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Dignitaires et Sceaux du Temple, de France de l'Etranger et des provinces

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Saint-Chamans, Saint-Amand
En 1208, Pierre de Saint-Chamans, chevalier, et Guillaume de Saint-Chamans, son fils, rendent hommage au vicomte de Ventadour pour le château, forteresse et ville de Saint-Chamans, acte où Pierre de Saint-Chamans est dit neveu du grand-maître des Templiers, Eudes ou Odo de Saint-Chamans.
Collatéral Eudes, grand-maître des Templiers.
Eudes ou Odo de Sancto-Amantio fut d'abord séculier, maréchal du royaume de Jérusalem et, en 1160, vicomte de Jérusalem. Il signa, en conséquence, une donation de Baudouin IV, roi de Jérusalem aux chevaliers de Saint-Jean. En 1175, il parait dans une charte d'accord entre l'église d'Octes et l'hôpital de Jérusalem. Il quitta l'état séculier, se fit chevalier du Temple et devint grand-maître après Bertrand de Blanchefort (1).
1174. Il eut, comme grand-maître, un diplôme d'Amaury, roi des Latins.
En 1179, il fit le traité de paix rapporté dans les preuves de mes filles, dont l'original est à Malte, avec Roger des Moulins, grand-maître de Saint-Jean de Jérusalem, et scellé de nos armes (2).
1. Odon fut fait prisonnier par Noradin avec le grand-maître des Templiers Bertrand de Blanchefort, dans une embuscade, près de Panéas, ville de Phénicie, 1157. Devenu grand-maitre, Odon et Joubert, grand-maître des Hospitaliers, furent chargés par Amaury, roi de Jérusalem, du gouvernement de son royaume pendant un voyage qu'il fit à Constantinople. Durant son magistère, Odon refusa de livrer aux officiers de justice du roi, sous le prétexte qu'il n'était justiciable que du Pape, un de ses chevaliers qui avait traîtreusement assassine un envoyé du Vieux de la Montagne.
2. Archives de Malte, d'après une note du marquis Hippolyte.


Il fut pris dans une bataille contre Saladin, et voici ce que dit l'abbé de Vertot : « Le grand-maître des Hospitaliers, percé de coups, eut encore assez de forces pour passer le Jourdain à la nage et gagner le château de Beaufort. Mais Odon de Saint-Amans, grand-maitre des Templiers, accablé par le grand nombre, resta prisonnier.
« Robert Dumont, historien contemporain, rapporte que Saladin lui offrit sa liberté en échange d'un de ses neveux qui était prisonnier de l'ordre, mais que ce généreux grand-maître lui répondit courageusement qu'il ne voulait point, par ses exemples, autoriser ceux de ses religieux qui, dans l'espérance d'être rachetés, seraient assez lâches pour se rendre prisonniers ; qu'un Templier devait vaincre ou mourir et qu'il ne pouvait, au plus, donner, pour sa rançon, que sa ceinture et son couteau (1). »
1. « On ne sait de quelle manière, dit Vertot, il se tira des mains de ces barbares ; mais on verra par la suite qu'il revint à Jérusalem. » Il a oublié cette promesse, son histoire de Malte n'en dit pas plus long sur Odon.
Voilà, mes enfants, quelle était la façon de penser de mes ancêtres, il y a plus de six cents ans.

Arnauld de Troyes (2) fut grand-maître des Templiers après Odo de Saint-Chamans.
2. Arnauld de Toroge (de Turre Rubrâ), VIIIe grand-maître.

L'on voit dans l'histoire des Ordres militaires ce qui suit : neuf ans après la fondation des Templiers, en 1128, il y eut un concile à Troyes, où furent réglés les statuts de l'ordre et où se trouvent : Hugues, le maître de la chevalerie, frère Godefroy, frère Rocable, frère Geoffroy Bisot, frère Payen de Montdidier, Archambauld de Saint-Amans.
Il y a, à Saint-Germain-des-Près, deux titres concernant cet Hugues.
Une bulle, 1115, renouvelée en 1154, accorde le droit de sépulture à Saint-Martin-de-Tulles, comme possédé de temps immémorial.
En 1154, Bertrand de Saint-Chamans prouve posséder les dimes de Monceaux de temps immémorial.
Sources : Notes et documents pour servir à l'histoire de la maison de Saint-Chamans, pages 59 et 60. Eusèbe Bombal. Récit généalogique à ses enfants, par le marquis Antoine-Marie-Hippolyte de Saint-Chamans. Tulle 1891. BNF

Troisième salle des croisades, n° 19
380. Bataille d'Ascalon. — 18 novembre 1177.
Par M. LARIVIÈRE. — H. 3,14. — L. 5,63.

