droit héréditaire ; tel autre a épousé une femme qui n'est pas sa compatriote, une Syrienne, une Arménienne ou même une Sarrasine qui a reçu la grâce du baptême ; tel autre a chez lui ou son gendre ou sa bru, ou son beau-père ou son beau-fils ; celui-ci est entouré de ses neveux ou même de ses petits-neveux ; l'un cultive ses vignes, l'autre ses champs ; ils parlent diverses langues et sont déjà tous parvenus à s'entendre. Les idiomes les plus différents sont maintenant communs à l'une et à l'autre nation, et la confiance rapproche les races les plus éloignées. Il a été écrit en effet [le lion et le boeuf mangeront au même râtelier]. L'étranger est maintenant indigène, le pèlerin est devenu habitant ; de jour en jour nos parents et nos proches nous viennent rejoindre ici, abandonnant les biens qu'ils possèdent en Occident. Ceux qui étaient pauvres dans leur pays, ici Dieu les a faits riches ; ceux qui n'avaient que peu d'écus possèdent ici un nombre infini de byzantins ; ceux qui n'avaient qu'une métairie, Dieu leur donne ici une ville ».
Pourquoi retournerait-il en Occident celui qui trouve l'Orient si favorable ?

Cependant, malgré l'affluence des colons paisibles, le manque d'hommes d'armes se faisait cruellement sentir. De ceux qui avaient accompagné les chefs de la première croisade beaucoup étaient morts ou vieillis, d'autres étaient rentrés en Europe. La défaite et la dispersion d'une croisade de renfort en 1101 priva la Palestine de cent mille immigrants tués ou faits prisonniers en Anatolie (Grousset - Histoire des Croisades).
« Et tandis que le tous les quartiers du monde, riches et pauvres, filles et garçons, vieillards et enfants se hâtaient vers Jérusalem pour visiter les Lieux saints, les brigands et des voleurs infestaient les chemins, surprenaient les pèlerins, détroussaient un grand nombre et en massacraient beaucoup ». (Jacques de Vitry)


Ce fut à la protection de ces voyageurs qu'un chevalier champenois se dévoua vers l'année 1118. Il s'appelait Hugues de Payns. Nous ne savons presque rien de lui, sauf qu'il était déjà vieux. Mais il a dû ressembler sous beaucoup de rapports au noble « Avocat du Saint Sépulcre », étant comme lui preux, pieux, et d'une grande simplicité de coeur. Il se consacra au service des pèlerins avec une petite bande de compagnons, selon la tradition qui n'a pas même retenu tous leurs noms. Ces « Pauvres Chevaliers du Christ » auraient pu accomplir leur tâche dans l'obscurité si, vers 1126, ils n'avaient reçu comme confrère le comte Hugues de Champagne. Celui-ci s'était croisé, moitié par piété, moitié par dépit, après avoir déshérité son fils et remis ses terres à son neveu Thibaud de Brie (le comte de Champagne du Concile).

Saint Bernard, qui avait reçu du comte Hugues la terre de Clairvaux pour y fonder son monastère, le félicita dans une lettre où pointe la déception ne le pas le recevoir comme frère dans cette maison. (D'Albon, Cartulaire général de l'Ordre du Temple)

Saint Bernard lui écrit :
« Si, pour la cause de Dieu tu t'es fait de comte, chevalier, et de riche, pauvre, nous te félicitons sur ton avancement comme il est juste, et nous glorifions Dieu en toi, sachant que ceci est une mutation à la main droite du Seigneur. Pour le reste, j'avoue que nous ne supportons pas avec patience d'être privés de ta joyeuse présence par je ne sais quelle justice de Dieu - à moins que de temps en temps nous ne méritions de te voir, si cela se peut, ce que nous souhaitons plus que toute chose.

