Les Templiers   Ordre du Temple   Les Croisades

Divers pages sur Ordre du Temple

    Retour Ordre du Temple

    La secte des Assassins

    Qu'était-ce donc que cette mystérieuse confrérie des Assassins qui fit tant parler d'elle dans l'Orient médiéval ?

    L'Islam était toujours en ébullition. Il s'était répandu avec une telle rapidité sur des peuples de culture, de religion, de races si dissemblables qu'il était travaillé par de sourdes réactions. Sa tolérance fondée sur la sourate du Coran : « II n'y a pas de contrainte en matière religieuse » était certes une excellente mesure politique, car les prescriptions légales du Coran ne pouvaient suffire aux besoins inattendus créés par les conquêtes et ses prévisions occasionnelles, limitées aux conditions primitives de l'Arabie, n'étaient nullement adéquates aux situations nouvelles. Mais cette tolérance adroite avait un inconvénient, dont l'histoire dogmatique de l'Islam révèle toute l'ampleur; elle favorisait les interprétations des commentateurs des volontés du Prophète qui, dans leur sincérité, laissaient prospérer des doctrines qui, tout en respectant l'esprit d'une tradition correcte, se détachaient en d'innombrables rameaux de l'arbre nourricier. Et l'autorité de ces commentateurs était reconnue car les prophètes ne sont pas des théologiens. Le message qu'ils apportent, sous l'impulsion directe de leur conscience, les notions religieuses qu'ils éveillent ne se présentent pas comme un ensemble doctrinal construit suivant un plan déterminé ; le plus souvent elles défient toute tentative de systématisation. Ce n'est que dans les générations suivantes, lorsque l'étude en commun des idées qui inspiraient les premiers adeptes a déjà provoqué la formation d'une communauté définie, que prennent corps et s'organisent, tant par des processus internes au sein de la communauté que sous les influences du milieu ambiant, les aspirations de ceux qui, se sentant appelés à être les interprètes des prédications prophétiques, comblent les lacunes de la doctrine originale, l'expliquent, y supposent ce dont son créateur n'a jamais eu l'idée, donnent des réponses à des questions auxquelles le fondateur n'a jamais songé, concilient des contradictions qui ne l'avaient pas troublé, imaginent des formules nouvelles, édifient un rempart de raisonnements à l'aide desquels ils veulent mettre leurs doctrines à l'abri des attaques intérieures et extérieures. Ils font plus pour prouver que pour expliquer. Ils sont les sources intarissables d'où coulent les spéculations des constructeurs de systèmes. C'est ce qu'il faut admettre impérieusement pour comprendre pourquoi tant de sectes se sont formées tantôt autour d'un illuminé propageant passionnément sa doctrine, tantôt issues d'obscurs courants collectifs remettant en question les dogmes fondamentaux de l'Islam. Parfois la violence de la foi s'accommodait mal des disciplines primitives. C'est ainsi que prit naissance l'ismaélisme engendrant à son tour la secte secrète des Interprètes des Lettres, celles-ci ayant pour les initiés une valeur numérique, une portée et des effets cosmiques, et celle des Assassins dont le culte de l'obéissance fanatique apparaissait sous la forme d'un véritable terrorisme. Les membres de cette communauté ne discutaient pas avec leurs adversaires : ils les supprimaient et regagnaient impunément leurs villages fortifiés du mont Liban. Ils accomplissaient leur besogne de tueurs en état d'extase. Henri, comte de Champagne, a raconté que, passant par les terres des Ismaéliens, et ayant été reçu par leur cheik, « le Vieux de la Montagne », celui-ci lui demanda si ses sujets étaient aussi obéissants que les siens et sans attendre sa réponse il avait fait un signe à trois jeunes gens vêtus de blanc qui s'étaient aussitôt précipités du haut d'une tour. Il avait vu leurs corps s'écraser sur les rochers. Une autre fois, le sultan Malek Shah ayant sommé le Vieux de la Montagne de se soumettre à lui et ayant menacé de le réduire par les armes s'il refusait ; ce dernier désigna un des hommes qui l'entourait et lui ordonna de se poignarder. S'adressant alors à l'ambassadeur du sultan qui avait assisté à la scène, il lui dit : « Va dire à celui qui t'envoie que j'ai soixante-dix mille fidèles animés du même esprit ».