Baudouin IV, roi de Jérusalem apprenant que les Sarrasins avaient envahi son territoire, sortit d'Ascalon du côté de la mer et suivit le rivage, afin de surprendre Saladin dans la plaine où il s'était arrêté. Il avait avec lui Odon de Saint-Amand, grand-maître du Temple, et quatre-vingts de ses chevaliers, le prince Raimond, Baudouin de Ramla, et Balian, son frère, Renaud de Sidon et le comte Josselin, son oncle, sénéchal du royaume ; Albert, évêque de Bethléem, portant le bois de la vraie Croix, marchait à leur tête. Le roi Baudouin étant malade se faisait porter sur un brancard. Tandis qu'ils s'avançaient, le spectacle des incendies qui sillonnaient le passage des Sarrasins excitait leur courage, et ils joignirent enfin l'ennemi vers la huitième heure du jour. Après une courte résistance, le désordre se mit dans les rangs des Infidèles, qui prirent la fuite en laissant sur le champ de bataille un grand nombre de morts.
Ce tableau a été exposé au Salon de 1844.
Sources : Soulié, Eudore. Notice du Musée impérial de Versailles, Page 96. Partie 1. Paris 1859. BNF

Mlle Charageat (Bulletin de la Société Archéologique de la Corrèze) a souligné l'importance de la maison de Saint-Chamant au XIIe siècle. Odon de Saint-Chamant prend la croix en 1147, est élu grand maître de l'Ordre du Temple en 1171. Il meurt captif de Saladin en 1179.
Sources : Bulletin trimestriel. Centre international d'études romanes, page 45 (notes). Paris 1970. BNF

SAINT-CHAMANT (OU SAINT-AMAND)
La maison de Saint-Chamant, en Limousin, est ancienne et illustre. Elle a donné à l'ordre du Temple Odon de Saint-Amand, 7e grand-maître. Elle se divisa en plusieurs branches, et, outre les Saint-Chamant, seigneurs de Saint-Chamant, il y eut les Saint-Chamant de l'Étrange, les Saint-Chamant du Pescher, etc. Suite
Sources : Bulletin de la Société scientifique historique et archéologique de la Corrèze, page 608. Brive 1883. BNF

EUDES OU ODON
Eudes ou Odon de Saint Chamas (Odo de Sancto Amando) fils d'Archembaud, naquit vers 1111 et fut mis de bonne heure à la tête du domaine familial, son père ayant fondé l'ordre des Templiers et sa mère étant entré au Couvent. Les exemples de sa famille ne furent d'ailleurs pas sans influence sur sa carrière, car dès 1148, avec plusieurs chevaliers provençaux, sous les ordres d'Alphonse Jourdain, Comte de Toulouse, il rejoignit la 2e Croisade, et débarqua en Avril à Saint Jean d'Acre ; mais Alphonse ayant été empoisonné avant d'arriver à Jérusalem, il poursuivit seul sa route, et offrit ses services et son épée au roi Baudoin III qui le nomma successivement maréchal (3), puis vicomte de Jérusalem.
3. Guilaume de Tyr, XVIII, 14 ; d° XX, 32.
Nous trouvons en effet des actes de 1155 où il signe comme simple baron, d'autres de 1156 où il signe comme maréchal (4).
4. Cartulaire du Saint Sépulcre, n° 54, 56, 50, 62 ; Assises de Jérusalem, ch. 32, 33, 34; Paoli, Codice Diplomatico, 11° 32 ; Rohricht. Regesta 291, 321.

A partir de 1160, il contre-signe les actes du roi soit comme châtelain de la Tour-de-David, soit comme vicomte de Jérusalem (5).
5. Du Cange, Familles d'Outremer, pages 644, 625, 876 ; Cartulaire du Saint Sepulcre, n° 100 ; Codice Diplomatico, n° 36 ; Assises de Jérusalem, charte 36 ; Rochricht, Regesta, 341 et 366
Odon prit part à toutes les batailles contre les Sarrazins, entre 1153 et 1162.