Que puis-je dire encore ?
Pouvons-nous oublier l'ancienne amitié et les bénéfices que tu apportas si largement à notre maison ?
Qu'il plaise à Dieu, pour l'amour duquel tu le fis, de ne pas l'oublier dans l'éternité. Car nous-mêmes, aussi peu ingrats que possible, gardons dans notre mémoire le souvenir de ta générosité, et s'il nous était permis nous le montrerions par nos oeuvres. Avec quelle joie eussions-nous soigné ton corps, ton âme et ton esprit s'il nous eût été donné de vivre ensemble. Mais puisqu'il n'est pas ainsi, nous prierons toujours pour l'absent que nous ne pouvons pas avoir parmi nous ».

Hugues de Champagne ne quitta plus la Terre sainte, où il mourut en 1130, mais on peut bien penser que ce fut lui qui servit de liaison entre Hugues de Payns et saint Bernard. L'abbé de Clairvaux ressentit tout de suite une vive amitié pour le maître des Pauvres Chevaliers, « carissimus meus Hugo », et fit appel au pape, au légat et aux archevêques de Reims et de Sens pour faire réunir le Concile. [Le P. Chrisostomo Henriquez, Régula... ordinis Cislerciensis (Anvers, 1630), p. 532-537, cite une lettre écrite par Baudouin II de Jérusalem à l'abbé de Clairvaux en faveur des Templiers, et transmise par deux frères chevaliers, André et Gundomar. L'original a disparu ; sa tournure est très suspecte, et d'Albon la considère comme apocryphe. Le P. Henriquez aurait trouvé le nom d'André de Montbar dans la Vita S. Bernardi ; Gundomar est un nom espagnol qui ne se retrouve dans aucun document du Temple.]

« Et mêmement frère Hugues de Payns, maître de la Chevalerie, y fut avec quelques-uns de ses frères, qu'il avait amenés avec lui. C'est à savoir, frère Roland, frère Godefroi et frère Joffroi Bisot ; frère Payen de Montdidier, frère Archambaud de Saint-Amand. Le même maître Hugues, de sa discipline, manière et observance, du petit commencement... selon la connaissance de sa mémoire fit assavoir par devant les nommés Pères » [Règle version française].

Le meilleur récit des débuts du Temple nous vient du cardinal Jacques de Vitry. Il est vrai qu'il écrivit presque un siècle plus tard, et qu'il copia amplement l'oeuvre de Guillaume de Tyr, historien d'une tout autre taille que lui. Mais Vitry était très lié avec les Templiers dans son diocèse d'Acre, et pendant l'expédition de Damiette en 1216. Lorsqu'il s'agit de la Maison du Temple, il cesse de s'inspirer de l'archevêque de Tyr, pour donner des détails qu'il a dû recueillir des frères eux-mêmes.

« Certains chevaliers, aimés de Dieu et ordonnés à son service, renoncèrent au monde et se consacrèrent au Christ. Par des voeux solennels, prononcés devant le patriarche de Jérusalem, ils s'engagèrent à défendre les pèlerins contre les brigands et ravisseurs, à protéger les chemins, et à servir de chevalerie au souverain Roi. Ils observèrent la pauvreté, la chasteté et l'obéissance, selon la Règle des chanoines réguliers. Leurs chefs étaient deux hommes vénérables, Hugues de Payns et Geoffroi de Saint-Omer. Au début, il n'y en avait que neuf qui prirent une décision si sainte, et pendant neuf ans ils servirent en habits séculiers et se vêtirent de ce que les fidèles leur donnèrent en aumônes. Le roi [Baudouin II], ses chevaliers et le seigneur patriarche furent remplis de compassion pour ces nobles hommes qui avaient tout abandonné pour le Christ, et leur donnèrent certaines propriétés et bénéfices pour subvenir à leurs besoins, et pour les âmes des donateurs. Et parce qu'ils n'avaient pas d'église ou d'habitation qui leur appartînt, le roi les logea dans son palais, près du Temple du Seigneur. L'abbé et les chanoines réguliers du Temple [Du Templum Domini à Jérusalem] leur donnèrent, pour les besoins de leur service, un terrain non loin du palais : et pour cette raison on les appela plus tard les [Templiers] ».