    Comment le Vieux de la Montagne parvenait-il à susciter de tels dévouements ?
    Par quelle magie enchaînait-il ses disciples qui savaient attendre pendant des mois, des années, dans l'ombre des victimes désignées, l'ordre de tuer et de mourir ?

    Les uns racontaient que Sinan, par des pratiques infernales, retirait leur âme à ses Dévoués afin d'en faire des automates. Ils propageaient des histoires terrifiantes. Les enthousiastes surenchérissaient sur les délices dispensées dans les repaires des Assassins et bientôt des récits merveilleux enjolivés par les conteurs circulaient dans toute l'Asie Mineure et l'Egypte, traversaient la Méditerranée et, mêlés aux histoires de guerre, parvenaient jusqu'au fond de l'Occident. Et l'imagination complaisante des poètes faisait briller aux yeux des naïfs ce paradis libanais que le Vieux de la Montagne entretenait pour ses élus ; où l'on trouvait errants en des jardins fleuris, comme il est dit dans le Coran expliquant ce qu'est le paradis de Mahomet, « des jouvenceaux choisis pour leur beauté, nourris de fruits rares et de viandes d'oiseaux, et des adolescentes passionnées ». Chateau de Masyâf Certes, personne ne se demandait comment des lieux aussi enchantés, avec leurs jardins féeriques, leurs oiseaux d'Ethiopie, leurs kiosques de porcelaine, leurs colonnades enduites d'ambre et de musc, leurs bocages de gazelles, avaient pu surgir du sol rocailleux de Masyâf. Ces visions n'étaient-elles pas plutôt le produit du haschisch qui possède le pouvoir de confondre avec la réalité les rêves des disciples, transformant peut-être, sous l'effet de leurs drogues, le bout de jardin crasseux qui se trouvait derrière la maison de Sinan, en un paradis éclatant de fleurs, de parfums et d'adolescents. Quoi qu'il en soit, les Élus étaient soigneusement dressés à leur métier de meurtriers. Leurs initiateurs les perfectionnaient dans le maniement des armes, leur enseignaient plusieurs langues. Leur vie journalière était dure et ascétique ; le dévouement au Grand Maître, qui avait su les détourner d'un monde décevant pour leur découvrir un autre monde, celui de l'exaltation qui devait les mener à la vie éternelle, était absolu.

    Chateau de Masyâf Et les disciples, toujours plus nombreux, accouraient à Masyâf ; ils allaient vers ce noir soleil, tantôt comme vers un couvent, tantôt comme vers un suicide, toujours pour y rechercher avec volupté leur propre évanouissement. Ils allaient vers le Vieux de la Montagne, mystérieux, infaillible, tout-puissant et universellement redouté, pour mettre à ses pieds leur vie en échange de ce grand frisson mystique qu'ils recherchaient. La gloire de cet ordre despotique connut son apogée au XIIe siècle. A la même époque où les Templiers édifiaient leurs forteresses, les Assassins fortifiaient de nouveaux villages, et Masyâf, située en pleine montagne, devint le centre définitif de leur puissance en Syrie. Ainsi cimentée par la chaîne que formait une dizaine de citadelles, la puissance des Assassins s'étendait des frontières du Khorassan aux monts libanais et de la Caspienne à la Méditerranée. Lorsque le Vieux de la Montagne franchissait le seuil de son palais, un héraut le précédait en hurlant : « Tournez-vous devant Celui qui porte la mort des rois entre ses mains ».

