Conquête de Jebail par Raymond de Saint-Gilles
Chevalier Franc
En 1103 l'arrivée en Syrie d'une escadre génoise de 40 galères qui hiverna à Laodicée (Lattaquié) permit à Raymond de Saint-Gilles de faire de nouveaux progrès. Comprenant la nécessité d'une flotte pour la conquête des ports libanais, Raymond se porta au-devant des Génois et obtint leur concours. Ils essayèrent d'abord avec lui une attaque contre la presqu'île de Tripoli (al-Mînâ) (fin de l'été 1103). Ne réussissant pas de ce côté, les alliés tournèrent leurs efforts contre Jebail, l'ancienne Byblos, le Gibelet des chroniqueurs, petite place maritime située entre Tripoli et Beyrouth et qui dépendait, elle aussi, des Banû 'Ammâr. Attaquée par l'escadre génoise du côté de la mer, en proie du côté de la terre aux assauts et aux catapultes de Raymond de Saint-Gilles, Gibelet capitula (vers le 28 avril 1104).
Ibn al-Athîr nous dit que les Francs s'emparèrent des biens des habitants, mais il n'y eut pas de massacre. Raymond récompensa les Génois de leur concours en leur concédant un tiers de Gibelet. Ce premier comptoir fut aussitôt organisé sous le commandement d'un consul génois, Ansaldo Corso. Nous verrons par la suite Gibelet devenir une véritable colonie génoise sous la direction de la famille des Embriaci.
Sources René Grousset - Histoire des Croisades et du Royaume Franc de Jérusalem - Plon - Paris - 1934
Construction de Qalaat Sanjîl ou Mont Pèlerin
Mont Pèlerin Tripoli (Tarablous) - Image Elie - Liban
http://elie.issa.free.fr/Liban/liban.html
Château de Saint-Gille Tripoli
Château de Saint-Gille Tripoli - Image Yclady:
http://yclady.free.fr/
On comprend que les malheureux habitants de Tripoli, quotidiennement exposés aux coups de main du comte de Toulouse, n'osant plus sortir de leur presqu'île, épuisés par cette obsession, vivant sous la terreur, leurs conduites d'eau potable coupées par l'assiégeant, aient finalement accepté de lui payer tribut. « Ne mie seulement cil des villes entor, mes cil meismes de la cité n'osoient venir contre ses comandemenz. Ainz li obéissoient ausi come s'il fust sires de tout le païs. »
Entrée principale de la Citadelle de Tripoli
Château St-Gilles.
Main gate of Castle St-Gilles of Tripoli, Lebanon. - Image Adel.ElZaim
(Le texte latin dit au contraire que l'enfant naquit « in eodem loco », ce qui, en raison du contexte, désigne non Tortose, mais le manoir du Mont Pèlerin (Guillaume de Tyr, p. 441).
Les auteurs arabes nous parlent d'une tentative des Banû 'Ammâr pour détruire le Château Pèlerin. « En août-septembre 1104, rapporte le Mirât al-Zemân, le qâdî Ibn 'Ammâr attaqua le château à l'improviste, surprit la garnison et après avoir fait main basse sur ce qu'il renfermait en trésors, armes et munitions, retourna à Tripoli sain et sauf et chargé de butin. » Chez Ibn al-Athîr, ce coup de main provoque la mort du comte de Toulouse : « Saint-Gilles avait bâti dans le voisinage de Tripoli une forteresse avec des faubourgs alentour et il s'y était établi, guettant les occasions d'attaquer la ville. Mais une nuit, Ibn 'Ammâr fit une sortie et mit le feu au faubourg, Saint-Gilles fut surpris sur un des toits enflammés avec quelques comtes et plusieurs guerriers. Ils éprouvèrent tout un grand effroi. Saint-Gilles tomba malade des suites de cet accident et mourut au bout de dix jours. » Mais cette version est contredite par le Mirât al-Zemân qui, après nous avoir parlé du coup de main des Banû 'Ammâr sur les faubourgs du Château Pèlerin, continue : « Saint-Gilles mourut au moment où il venait de conclure une trêve avec Ibn al 'Ammâr, trêve en vertu de laquelle il demeurait maître de la banlieue de Tripoli, mais laissait libre passage aux voyageurs et aux approvisionnements. »
Il résulte de ces rapprochements que le coup de surprise d'août-septembre 1104 ne porta que sur les faubourgs en voie de construction du Mont Pèlerin et qu'il ne semble y avoir guère de rapport entre cet épisode secondaire et la mort de Raymond de Saint-Gilles survenue six mois plus tard. De plus, après comme avant, le comte de Toulouse installé dans sa forteresse, face à la Tripoli péninsulaire, continua à tenir celle-ci sous sa menace et, s'il consentit par moment à desserrer son étreinte, ce fut en conservant le contrôle des communications et du ravitaillement.