Vitry continue :
« En l'an de grâce 1128, après avoir demeuré neuf ans dans le palais, vivant tous ensemble en sainte pauvreté selon leur profession, ils reçurent une Règle par les soins du pape Honorius et d'Etienne, patriarche de Jérusalem, et un habit blanc leur fut assigné. Ceci fut fait au concile tenu à Troyes, sous la présidence du seigneur évêque d'Albano, légat apostolique, et en présence des archevêques de Reims et de Sens, des abbés de Cîteaux, et de beaucoup d'autres prélats. Plus tard, au temps du pape Eugène III (1145-1153), ils mirent la croix rouge sur leurs habits, portant le blanc comme emblème d'innocence et le rouge pour le martyre ».

« Et puisque la religion ne peut pas durer sans une discipline austère, ces hommes sages et religieux, prévoyants dès le début pour eux-mêmes et pour leurs successeurs, ne permettaient pas que les transgressions des frères restassent cachées ou impunies. Mesurant soigneusement et attentivement la nature et les circonstances des fautes, ils chassèrent sans appel certains frères de leur société, après avoir arraché la croix rouge de leurs vêtements [Jacques de Vitry oublie simplement que les Templiers ne portaient pas cette croix au début]. Ils obligèrent d'autres à jeûner au pain et à l'eau, et à manger par terre sans nappe, jusqu'à une expiation suffisante, afin qu'ils fussent frappés de honte, et les autres d'une frayeur salutaire. Et pour les combler de confusion, si des chiens venaient manger avec eux, ils ne devaient pas les chasser. Ils avaient aussi beaucoup d'autres façons de plier les frères insoumis à une discipline régulière et une bonne conduite... »

Leur nombre s'est accru si vite qu'il y avait bientôt plus de trois cents chevaliers [Guillaume de Tyr donne le même chiffre] dans leurs assemblées, tous vêtus de manteaux blancs, sans compter des serviteurs innombrables. Ils ont acquis aussi des biens immenses en deçà et au-delà de la mer.

Ils possèdent :
villes et palais, sur les revenus desquels ils versent chaque année une certaine somme pour la défense de la Terre sainte, entre les mains de leur souverain maître, dont la résidence principale est à Jérusalem. [Lorsque Jacques Vitry écrivait, elle n'y était déjà plus, puisque la Ville sainte appartenait aux Musulmans; mais jusqu'à la fin les chevaliers considèrent le Temple de Salomon comme leur « Maison chêvetaine »].

Il serait donc tout à fait faux de dire que la Règle du Temple fut écrite par saint Bernard. Elle n'est même pas uniquement l'oeuvre du Concile, car cette assemblée n'eut qu'à parfaire et probablement transcrire les coutumes déjà en usage dans la maison. « Et la manière, et l'établissement de l'ordre de la chevalerie entendîmes de par la bouche du devant dit maître, frère Hugues de Payns ».

« Et selon notre conscience, ce qui nous sembla bon et profitable nous louâmes, et ce qui nous sembla sans raison nous l'écartâmes ». Les observances religieuses surtout durent être modifiées, car les Pauvres Chevaliers avaient suivi jusqu'alors la Règle de saint Augustin, tandis que leur propre Règle est plus près de la forme cistercienne.

La Règle latine [Règle des chevaliers du Temple, nouveaux fonds - De Curzon - 1886] comporte soixante-douze articles, avec un prologue qui contient le procès-verbal du Concile.

Les huit premiers articles traitent uniquement des devoirs religieux des frères : ils doivent écouter le service divin avec beaucoup de dévotion. Si les affaires de leur maison les empêchent d'assister aux offices, ils répéteront treize patenôtres pour matines, neuf pour vêpres, et sept pour les autres heures.
A la mort d'un frère, la messe sera célébrée pour le repos de son âme, et chacun de ses frères dira cent patenôtres à son intention [ce n'est valable que pour le début de l'Ordre, ensuite, ce fut les Frères d'une même Maison qui prieront pour leur défunt] ; pendant quarante jours on nourrira un pauvre à la place du défunt. Trente patenôtres seront dites par chaque frère pour l'âme d'un chevalier séculier mort au service du Temple, et un pauvre recevra des vivres pendant sept jours. Les prêtres et les clercs qui desservent la Maison à terme (il n'y a pas encore de frères chapelains) ont droit aux vêtements et aux vivres, mais ne prélèvent rien sur les aumônes faites à l'Ordre. Il est permis aux frères de s'asseoir pendant une partie de la messe.

