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Pierre de Montaigu

Pierre-de-Montaigu 1219 - 1232

L'an 1218, le continuateur de la chronique de Guillaume de Tyr situe l'élection du Maître du Temple pendant le siège de Damiette, ce qui put avoir lieu à la fin de l'année 1218.

Mais le nouveau Maître en fut informé assez tard: en novembre de cette même année, il signe encore en sa qualité de Précepteur de Provence et d'Espagne.

L'an 1222, Selon les chroniques, il était brave et habile au combat. De nombreux actes jalonnent son magistère, entre autre la sentence rendue au moins d'août 1222 par Pélage, évêque d'Albano et légat du Saint-Siège, au sujet des biens situés sur le territoire de Tyr, matière à procès entre les chanoines du Saint-Sépulcre et la maison de l'Hôpital.

En 1229, il refusa d'accompagner Frédéric II d'Allemagne, souverain excommunié.
Pierre de Montaigu mourut en 1232.
L'empereur d'Allemagne, devenu roi de Jérusalem, venait de s'allier avec les musulmans en la personne d'Al-Kâmil.

Pierre de Montaigu - 1129-1232

Il reste à Damiette suffisamment de Templiers pour former un chapitre de l'Ordre, et Pierre de Montaigu, Percepteur de Provence et d'Espagne, est élu. A noter que le Grand Maître des Hospitaliers s'appelle, lui, Guérin de Montaigu.

Une conspiration, dans le camp musulman, provoque la défection de plusieurs émirs et de leurs soldats. L'avant-garde de l'armée croisée peut franchir le Nil, mais elle se heurte aux troupes des sultans de Damas et du faire, qui ont emprisonné les émirs félons. La débâcle est évitée de justesse grâce à la bravoure des trois Ordres du Temple, de Saint-Jean et Teutonique qui forment, face aux Sarrasins, un mur d'airain qui couvrait les soldats chrétiens (Matthieu Pâris, 1219). Le siège, à nouveau, s'enlise.

On annonce l'arrivée prochaine de Frédéric II, empereur d'Allemagne. Le sultan du Caire envoie des émissaires faire des offres de paix: il propose de rendre aux Chrétiens le bois de la vraie croix (qui avait pourtant été enterrée dans le désert par un Templier!), de céder la ville (dont il est prêt à rebâtir les remparts) et le royaume de Jérusalem, et tous les prisonniers chrétiens vivants en Syrie et en Egypte...

Les chefs chrétiens se réunissent, pour en discuter, plutôt favorablement: Jérusalem libérée, c'est le but ultime de la croisade... Mais c'est compter sans le légat Pélage, qui s'y oppose farouchement: abandonner Damiette, ce serait se déshonorer! Le sultan, selon lui, ne négocie que pour gagner du temps... Le Grand Maître du Temple se rallie au légat, suivi par d'autres. La majorité décide de poursuivre la guerre.

Un mois plus tard, Damiette tombe sans combattre. Les croisés, une nuit, ont tenté un assaut, et n'ont pas trouvé de résistance. Ils ont ouvert les portes de la ville: elle n'est peuplée que de cadavres.

Sur les 80 000 habitants que comptait la ville au début du siège, il n'en reste que 3 000. Jacques de Vitry, chroniqueur de cette croisade, achète un grand nombre d'enfants en bas âge, pour les faire baptiser, mais plus de cinq cents moururent peu après, apparemment de la famine qu'eux ou leurs mères avaient soufferte.
L'armée croisée, fidèle à la lamentable stratégie des Francs en Terre Sainte, ne profite pas de son avantage pour pousser aussitôt jusqu'au Caire.
Jean de Brienne, qui n'en peut plus de l'autorité tatillonne du légat Pélage, s'en retourne en Palestine avec ses troupes.