On sait que le royaume de Jérusalem, fondé par Godefroy de Bouillon, comprenait la partie de la Syrie et de la Palestine située entre le Jourdain et la Méditerranée depuis la Cilicie jusqu'aux confins de l'Egypte, avec quelques enclaves, mal définies jusqu'aux environs de l'Euphrate. Mais ces possessions étaient constamment menacées par les Sarrazins qui occupaient le sultanat de Damas, et même par l'empereur d'Orient, allié infidèle, qui sous couleur d'aider les croisés, ne se privait pas de les trahir à l'occasion.

A l'époque qui nous occupe, le roi Baudoin III arrivait à grand peine à défendre ses frontières orientales contre les incursions de Noureddine, sultan de Damas, tandis qu'au sud les Egyptiens s'étaient avancés jusqu'à Ascalon qu'ils avaient enlevée aux Francs. Aussi l'état de guerre était-il endémique entre Chrétiens et Musulmans.

En 1153, Baudoin résolut de reprendre Ascalon. Odon de Saint Amant, en qualité de maréchal, commandait les troupes qui mirent le siège devant cette ville. Après six mois d'efforts, Ascalon fut pris d'assaut et les croisés entrèrent en triomphe dans la ville : Odon figurait à la tête de ses troupes suivi du roi qui avait à sa droite le Grand Maître du Temple, à sa gauche celui de l'Hôpital escortés chacun de leurs Chevaliers.

Mais trois ans plus tard le 19 Juin 1156, Noureddine attaque à son tour et brûle la ville de Panéade, ou Césarée ; puis, feigant de se retirer il se cache avec les siens dans la forêt du Gué-de-Jacob. Baudoin s'avance, sans méfiance, accompagné seulement d'Odon, de ses chevaliers et des Templiers ; mais au moment où ils traversaient un défilé, Noureddine tombe sur eux et les enveloppe. La lutte devenant impossible, Odon et les Chevaliers protègent la fuite du roi qui se réfugie dans le fort de Safed, mais eux-mêmes sont faits prisonniers ainsi que le Grand Maître du Temple, Bertrand de Blanquefort, et la fleur de la noblesse française. Ils sont, emmenés à Alep (1).
1. Guillaume de Tyr, XXI, chapitre 29

Traités avec les égards dûs à leur rang Saint Amant et Blanquefort recouvrèrent bientôt la liberté que leur offrit Noureddine désireux de plaire à l'Empereur Manuel Comnène. Redoutant, en effet, une alliance de ce monarque avec Baudoin, le conquérant syrien avait acheté sa neutralité en libérant d'un coup les Chevaliers pris à Panéade et aussi 6.000 hommes de troupes capturés précédemment à l'empereur Conrad d'Allemagne (1).
1. Cinnamus, lib. IV, 204.

A partir de ce moment, une paix relative s'établit entre Chrétiens et Musulmans, et Odon put se consacrer aux affaires du royaume et surtout à l'administration de la vicomté que le roi lui avait octroyée.
Cette charge était la même que celle de Châtelain (2) En effet dans certains actes, Odon de Saint Amant signait: vice-comes et castellanus Jerusalem (3).
2. Du Cange, Glossarium.
3. Rohricht, Regesta, n° 341 et 366 ; Strehlke, Tabulac, pages 2 et 3.


Odon fut d'ailleurs le dernier vicomte de Jérusalem. Sa résidence officielle était la Tour de David, imposante forteresse à l'Ouest de la ville. En 1162, le roi Baudoin étant mort, Amaury, son frère, lui succéda et s'empressa de porter la guerre en Egypte.
Reprenant ses fonctions de maréchal, Odon remporta une première série de succès contre le sultan d'Egypte et reconquit Bilbès ou Biblos et Alexandrie. La campagne terminée, Odon revint en Palestine, où le roi le nomma Grand Bouteiller (4).
4. Guillaume de Tyr, XX, 1 ; XXI, 22, 29 ; Cartulaire du Saint Sépulcre, 144.