Les onze articles suivants touchent aux règlements journaliers :
Les frères prendront leurs repas en silence, en écoutant la lecture de l'Écriture sainte. (Nous trouverons bientôt une traduction du Livre des Juges faite à cette intention.) La viande ne sera servie que trois fois par semaine, avec une portion double le dimanche pour les chevaliers, tandis que les écuyers et les sergents doivent se contenter de leur ration ordinaire. Les autres jours, le menu comportera deux ou trois plats de légumes ou de pâtes, le vendredi du poisson. Les frères sont tenus à faire carême de Toussaint jusqu'à Pâques, sauf pendant les fêtes d'obligation. Ils doivent donner la dîme de leur pain aux pauvres. Le soir, ils prendront une collation selon la discrétion du maître. Après complies, les frères garderont le silence, sauf en cas de nécessités militaires, et ceux qui sont fatigués pourront se contenter de dire treize patenôtres dans leur lit, au lieu de se lever pour matines. Ils mèneront la vie conventuelle.

Il est ensuite question de leurs vêtements :
Leurs robes seront toutes blanches, ou noires, ou de bure, sans fourrures, sauf des peaux de moutons ou d'agneaux. On donnera les vêtements usagés aux écuyers. Les frères porteront la barbe et la moustache. Leurs souliers seront sans pointes ni lacets. (La mode était alors aux chaussures extravagantes avec des pointes recourbées.) Chacun aura son lit, muni d'une paillasse, d'un drap, d'un traversin, et d'une couverture de lainage où il se couchera vêtu de chemise et de caleçon. Une lumière brûlera toute la nuit dans leur dortoir. [« Velus ». Les chevaliers du Temple avaient d'abord des manteaux de velus; plus tard, dans leur orgueil, ils s'autorisèrent par un jeu de mots, à porter le velours. Quicherat, Dict. du Costume : cité par Curzon, Règle, 21, note.]

On passe à l'énumération de leurs chevaux et de leurs armures :
Chaque frère peut avoir trois bêtes et un écuyer. Les étriers et les mors doivent être dépourvus d'or ou d'argent, et si quelqu'un fait cadeau à l'Ordre de vieilles armures dorées, il faut les peindre. Quand un chevalier séculier se joint à la Maison pour un temps déterminé, on note le prix de son cheval et on lui rend la moitié de la valeur à son départ. Les écuyers et les sergents servant dans l'Ordre à terme sont obligés à donner des arrhes afin qu'ils respectent leurs engagements.

Les articles suivants enseignent l'obéissance au maître auquel les frères confessent leurs fautes, pour qu'il leur impose une pénitence selon la gravité de leur transgression.

Les derniers décrets sont des plus divers :
Les frères n'ont droit à aucune malle ni sac à serrure. Leurs lettres leur seront lues en la présence du maître. (Peu de chevaliers savaient lire.) On leur rappelle de ne pas se vanter de leurs péchés ni des folies qu'ils ont faites dans le siècle. S'ils reçoivent des cadeaux, même de leurs parents, ils sont obligés de les remettre au maître ou au sénéchal. La chasse, sauf celle du lion, leur est défendue. Les malades sont recommandés aux soins de l'infirmier; les vieillards aussi ont droit à des égards.

Les hommes mariés pourront devenir des associés de la Maison, sans qu'on leur octroie l'habit blanc. Si le mari meurt avant sa femme, la moitié de ses biens va à l'Ordre, l'autre moitié à sa veuve pour sa vie. Les soeurs ne peuvent pas être reçues au Temple.

Les trois articles qui suivent sont plus importants :
Il est défendu aux frères d'avoir des relations avec des personnes excommuniées ; mais ils peuvent recevoir des aumônes de celles qui se trouvent sous interdiction.

Celui qui voudra devenir frère du Temple doit en faire la demande en présence du maître et du chapitre, après avoir écouté la lecture de la Règle. Le maître décidera de la durée de son noviciat.