Des contingents de croisés, estimant aussi que l'aventure a assez duré, retournent en Europe. Pélage, bien qu'il ait reçu d'autres renforts, est obligé de prier Jean de Brienne de revenir prendre la tête de l'armée chrétienne pour marcher sur Le Caire. Le roi de Jérusalem finit par accepter, mais presque deux ans ont passé, et le sultan a eu le temps de préparer sa défense.
Le Nil, dont il connaît les crues, vient à son secours: il fait ouvrir les digues en amont, et le fleuve noie le camp français! Pélage en est réduit à capituler, à rendre Damiette au sultan, et à accepter une trêve de huit ans. Pélage, qui, bien que vaincu, ne veut par repartir les mains vides, insiste sur la restitution de la vraie croix. Le sultan est prêt à la lui laisser, mais il est incapable de la lui remettre: ses prédécesseurs l'ont perdue !
Les Templiers profitent de la trêve pour quitter la Terre Sainte et aller combattre en Espagne contre les Maures.
Frédéric II, empereur d'Allemagne, est rendu responsable de la débâcle de Damiette, pour n'être pas arrivé assez vite avec ses secours. Damiette est à nouveau musulmane qu'il n'est d'ailleurs toujours pas parti !

Le pape pour le stimuler lui propose d'épouser Yolande, fille et héritière du royaume de Jérusalem, avec l'accord des Grands Maîtres des trois Ordres, venus en Italie délibérer des suites de cette croisade malencontreusement commencée. Frédéric accepte et Yolande et le royaume, qu'il s'engage à défendre. Il propose même d'être excommunié s'il ne tient pas ses promesses ! Il exige, en outre, après son mariage en 1225, que Jean de Brienne lui abandonne immédiatement sa couronne de roi de Jérusalem. Ce que son beau-père accepte, avant de parcourir l'Europe en compagnie des Grands Maîtres pour y prêcher la poursuite de la croisade et quêter ses subsides. En France, le Grand Maître des Templiers reçoit le legs que Philippe-Auguste a fait à l'Ordre en mourant.

Les croisés sont rassemblés à Naples quand arrive la nouvelle de la mort d'Honorius III, le 18 mars 1227: comme son prédécesseur, le pape est mort alors que les croisés embarquent... Son successeur, Grégoire IX, est élu le lendemain.

40 000 hommes prennent la mer derrière Frédéric II. Mais il tombe malade pendant une tempête, et revient en Italie. Grégoire IX, en conséquence, l'excommunie pour parjure. Et lorsqu'il reçoit de Palestine des lettres désolées des prélats, qui ont attendu en vain le passage du mois d'août (le voyage en Terre Sainte, aller comme retour, se fait deux fois par an, à la fin de l'hiver, et à la fin de l'été), Grégoire IX confirme l'excommunication. Les partisans de l'empereur, nombreux en Italie, en chasse Grégoire IX de Rome.