Cette dignité (pincerna) était un des quatre grands offices des royaumes de France et de Palestine. La liste des Bouteillers, publiée par Du Gange, comprend les plus grands noms de France. Le Bouteiller cumulait les fonctions de Ministre de la Justice et des Finances et c'est en cette qualité qu'il signa divers actes du roi Amaury, de l'année 1164 (5).
5. Cartulaire du Saint Sépulcre, 144 ; Assises de Jerusalem, 39 ; Rohricht, 400.

C'est également pendant qu'il exerçait ces fonctions, que le roi Amaury le chargea d'une mission délicate. Il s'agissait de négocier une alliance avec l'empereur Romain d'Orient, Manuel Comnène, dont le prestige était à l'apogée. Pour cimenter cette alliance, Amaury songeait à un second mariage. Il chargea Odon de faire un choix parmi les princesses de la maison impériale : Dans sa lettre à l'empereur, il le priait de lui envoyer l'une de ses plus proches parentes pour l'épouser et la faire reine de Jérusalem « De quoy fust l'empereur moult liès » (L'Estoire de Eraclès).

Odon de Saint Amant s'embarqua en 1165 avec Hernésius, Archevêque de Césarée, mais soit que le choix qu'il avait à faire fût embarrassant, soit à cause des nombreux protocoles et des fêtes que, pour frapper les imaginations, Manuel Comnène multipliait à plaisir, les deux ambassadeurs demeurèrent deux ans à la Cour Impériale (1).
1. Guillaume Tyr, XX, I ; Schlumberger, Campagnes d'Amaury, page 15.

Ce fut un émerveillement à Tyr, lorsqu'au bout de ce temps, on vit Odon rentrer dans le port de cette ville, à la tête d'une flottille de galères byzantines ramenant la gracieuse princesse qu'il avait choisie, Marie Comnène, petite nièce de l'empereur Manuel.
Le mariage royal eu lieu en 1167 ; Odon fut comblé d'honneurs, et devint le premier personnage du royaume.

Quelques années plus tard, en 1171, le Grand Maître des Templiers, Philippe de Milly, ayant abdiqué, Odon de Saint Amant fut nommé à sa place. On ignore si Odon était entré dans l'Ordre comme simple chevalier, avant sa nomination nous avons tout lieu de penser le contraire, d'abord à cause de la haute situation qu'il occupait à la Cour, ensuite parce que nous trouvons en 1172 une bulle du pape Alexandre III modifiant certains statuts des Templiers ; or cette bulle, adressée à Odon de Saint Amant, en qualité de Grand-Maître, édicte qu'à sa mort (te obeunte, dilecte fili) et à celle de ses successeurs, le nouveau Grand Maître ne pourrait être choisi que parmi les Chevaliers du Temple, ce qui semble indiquer qu'Odon avait été élevé d'emblée à cette dignité (2).
2. Rymer, Foedera II, 30.

Aussitôt qu'il eût pris possession de son Magistère, il eut à lutter pour maintenir intactes les prérogatives de l'Ordre. Jamais dit le P. Jeune (page III) les chevaliers n'avaient eu un chef aussi zélé pour la conservation de leurs privilèges.

Tout en signant « humble maistre des pauvres Chevaliers du Temple », Odon n'avait garde d'oublier la formule d'après laquelle il ne devait obéissance, après Dieu, qu'au Pape, per dominum papam Alexandrum cui solo post Dominum obedire tenemur. Le titre de Grand-Maître conférait, en effet, le rang de prince souverain.
On verra plus tard, au Concile de Lyon (1245) le grand-maître du Temple avoir le pas sur les ambassadeurs.

Dès le début, il eut à combattre le templier Milon, frère du roi d'Arménie, qui, après avoir apostasié, fit la guerre aux Chevaliers du Temple, ravageant leurs terres, et vendant aux infidèles ceux de ses anciens confrères qui étaient tombés entre ses mains.

Un incident qui se produisit en 1173 amena une rupture entre le roi Amaury et le Temple. Il existait à cette époque dans les montagnes du Liban, une secte ou société secrète, dont les membres se nommaient Hassisines d'où on a fait, plus tard, le mot assassin.