    La règle fondamentale de l'ordre établissait une énorme différence entre la doctrine secrète et celle qui était publiquement enseignée au peuple. Il y avait une hiérarchie des initiés. Plus les chefs, cachant la doctrine sous un voile impénétrable, se considéraient affranchis de toute contrainte morale et de toute loi religieuse, plus ils veillaient à ce que tous les devoirs prescrits par l'islamisme fussent observés par leurs sujets, lesquels considéraient les nombreuses victimes du poignard rituel comme des ennemis de la secte et de l'Islam, tombées sous les coups de la vengeance céleste dont les Ismaéliens étaient les exécutants. Et ils propageaient la parole du Grand Maître et de ses missionnaires promettant la domination, non pour eux ou pour l'ordre, mais pour l'Imam invisible dont ils étaient les envoyés et qui paraîtrait lui-même, lorsque l'heure serait venue, pour proclamer ses droits à l'empire universel. Une légende s'était créée autour d'eux et les chrétiens ajoutaient encore à la renommée du Vieux de la Montagne, mystérieux et despotique, dispensateur des délices de la vie, donnant la mort sur un simple signe, révéré comme un saint. Son alliance était recherchée comme un talisman et sa politique inquiétait les chrétiens de toute race. Frédéric Barberousse faillit être tué par un fanatique de cette secte en 1158, au siège de Milan. Richard Cœur de Lion est accusé d'avoir voulu se servir des Assassins pour se débarrasser de Philippe-Auguste. Joinville racontera avec sympathie que « saint Louis envoya au Vieux, parmi l'ambassade et les présents, Yves le Breton, frère prêcheur qui savait l'arabe ». Guillaume de Tyr s'étend complaisamment sur ce « Grand Maître d'un esprit supérieur, d'une vaste érudition, versé dans la loi chrétienne et connaissant à fond la doctrine de l'Évangile ». Telle était la puissance de cet ordre redoutable ayant porté l'assassinat à la hauteur d'une œuvre pie.

    Histoire des assassins
    Hassan (Image provenant d'une enluminure ancienne) Les Ismaélites, tout en se rattachant au souvenir de Mahomet, interprétaient l’islamisme à leur gré, et le dénaturaient entièrement. Ils défendaient de prendre au sérieux les pratiques du Coran, telles que la prière, le jeûne et l’aumône, et le khalife fatimite Hakem fonda au Caire une société dite de sagesse, qui condamnait tout ensemble le khalife de Bagdad, comme usurpateur, la foi et la morale comme des préjugés et des folies. La secte des Assassins est sortie de cette école.

    Hassan, fils de Sabbah, était né dans le Khorazan ; son père, partisan d’Ali, l’avait confié, pour éviter les soupçons, à un Sunnite renommé par sa vertu entre les partisans du khalife de Bagdad ; mais de fréquentes conversations avec les Ismaélites l’entraînèrent dans leur doctrine, et il passa en Égypte pour recevoir de la bouche du khalife fatimite lui-même l’enseignement de la vérité. Accueilli avec empressement, admis à la plus intime faveur, et bientôt disgracié par l’habileté des courtisans, il revint en Asie à travers mille dangers, rapportant un grand désir de puissance, et tous les moyens nécessaires pour y parvenir (vers l’an 1073).

    Hassan fit rapidement des disciples nombreux, et avec leur dévouement il s’empara de la forteresse d’Alamout dans le voisinage du sultan Malek-Schah. D’autres châteaux s’élevèrent dans les environs ; en vain Malek-Schah voulut les détruire ; son grand vizir fut mis à mort par un des disciples d’Hassan, et lui-même mourut sans avoir le temps d’assurer sa vengeance. D’autres meurtres, d’autres menaces, agrandirent cette puissance naissante. Le sultan Sindjar, qui régnait dans le nord-ouest de la Perse, s’était déclaré l’ennemi des nouveaux sectaires : un matin à son réveil, il trouve un stylet près de sa tête, et au bout de quelques jours il reçoit une lettre ainsi conçue : « Si nous n’avions pas de bonnes intentions pour le sultan, nous aurions enfoncé dans son cœur le poignard qui a été placé près de sa tête. » Sindjar fit la paix, par crainte, et accorda à Hassan, à titre de pension, une partie de ses revenus.