Ils s'attaquent aussi aux Templiers, dé voués au Saint-Siège. Les biens templiers et hospitaliers, en Sicile, sont pillés. Mais les Templiers et Hospitaliers laissent faire: ils s'interdisent de tirer l'épée contre des chrétiens !
Le bruit de ces démêlés étant parvenu jusqu'au sultan d'Egypte (aux prises avec son frère, sultan de Damas), ce dernier propose à Frédéric de lui livrer Jérusalem. Frédéric II, au moment où le pape le présente comme l'ennemi de la chrétienté, saisit cette opportunité pour apparaître comme le nouveau défenseur des Lieux Saints et annonce son départ pour Jérusalem dont le pape l'a nommé roi.
La farce continue: le pape lui envoie alors des émissaires pour lui interdire de partir sans s'être fait absoudre de son excommunication ! Frédéric II passe outre, et débarque à Saint-Jean d'Acre le 8 septembre 1228, où Templiers et Hospitaliers, malgré les humiliations de Sicile, lui rendent les hommages dus à son rang impérial.
Mais quelques jours plus tard, deux franciscains envoyés par le pape arrivent avec l'ordre de dénoncer publiquement Frédéric II comme excommunié.
Aussi, lorsque l'empereur propose aux ordres militaires de l'escorter jusqu'à Jérusalem, les Grands Maîtres sont-ils forcés de refuser, à l'exception des Teutoniques, dont Frédéric va faire sa garde prétorienne.
Mais Templiers et Hospitaliers, inquiets de la faiblesse de l'armée impériale (800 chevaliers et 8 000 fantassins), la suivent à distance, prêts à intervenir. Finalement, la fraternité des armes l'emporte sur les exigences papales, et c'est ensemble qu'ils arrivent à Jaffa.
Frédéric envoie des émissaires au sultan d'Egypte, qui tergiverse. Mais Frédéric est pressé. Le pape vient de lever une armée contre lui, en Italie, à la tête de laquelle il a mis Jean de Brienne.
Le beau-père, ancien roi de Jérusalem, s'attaque aux possessions napolitaines de son gendre, tandis que l'excommunié traite avec les Infidèles...
Je suis ton ami, écrit-il au sultan, c'est toi qui m'as incité à faire ce voyage. Maintenant le pape et tous les rois d'Occident sont au courant de ma mission. Si je revenais les mains vides, je perdrais toute considération à leurs yeux. De grâce, donne-moi Jérusalem, que je puisse garder la tête haute ! Le 20 février 1229, un traité est signé: Jérusalem, Bethléem, Nazareth, Sidon et tous les villages sur la route de Jaffa à Jérusalem sont cédés à Frédéric qui, de son côté, laisse la mosquée d'Omar aux musulmans pour qu'ils y exercent librement leur culte.
Chaque camp accuse sont chef d'avoir trahi sa religion. Les Templiers font chorus: comment tolérer qu'une mosquée voisine avec le Saint-Sépulcre ?
Frédéric II, certes d'un caractère difficile, mais sans doute l'un des esprits les plus libres de son temps (il osera dire, au grand dam du clergé, que si Jésus-Christ avait connu la Sicile (où il a été élevé), il n'aurait pas choisi l'aride Palestine pour y naître !) laisse dire et se rend à Jérusalem.
Avec les Teutoniques pour seule escorte, il entre dans le Saint-Sépulcre vide, prend lui-même la couronne sur l'autel et se proclame roi de Jérusalem, sans cérémonie religieuse. Il n'y reste que deux jours, puis s'empresse de revenir à Saint-Jean d'Acte, d'où il embarque pour l'Italie, afin d'y vaincre l'armée pontificale. De négociations en négociations, il finira, lui, le prince dont la tolérance religieuse a choqué même ses alliés arabes, par se soumettre au pape et par promettre de rendre aux Templiers et aux Hospitaliers les biens qu'il leur a enlevés.
Mais, comme à son habitude, il fera traîner les choses, et ce sont ses héritiers qui, à sa mort, répareront les spoliations de ce fugitif roi de Jérusalem.
Les seuls défenseurs du royaume et des pèlerins qui s'y aventurent restent les Templiers et les Hospitaliers, les Teutoniques ayant suivi Frédéric II en Italie, avant d'aller s'installer en Prusse.
Frédéric II (qui parle six langues, dont le provençal et l'arabe, mais, paradoxe, pas l'allemand) va réformer l'Ordre et en faire, avec le concours du Grand Maître Hermann von Salza, son ami et conseiller, le fer de lance de la politique d'annexion germanique dans l'Est de l'Europe, de la Prusse à la Pologne, de la Hongrie à la Russie.
Les Templiers, eux, en Espagne, continuent leur épopée guerrière: ils font la conquête des îles Baléares en 1230, sous la conduite du roi Jacques d'Aragon qui, lorsqu'il désigne son fils Alphonse pour héritier, leur donne pour tuteurs les Maîtres du Temple et de l'Hôpital en Aragon.
Pierre de Montaigu, qui a obtenu du pape le droit d'ignorer la tutelle du Patriarche de Jérusalem cesse d'être Grand Maître du Temple en 1232, soit par démission, soit par mort.

Pierre de Montaigu

Pierre ou Thomas de Montaigu, nommé, sous Damiette (1219), était parent de Guérin de Montaigu, Grand-Maître des Hospitaliers.

Le dimanche des Rameaux, l'ennemi fit une attaque furieuse, principalement dirigée contre le pont du Temple, que défendaient l'Ordre, le duc d'Autriche et les Allemands. Le pont emporté, les Musulmans y mirent le feu, mais ils ne purent venir au delà [Bernhard Thesaurar, p. 833]. Peu de temps après, le duc retourna dans son pays.

Le 31 juillet, les assiégés, rassemblant leurs forces contre la Sainte Milice, repoussèrent l'infanterie, si bien que toute l'armée fut en péril et dans le plus effroyable désordre, malgré la protection de ses retranchements. Au milieu de ce tumulte, le Grand-Maître, le Maréchal et plusieurs Chevaliers, soutenus par l'Ordre Teutonique et d'autres Chrétiens, balayèrent un défilé, tombèrent sur les Musulmans et les mirent en déroute. L'Ordre du Temple, dont les services furent depuis méconnus et payés de tant d'ingratitude, sauva toute une armée chrétienne.