Leur chef qu'on appelait le Vieux de la Montagne, avait le droit de vie et de mort sur ses adeptes dont les déprédations terrorisaient la contrée. A un moment donné, il envoya une députation au roi Amaury, se disant prêt à abjurer l'islamisme, pour embrasser la religion chrétienne, à la condition que les Templiers qui l'avait vaincu et lui faisaient payer un tribut annuel de 2000 besants d'or, renonçassent à ce tribut. Le roi promit d'obtenir cette renonciation, se proposant, au besoin, d'indemniser les Templiers. Mais tandis que l'envoyé des Assassins s'en retournait dans son pays, il rencontra un des Templiers, Gautier du Mesnil, qui s'étant pris de querelle avec lui, le tua.

Cette violation des lois de l'hospitalité provoqua la colère du roi qui envoya deux messagers au Chastel Blanc, demandé au Grand-Maître de lui livrer le coupable. Odon refusa : il répondit que c'était à lui seul de le punir, sauf appel au Pape, mais qu'en attendant, il défendait à quiconque de le toucher sans la permission du Saint Père. Le roi ne tint pas compte de cette prohibition et, profitant d'une absence du Grand-Maître, fit enlever de force Du Mesnil et le jeta en prison à Tyr.

Cet événement aurait pu avoir des conséquences fâcheuses pour la Chrétienté si Amaury n'était mort quelques mois plus tard. Guillaume de Tyr, qui était alors précepteur des enfants du roi Amaury, avait pris fait et cause contre Odon ; voilà pourquoi, dans son histoire des croisades, il appelle Odon homo nequam, super bus, arrogans. Nous savons, par ailleurs, que Guillaume de Tyr n'aimait pas plus l'Ordre du Temple que celui de l'Hôpital. Les écrivains postérieurs — car il y a toute une bibliothèque sur Odon de Saint Amant — ont fait justice de ces accusations. Notamment, un auteur allemand le professeur Friedrich Lundgreen dans un ouvrage très documenté (Wilhem von Tyrus und der Templeorden) presque exclusivement consacré à Odon de Saint Amant, démontre lumineusement la fausseté de ces accusations qui, d'après lui, sont dictées par un sentiment d'animosité. La conduite d'Odon, dit-il, dans l'incident des Assassins, était absolument correcte, étant donnés les privilèges accordés par le pape Alexandre dans la bulle déjà citée, en vertu de laquelle les Templiers n'étaient soumis qu'à la juridiction du Saint Père (1).
1. Rymer L., page 61 ; Migne, vol. 200, page 919 ; Lundgreen, page 150 et Suivantes.

Quant à l'insinuation d'après laquelle Odon aurait armé la main de Du Mesnil pour ne pas perdre le tribut, elle est tout simplement absurde. En supposant — ce qui est douteux — que les Assassins fussent sincères, Odon n'avait aucun intérêt à supprimer leur envoyé, ni même à refuser leur proposition, puisque le Roi s'engageait à indemniser l'Ordre de la perte du tribut. D'ailleurs tous les auteurs, à l'exception de Guillaume de Tyr et de ses copistes, rendent hommage à la grandeur d'âme et à la droiture d'Odon.

Lundgreen ajoute qu'il était d'un caractère sympathique, bon et généreux. Il cite à cet effet une charte du 4 Février 1171 par laquelle le roi Amaury prend à sa charge une rente de 20 besants d'or qu'Odon de Saint Chamas, à l'époque où il était Grand Bouteiller, versait annuellement à titre d'aumône, sur ses propres fonds, aux lépreux de Saint-Lazare (2).
2. cartulaire de Saint Lazare, page 145 et Rohricht, Regesta, n° 487.

La mort d'Amaury fut bientôt suivie de celle de Noureddine ; mais un ennemi plus formidable que ce dernier entrait en scène. Saladin, sultan d'Egypte, rêvant depuis longtemps de s'emparer de la Syrie, commença contre les Croisés une guerre sans merci. Baudoin IV qui succédait à Amaury n'eut garde de prolonger le malentendu entre la royauté et les Templiers dont les services lui étaient indispensables ; il se montra très respectueux des prérogatives de l'Ordre qui, à son tour, ne lui marchanda pas son concours.