    On dit qu'Hassan habita Alamout pendant 35 années, et que, dans cet intervalle, il ne se montra que deux fois sur la terrasse de son palais.
    C’est alors qu’il organisa la société créée par lui, et qu’il la divisa en trois classes, les daïs, les reficks, et les fédaviés. Les daïs étaient les docteurs, les prédicants, chargés de convertir les infidèles. Les reficks étaient les compagnons, les initiés de la doctrine ; le peuple soumis à l’autorité tout à la fois religieuse et temporelle du chef suprême. Les fédaviés ou dévoués, étaient les instruments des volontés et des vengeances de leur maître.

    Enfermés dès leur enfance dans les palais, sans autre société que leurs daïs, les fédaviés apprenaient que leur salut éternel dépendait de leur dévouement et qu’une seule désobéissance les damnait pour toujours. A cette crainte du châtiment se joignait avec la même efficacité l’espoir des récompenses; on leur promettait le paradis, on leur en donnait quelquefois une jouissance anticipée. Pendant leur sommeil, provoqué par une boisson enivrante, ils étaient transportés dans de magnifiques jardins où ils trouvaient à leur réveil tous les enchantements de la volupté ; après quelques jours de félicité extrême, le même breuvage les endormait de nouveau, et ils retournaient sans le savoir au lieu d’où on les avait emportés. A leur réveil ils racontaient, comme un songe ou comme une réalité, cette sorte de ravissement dont ils avaient joui, et ils s’animaient encore, par ce souvenir d’un bonheur passager, à mériter celui qui n’aura pas de fin. Introduits quelquefois devant leur seigneur, celui-ci leur demandait s’ils voulaient qu’il leur donnât le paradis, et sur leur réponse qu’ils étaient prêts à exécuter ses ordres, il leur remettait un poignard et leur désignait une victime.

    Cette, société porta différents noms; on les appela Ismaélites orientaux, pour les distinguer de ceux d’Égypte ; Bathéniens ou partisans du culte intérieur ; Molahed ou impies ; et enfin Assassins. Ce nom n’est qu’une corruption de hachichin, qui lui-même vient de hachich ; le hachich était un breuvage enivrant qui servait à endormir les fédaviés. Le chef suprême s’appelait le Seigneur des couteaux, et plus souvent le seigneur de la Montagne, Scheick al Djébal. Le sens primitif de seigneur, dérivé de senior, a fait traduire ce mot par Vieux de la montagne.

    La puissance des Assassins s’étendit successivement depuis la Méditerranée jusqu’au fond du Turkestan. Leurs châteaux étaient divisés en trois provinces : celles de Djébal, de Kuhistan et de Syrie ; chaque province avait à sa tête un dailbekir, immédiatement soumis au Vieux de la montagne. Pendant les 150 années que remplissent les règnes d’Hassan et de ses successeurs, ils entretinrent une continuelle terreur dans l’âme de tous les souverains de l’Asie. Le seul prince qui ne fléchit pas devant eux, et dont ils révérèrent la fermeté, ce fut Saint-Louis : il leur signifia qu’il était mécontent de leurs menaces, il demanda et il obtint réparation.

    Les Assassins ne succombèrent que sous les coups des Mongols en 1258 ; le septième successeur d’Hassan, Rokneddin Kharchah, régnait alors. Les Mongols, sous la conduite d’Houlagou, le vainquirent et le mirent à mort. Les Assassin, recherchés dans toute l’Asie, furent impitoyablement massacrés, partout où il fut possible d’en trouver. Cependant ils ne purent tous être atteints, et il en existe encore aujourd’hui dans la Perse, sur les bords de l’Indus et du Gange, et dans les montagnes du Liban ; ils ont perdu leur puissance et leur fureur de meurtre; mais ils conservent en partie la doctrine ismaélite.
    Sources: Gaillardin « Dictionnaire du XIXe siècle »

    Retour Ordre du Temple La Préceptorie

Haut-page

Licence Creative Commons
Les Templiers et Les Croisades de Jack Bocar est mis à disposition selon les termes de la licence Creative Commons Attribution - Pas de Modification 4.0 International.
Fondé(e) sur une oeuvre à http://www.templiers.net/.
Les autorisations au-delà du champ de cette licence peuvent être obtenues à http://www.templiers.net/.