Sources René Grousset - Histoire des Croisades et du Royaume Franc de Jérusalem - Plon - Paris - 1934
L'œuvre libanaise de Raymond de Saint-Gilles
Raymond de Saint-Gilles mourut le 28 février 1105, dans sa forteresse du Mont Pèlerin, en face de Tripoli toujours bloquée. Mélancolique destinée que celle de ce haut baron qui, après avoir, le premier, donné son adhésion à la Croisade, avait vu l'un après l'autre lui échapper tous les avantages qu'il eût pu en escompter. D'autres avaient finalement pris à sa place la tête du grand pèlerinage. Il n'avait eu en partage aucune des grandes villes conquises, ni Antioche ni Jérusalem. La croisade de renfort qu'il avait conduite en 1101 à travers l'Anatolie avait lamentablement échoué. Après le naufrage de ces vastes espérances, il avait dû, au soir de sa vie, se rabattre sur un coin de la côte libanaise, et là encore il mourait sans avoir eu la joie d'entrer dans la cité promise, Tripoli, capitale indispensable du fief qu'il s'était adjugé.Château de Saint-Gilles
Château de Saint-Gilles - Castle Sanjil of Tripoli. - Source Image
Tripoli, la plus tard venue des conquêtes franques, puisque conquête posthume de Raymond de Saint-Gilles, restera aussi la dernière aux mains des Francs. Alors que Jérusalem, acquise en 1099, tombera dès 1187, et qu'Antioche, conquise dès 1098, sera perdue en 1268, Tripoli, franque en 1109 seulement, le restera — la dernière — jusqu'en 1289.
Château de Saint-Gilles
Château de Saint-Gilles - Castle Sanjil of Tripoli. - Source Image
Château de Saint-Gilles
Tripoli image ancienne
Sources Université Juive de Jérusalem et de la Bibliothèque Juive Nationale
Château de Saint-Gilles
Vestiges du château de Tripoli - Image Mohamad Al Roumi et Jean Mesqui.
Sources René Grousset - Histoire des Croisades et du Royaume Franc de Jérusalem - Plon - Paris - 1934
Tripoli recherches archéologiques
(Trablus), Qalaat Sanjil par les Arabes, Mont-Pèlerin par les Francs. sources :http://www.tripoli.gov.lb/
châteaux de Tripoli
Vue de la cour du châteaux de Tripoli - Sources : Le Bourlingueur
Halles de Tripoli
Halles - sources - http://www.tripoli.gov.lb/
Sources http://www.tripoli.gov.lb/
Château Pèlerin ou Atlit
Plan du Château Pèlerin ou Atlit
L'enceinte externe était flanquée par trois tours rectangulaires (C-C-C) à deux niveaux voûtés en berceau, sous terrasse crénelée ; elle était précédée par un fossé qui servait de chemin d'accès. En effet, deux rampes descendantes venant de la terre ferme y conduisaient, chacune d'entre elles protégée par une porte à barre coulissante. La particularité des tours est de posséder chacune deux poternes dans leurs flancs, protégées par une herse et un assommoir ; elles constituaient les accès à la lice depuis la terre ferme et le fossé, alors que la lice elle-même était accessible par deux autres portes au nord et au sud depuis la mer.
La seconde enceinte était défendue par deux massives tours rectangulaires (B-B) dont Olivier le Scholastique indique qu'elles possédaient deux niveaux, voûtés en berceau brisé ; le seul accès à cette enceinte se situait au nord, et un large couloir voûté en berceau brisé desservait l'arrière de ces deux tours.
La tour sud fut surélevée d'un étage très haut, ce qui doubla quasiment son élévation, contenant une seule salle couvertes d'une double voûte octopartite retombant sur un pilier central ; elle est très ruinée, mais conserve encore un ensemble de chapiteaux remarquablement sculptés, deux têtes humaines de dimension colossale, et un groupe de trois têtes humaines plus petites. Cette sculpture date du milieu du XIIIe siècle.
Cette « grande salle », comme on l'appelle généralement, n'avait pas, malgré sa hauteur, les dimensions nécessaires à une grande salle de Chevaliers, comme il s'en bâtit au Crac ou à Tartous ; bien plus vraisemblablement, il s'agit d'une « grande chambre », et son décor permet de penser qu'elle fut créée dans le contexte de présence royale sur le lieu.
Au plan des éléments défensifs, bien peu demeure, en raison de la destruction systématique de tous les hauts du château. On note cependant que les étages inférieurs étaient, suivant une tradition romane bien établie et conservée encore en 1218, très peu adaptés à une défense active. C.N. Johns a fourni, en revanche, les élévations d'archères de couronnement, pratiquées sous des niches, et, fait plus intéressant encore, supportant un niveau de chemin de ronde au-dessus des voûtes profondes de ces niches. Plus intéressant encore, il a noté les vestiges, dans la première enceinte, de fentes d'archères percées d'étriers à la base en bêche aux angles supérieurs arrondis.
Sources : Jean Mesqui — L'Architecture en Terre Sainte au Temps de Saint-Louis.