En 1175 1176, Odon et ses Chevaliers font plusieurs incursions sur Damas et Balbeck, et battent le frère du Sultan, puis se joignant à Philippe, comte de Flandre, qui venait d'arriver avec des troupes fraîches, ils ravagent les environs de Césarée mettent le siège devant la forteresse de Harenc et ne le lèvent que contre paiement d'une forte rançon en or ; mais rentrés chez eux ils s'aperçoivent que les Sarrazins les ont dupés en leur remettant de la monnaie de cuivre (1).
1. Rogerius de Hoveden, Chronica, année 1177, II, page 132.

L'année suivante, le 25 Novembre 1177, le Grand-Maître, prenant sa revanche, remporta à Ramlé (Ramla) une victoire éclatante, relatée par tous les historiens comme l'un des plus beaux faits d'armes de l'époque, et que quelques-uns qualifient de miraculeuse.

Saladin avait réuni une armée formidable composée, suivant Guillaume de Tyr, de 26.000 cavaliers, sans compter l'infanterie, et franchissant la frontière méridionale de la Palestine, était venu camper à Ramlé (Ramla), près d'Ascalon où se trouvait le roi. « Avec le roy estoit Huedes de Saint Amant li mestre del Temple qui avoit avec lui quatre vinz frères à armes et li prince Renauz, Baudoin d'Athènes et Balien son frère. Partous ne fussent mie plus de toutes genz trois cenz soissante quinze » (2)
2. Estoire de Eraclès, livre XXI, chapitre 2.

Malgré la supériorité écrasante des Infidèles, les Croisés décidèrent d'offrir la bataille et sortirent de la ville en pleine nuit transportant avec eux la Vraie Croix qui les suivait toujours dans les combats importants.

Tandis que les 300 gens d'armes se massaient en pointe encadrant la Sainte Relique. Odon à la tête de 84 templiers fit brusquement irruption à l'endroit où il savait que se trouvait Saladin. Se précipitant tous comme un seul homme, lui et ses chevaliers, ils pénètrent sans hésiter au milieu des tentes royales, frappant de taille et d'estoc, et coupent furieusement en pièces tout ce qu'ils trouvent : (affligunt, collidunt, et conterunt).
Saladin et les siens surpris, frappés de panique n'ont pas le loisir de se rallier ; ses gens s'enfuient et le Sultan n'a que le temps de sauter sur un dromadaire.

L'historien anglais Radulfus de Diceto qui raconte ces faits avec tous les détails ajoute qu'Odon de Saint Amant se conduisit avec tant de valeur qu'il peut être comparé à Judas Macchabée, et il cite le verset du Deutéronome : unus mille persequabatur et duo fugarunt decem millia (1). Parmi les prisonniers faits par Odon, se trouvait l'émir Sahan Chah, fils de Tag-el-Dine, et neveu de Saladin.
1. Rad. de Diceto, Ymagines Historiarum, anno 1177.

Cette victoire provoqua la soumission de plusieurs tribus musulmanes et une quantité de donations territoriales en faveur des Templiers. Nous trouvons, entre autres, parmi les documents conservés par l'Ordre de Malte à la Valette, une charte de 1178 par laquelle Renaud Mansoër, seigneur de Margat, donne à Odon, grand-maître, et aux Chevaliers du Temple, la moitié de ses biens (2).
2. Delaville Leroulx, Documents sur les Templiers page 17 ; Rohricht, n° 568, et Migne, Patrol lat. vol. 155, page 1251.

Un des actes les plus importants d'Odon fut le traité de paix conclu par lui en 1179 avec le grand-Maître de l'Hôpital, Roger des Moulins, qui mit fin aux contestations entre les deux Ordres — querelles particulières des Chevaliers, questions de préséance, de bornage de terres, etc... Ces divisions contristaient le pape Alexandre qui s'en ouvrit à Bohémond, prince d'Antioche. Ce dernier provoqua une entrevue des deux grands Maîtres au Krack des Chevaliers.