Les frères en voyage doivent s'efforcer de donner le bon exemple. Qu'ils aillent là où des chevaliers non excommuniés sont assemblés :
S'il y en a un parmi ceux-ci qui veut devenir Templier, il fera sa demande en présence de l'évêque du diocèse, qui le mandera ensuite au maître du Temple.

Il n'y a rien de très frappant dans cette première Règle. Les détails militaires à part, elle pourrait s'appliquer à n'importe quelle communauté religieuse. Certains critiques ont voulu rapporter quelques-uns des articles, ou même toute la Règle, à une époque postérieure au Concile. « Un certain nombre de statuts, n'ont pu être établis dès la fondation du Temple : ils prouvent une expérience acquise, une influence étendue ».

Mais n'oublions pas que les Pauvres Chevaliers faisaient l'épreuve de la vie commune depuis neuf ans ; et quoiqu'ils ne fussent que neuf au début, les chroniqueurs nous assurent que leur nombre augmenta très vite. N'avaient-ils pas déjà des associés, des chevaliers séculiers qui partageaient leur vie pendant un certain temps sans prononcer de voeux ?

En 1120, Foulques d'Anjou fit le pèlerinage de la Terre sainte, où il servit comme confrère des Templiers : son exemple encouragea plusieurs autres seigneurs français à en faire autant. Selon Jacques de Vitry, les Pauvres Chevaliers n'étaient que neuf pour commencer, tandis que Guillaume de Tyr prétend qu'ils n'étaient toujours que neuf lors du concile de Troyes, ce qui est absurde. Hugues de Payns amena six de ses compagnons avec lui de Palestine en France ; n'en laissa-t-il donc que trois en Terre sainte ?

L'intention de l'archevêque de Tyr de rabaisser l'orgueil des Templiers se manifeste dès le premier chapitre qu'il consacre à leur ordre.

D'ailleurs, l'expérience et l'influence du Temple étaient déjà assez grandes, sa renommée assez étendue, pour que le roi Alphonse Ier d'Aragon laissât aux Chevaliers le tiers de son royaume, par son testament rédigé au siège de Burgos, moins de quatre ans après le concile de Troyes (1131).

Un seul des statuts est évidemment une addition à l'oeuvre du Concile, mais son texte même nous apprend qu'il fut promulgué, non pas à Troyes, mais « par communal conseil de trèstout le chapitre ». C'est-à-dire, par un chapitre général de l'Ordre. Pour la première fois, les Templiers parlent pour eux-mêmes, et disent nous au lieu du vous employé à leur adresse par les révérends pères. « Que les sergents et écuyers n'aient pas de blanches robes, dont il avenait grand dommage à la Maison. Car dans les partis d'outre monts sourdaient des faux frères, et mariés et autres, qui se disaient frères du Temple, mais ils étaient du siècle. Ceux-là nous acquirent tant de hontes et de dommages à l'ordre de la Chevalerie, que même les écuyers de là s'enorgueillissaient, et par ceci firent naître plusieurs scandales. Donc, soient données assidûment robes noires ; mais si on ne peut les trouver, qu'on les donne telles qu'on les trouvera dans cette province, mais que ce soit les moins chères, c'est-à-dire de bure ».

Ici, le chapitre de l'Ordre se présente comme l'autorité suprême. Mais l'ordonnance n'est pas pour cela de beaucoup postérieure au Concile. Car durant ce même printemps, le 19 mars 1128, la reine Thérèse de Portugal donna aux Templiers le château et l'honneur de Soure, sur le Mondego, qui fermait la marche sud de son royaume. Cette forteresse se trouvait effectivement « Tras Os Montes » dans les partis au-delà des monts. Les incidents en question ont bien pu se passer là-bas. Il dut y avoir bien des révoltes et bien des heurts avant que les quelques chevaliers détachés en mission au Portugal eussent établi la discipline et la tradition naissante du nouvel ordre dans ce pays lointain.
Sources : Texte de Marion Melville - La vie des Templiers - Editions : Gallimard - 1974

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