Le Château de Subeibe (Banias)
Le frond Sud, à l'extrême droite la Tour ronde à la pointe Est de l'enceinte - Sources image : Paul Deschamps - 1929 - Bnf
Paul Deschamps — Les Châteaux des Croisés en Terre Sainte, tome I — Le Crac des Chevaliers. Editions Paul Geuthner Paris 1934.
Kala't Banias
Subeibe vue de Banias - Sources image : Paul Deschamps - 1929 - Bnf
A six heures quinze minutes, après une montée assez facile, je parviens sur un plateau cultivé en blé. Chemin faisant, je remarque les traces d'un ancien canal qui amenait au château intérieur de Banias les eaux de la source dite A'in Kenia, dont il sera question ultérieurement.
A six heures trente minutes, la montée devient plus raide; le sentier serpente à travers de gros blocs de rochers et un fourré de chênes verts et de térébinthes qui ne dépassent pas la hauteur de simples broussailles.
Subeibe (Banias)
Subeibe (Banias) - Vue générale des ruines - Sources image : Paul Deschamps - 1929 - Bnf
A l'extrémité occidentale de l'enceinte on remarque les restes de trois grandes tours carrées, construites avec des blocs énormes et parfaitement taillés. Sur l'un de ces magnifiques blocs, actuellement gisant à terre, on distingue une belle inscription arabe en caractères coufiques, ce qui porte naturellement à penser que l'on a là devant les yeux une restauration musulmane faite avec des matériaux antiques de la plus grande beauté, et comme taille et comme dimensions. Il est difficile, en effet, d'admettre qu'une semblable construction avec de pareilles pierres ne date que de l'époque musulmane. L'une de ces tours renferme un souterrain en partie creusé dans le roc et en partie bâti. A en croire mon guide, il s'étendrait jusqu'à la source de Banias et mettait autrefois cette forteresse en communication avec la ville de Panéas. Cette opinion, comme beaucoup d'autres de cette nature, qui plaisent singulièrement à l'imagination arabe, ne repose, ainsi que je l'ai déjà dit, sur aucun fondement sérieux. Quoi qu'il en soit, après avoir descendu seulement une trentaine de marches, je suis arrêté tout à coup par des éboulements qui m'empêchent de pousser plus avant.
Subeibe (Banias)
Subeibe (Banias) - Donjon et les pentes du Nord - Sources image : Paul Deschamps - 1929 - Bnf
Quant à la partie orientale de cette même enceinte, elle formait, sur le point culminant du plateau de la montagne et au-dessus de la forteresse proprement dite, dont la séparait un fossé creusé dans le roc, une seconde forteresse supérieure, plus inexpugnable encore que la première. Flanquée elle-même de grosses tours, les unes carrées, les autres demi-circulaires, elle surplombait au nord et à l'est les profondeurs effrayantes de l'Oued Khachabeh. Il est actuellement très difficile de la parcourir, hérissée qu'elle est d'épaisses broussailles et d'un fourré de chênes verts et de térébinthes qui ont pris racine au milieu de l'amas de ruines qu'elle présente. Néanmoins, quelques portions notables de murs et de tours sont encore debout.
Subeibe (Banias)
Subeibe (Banias) - Basse cour vue depuis le donjon - Sources image : Paul Deschamps - 1929 - Bnf
Un problème se pose ici de lui-même. Quelle date faut-il assigner à cette puissante citadelle, qui a dû coûter des sommes et des travaux si considérables ? Les inscriptions arabes que l'on aperçoit en plusieurs endroits et dont quelques-unes portent la date de l'année 625 de l'hégire, qui correspond à l'année 1227 de notre ère, semblent autoriser à conclure que l'on est là en présence de constructions purement musulmanes; en outre, les voûtes sont presque partout ogivales, ce qui paraît accuser un travail postérieur à l'époque byzantine. Mais, d'un autre côté, comment supposer que les anciens, à l'époque de la plus grande splendeur de cette contrée, aient négligé un point militaire aussi important que celui-là, sur la route conduisant de Tyr à Damas ? Comment attribuer ensuite aux Musulmans la taille de ces immenses blocs, avec lesquels avaient été bâties quelques parties de cette forteresse et notamment les trois grandes tours carrées de l'ouest ? N'est-il pas plus rationnel d'admettre que, lorsqu'ils s'emparèrent de ce château fort, ils profitèrent, pour exécuter leurs nouvelles constructions ou réparer celles qui existaient déjà, des nombreux et beaux matériaux qu'ils trouvaient surplace ? Les inscriptions arabes, comme je m'en suis plusieurs fois convaincu en Palestine, sont souvent mensongères, en affirmant que tel sultan ou tel prince a élevé une mosquée, un caravansérail ou une forteresse, qu'il n'a tout au plus fait que réparer. Ainsi, par exemple, comme je l'ai montré ailleurs, la fondation de la grande mosquée de Ramleh est attribuée, d'après une inscription arabe placée au-dessus de la porte d'entrée, au sultan Ketbogha, l'an 697 de l'hégire (1298 de J.-C.). Or, c'est là une allégation contre laquelle protestent la forme même de ce monument et le caractère de son architecture. On est, en effet, d'une manière incontestable, en présence d'une église chrétienne parfaitement conservée, et non point d'un édifice bâti sur le plan d'une mosquée. Seulement, à l'époque marquée par l'inscription, cette église, consacrée primitivement à saint Jean Baptiste et transformée ensuite en mosquée, a pu subir quelques réparations et modifications.
Subeibe (Banias)
Subeibe (Banias) - Basse cour vue depuis le donjon - Sources image : Paul Deschamps - 1929 - Bnf
Subeibe (Banias)
Plan du château de Subeibe (Banias) - Sources image : Paul Deschamps - 1929 - Bnf
Sources : Description géographique, historique et archéologique de la Palestine. Troisième partie, tome II, la Galilée. Par Victor Guérin. Paris M. DCCC. LXXX
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