Le 15 Février 1179, en présence du roi Baudoin IV, de Bohémond, prince d'Antioche, de Raymond comte de Tripoll et d'une foule d'autres seigneurs, les deux grands-maîtres signaient enfin le traité de paix et de concorde. Ce document débute ainsi : « Ego Odo Sancti Amantis humilis magister Militiæ et ego Rogerius de Molinis humilis Minister Hospitalis Jerusalem » et mentionne tous les différends qui avaient divisé les deux Ordres, avec leur solution (3)
3. Archives de Malte, Division I, volume 3, pièces 60 et 65, et aussi Rymer, I, page 61 ; Rohricht, Reg., n° 572, 573, 574 ; Migrie, P. Livre, 200, page 1243
Il est intégralement reproduit dans la Bulle que le Pape Alexandre III envoya en 1179 à Odon pour le féliciter et confirmer le traité de paix (4) 4. Rymer 7 œdera I. page 61.

Nous arrivons enfin à l'année 1180 qui fut fatale pour Odon et pour les Chrétiens d'Orient. Pour s'opposer aux attaques des Sarrazins, Odon de Saint Amant avait fait construire à la frontière de la Palestine et de la Syrie, sur la rive gauche du Jourdain, à un endroit appelé le Gué de Jacob, une forteresse qui fut achevée en six mois, malgré les incursions continuelles des Arabes. Les Templiers s'y retranchèrent aussitôt mais Saladin dont la puissance augmentait de jour en jour, vint avec des forces imposantes attaquer l'armée franque qui, écrasée sous le nombre et ne pouvant soutenir le choc commença à se débander.

Ce jour-là, les Chrétiens n'avaient pas la Sainte Croix qui était restée à Tibériade, et c'est à cette omission que les chroniqueurs attribuent la défaite (1).
Les turcoples au service des Croisés commencèrent par s'enfuir : les troupes découragées n'opposèrent qu'une faible résistance. Seuls, les Chevaliers tinrent ferme. Odon, isolé avec le comte de Tripoli et quelques chevaliers, résista pendant quelque temps, mais ils furent débordés. Le roi put à grand peine se sauver, le Comte de Tripoli s'enfuit à Tyr et Renaud de Chatillon qui arrivait avec des renforts, voyant la débandade, fit prudemment volte-face.
1. Ms. Bibliothèque Nationale, france 6447, Page 369 ; Gestes des Chiprois, n° 36.
Quant au brave Saint Amant, dit le P. Jeune (2) « il se défendit jusqu'à la dernière extrémité et se serait fait tuer si les Sarrazins ne l'eussent épargné pour l'avoir prisonnier. »
2. R.P. Claude Mansuet Jeune, Histoire des Templiers, page 122.

Le Sultan tenait, en effet, à ce prisonnier de marque pour l'échanger contre son propre neveu, l'émir Sahan Chah, capturé précédemment par Odon et qui était toujours captif chez les Templiers. Il en fit la proposition à Odon qui refusa fièrement disant que la coutume des Templiers était de ne donner pour leur rançon que leur ceinture et leur poignard : Noluit dicens non esse consuetudinis Militum Templi ut aliquam redemptionem durent pro eis præter cingulum et cultellum
Je ne veux point, ajouta-t-il, autoriser la lâcheté de ceux qui se laisseraient prendre dans l'espoir d'être rachetés : un Templier doit vaincre ou mourir (3).
3. Robert de Monte dans Sig. de Combloux, page 152 ; Trivet, dans spicileg d'Acheri, III, page 162 ; Ducange, 876 ; Curtler, Histoire des Templiers, 159 ; Paciaudi, Gran mæstri, II, 132. L'art de vérifier les dates tome V, page 343.

Salaheddine s'empara de la forteresse, la démolit et, pour se venger des Templiers, fit subir à ceux d'entre eux qui tombèrent entre ses mains, un supplice affreux, en les faisant scier par le milieu du corps (4) ; il ne pût néanmoins délivrer l'émir prisonnier dont la captivité dura encore cinq ans. Odon de Saint Amant, fut emmené à Damas où il ne tarda pas à succomber à ses blessures, malgré les soins des médecins arabes.
4. Genebrardus, Chronicron IV, 371 ; Menolog. Cistercien, page 194.

Tous les écrivains anciens et modernes rendent hommage à la noblesse de caractère d'Odon, à sa bravoure, à ses exceptionnelles qualités d'administrateur comme vicomte de Jérusalem, et en dernier comme Grand Maître des Templiers. Sous son magistère, dit Wilcke, l'Ordre a atteint son plus haut degré de prospérité : unter Odo erreichte der Orden seine hochste Bluthe.

Quoiqu'en dise Guillaume de Tyr dont la partialité a été stigmatisée par tous les auteurs, Odon fut universellement regretté de ses contemporains. Seuls, les Sarrazins se réjouirent de sa mort en disant que l'enfer l'avait accueilli. Cette expression que nous trouvons dans le Livre des Deux Jardins est communément employée par les écrivains arabes pour annoncer la mort d'un chevalier chrétien. Voici, par exemple, comment ils commentent la mort du roi Amaury : Le roi des Francs est mort ; que Dieu le maudisse et le condamne au supplice réservé aux Pécheurs. Guillaume de Tyr a donc eu tort de considérer ce langage comme un signe de mésestime particulière. Venant de la part des plus farouches ennemis qu'Odon eut à combattre, ces impropères constituent à nos yeux la meilleure des louanges.

Deux faits viennent d'ailleurs démontrer combien Odon de Saint Amant fut regretté des siens. D'abord, le même historien arabe ajoute que les Templiers rachetèrent son corps moyennant une forte rançon. Ensuite l'Obituaire du Temple nous apprend que les Templiers honoraient sa mémoire le 7 Octobre de chaque année anniversaire de sa mort (1).
1. Bibliothèque Nationale, latin 1504 ; Mas-Latrie, Trésor de Chroniques, 2209 Barthélemy Obituaire de Rems, 328.

Nous avons déjà indiqué que l'aversion de Guillaume de Tyr pour deux Ordres Militaires avait été déjà remarquée par les chroniqueurs (2) et lumineusement démontrée notamment par F. Lundgreen (3) qui consacre un chapitre entier aux mésintelligences entre Guillaume de Tyr et Odon de Saint Amant et recherche les causes qui, à son avis, ont aigri les rapports entre les précepteur des enfants du roi Amaury et le Grand Maître des Templiers.
2. L'Art de vérifier les dates, V, 343.
3. Lundgreen. Will. von Tytus und Tempelorcten, page 150 et suivantes.


Guillaume de Tyr, dit-il, aveuglé par la haine qu'il professait pour les deux Ordres Militaires, et par son ressentiment personnel, ne nous dit rien des grandes choses accomplies par Odon ; il serait, ajoute-t-il, tout-à-fait injuste et inexact de juger du caractère d'Odon de Saint Amant à travers les appréciations de Guillaume de Tyr (ganz ungerechtfertigt und vollig verfehlt). En effet cet écrivain si exact et si minutieux dans d'autres circonstances nous tait systématiquement toutes les actions d'éclat d'Odon et ne relate que ce qu'il ne peut éviter de dire : D'ailleurs si le roi Baudoin IV ne l'avait pas eu en si haute estime, il ne l'aurait pas — au moment où sa propre maladie le rendait incapable de gouverner — choisi pour faire partie du Conseil de Régence qui devait administrer le Royaume à la place du roi (1).
1. Lundgreen, page 154, et Guillaume de Tyr livre 21, 14.

Un savant historien, M. René Grousset, vient de publier une magnifique histoire des Croisades où il est incidemment question d'Odon de Saint Amant. Dans le 2me volume de cette œuvre magistrale, l'éminent écrivain n'est pas tendre pour le grand Maître qu'il juge uniquement à travers les appréciations de Guillaume de Tyr.
Mais, dans le 3me volume page 766 l'auteur revient sur sa première impression et reconnait les hautes qualités morales et militaires d'Odon ; il admet du moins, que Guillaume de Tyr a pu être emporté par son ressentiment.

On peut donc affirmer qu'Odon de Saint Amant n'a pas failli à la noble tradition des Templiers.

J'ai personnellement fait le choix de ne prendre que ce qui concernait Odon de Saint-Aman, les Croisades, et les Templiers, de la page 193 à 214. Il y a d'autres personnages de la même famille qui ont participés aux Croisades, je les ai ajoutés à la liste des Croisés.
Sources : C. de Saint Chamas. Les Saint-Chamas au moyen-Age. Mémoires de l'Institut historique de Provence, pages 193 à 226, tome XIV, 3e et 4e trimestres. Marseille 1937. BNF

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