Jusque-là rien n'avait troublé l'harmonie ; mais le génie de la discorde, qui ne dormait jamais longtemps au camp des Croisés, se réveilla comme d'habitude, lorsqu'ils discutèrent le plan d'opérations. Beaucoup étaient irrésolus, quelques-uns, découragés. Cependant le parti belliqueux domina. On commit la faute, en présentant la bataille, de placer au premier rang les plus timides: c'étaient les Italiens, qui lâchèrent pied sitôt qu'ils aperçurent le feu grégeois. Vainement les deux Ordres du Temple et de l'Hôpital, postés auprès d'eux, s'efforcèrent de les retenir avec supplications et menaces. Le roi lui-même fut presque tué par l'artifice. Enfin, le désordre s'étant répandu par tous les rangs, il ne resta plus aux Templiers qu'à couvrir la retraite. Comme ils avaient devancé les Chrétiens dans l'attaque, ils le suivirent dans leur fuite qu'ils protégèrent avec une valeur réfléchie, digne des plus grands éloges. Trente-trois Frères du Temple et le Maréchal des Hospitaliers périrent pendant la retraite. Le camp reçut les fuyards, et l'on vit encore les Templiers se tenir devant l'entrée et la défendre aux Infidèles [Bernhard Thesaurar].

Cet avantage n'adoucit point la gêne de Damiette. Le Sultan qui n'espérait plus délivrer sa ville fit aux Chrétiens, par un prisonnier, des propositions auxquelles ils n'auraient pu s'attendre. Il voulait leur rendre la Sainte-Croix, les prisonniers tenus au Caire, à Damiette et dans tout l'empire, avec Jérusalem et toutes les autres places, excepté Krak et Mont-Réal. On délibéra sur ces offres éblouissantes que les chefs de la Croisade conseillaient d'accepter. Le Patriarche et les deux Ordres, qui connaissaient mieux le terrain et qui pénétraient la ruse du Sultan. S'opposèrent à la négociation. En effet, les deux places que l'ennemi se réservait étant situées de manière à lui permettre d'inquiéter sans cesse Jérusalem, les plus belles clauses ne donnaient aucun avantage aux Chrétiens; objection solide qui ne prévalut au Conseil qu'après d'aigres débats.

Le Sultan cherchait toujours à jeter des troupes dans la ville, où deux cent quarante hommes s'introduisirent à travers le sommeil du camp ; d'autres allaient les suivre, si quelques Chrétiens réveillés n'eussent fait prendre l'alarme à leurs compagnons. Telle était alors l'indiscipline des armées européennes.

Défendue plus d'un an, Damiette se rendit le 5 novembre, non à la stratégie des Chrétiens, mais à la famine qui régnait depuis longtemps dans la ville. Des témoins en ont raconté l'effroyable misère ; on y trouva des morts en foule et pas une trace de vivres.

La reddition de Damiette mit l'Orient en émoi. Plusieurs princes, parmi lesquels on remarque Coradin, sultan de Damas, se liguèrent contre les Croisés qui triomphaient une fois par hasard. Coradin quitta l'Egypte et prit d'abord Césarée, ensuite le château des pèlerins que le Temple avait pourvu de vivres et qu'il défendit à sa gloire, peu de temps après avoir chassé les Sarrasins des alentours d'Acton. Saphet, château de l'Ordre, fut détruit par Coradin, quand les Chevaliers en eurent ouvert les portes, sur l'autorisation que leur envoya le Grand-Maître.

Dans l'intervalle, les Croisés restaient immobiles à Damiette, sans savoir que faire de cette prise: leur plan n'était pas allé plus loin. Ils durent croire qu'il aurait valu mieux accepter les offres du Sultan et renoncer à prendre la ville, dont l'occupation emportait peu d'avantages et beaucoup de sacrifices.

L'armée, réduite à l'inaction, exhala sa colère en murmures contre les deux Ordres qui n'y pouvaient rien. Le duc de Bavière osa dire enfin qu'il n'était pas venu pour croiser les bras, mais pour combattre les ennemis de la foi. Tous semblèrent sortir d'une léthargie et le conseil résolut de marcher.

On se dirigea sur le Caire. Une seconde fois, le Sultan offrit pour Damiette trente ans d'armistice, la liberté des captifs, tout le terrain qu'il avait repris, Jérusalem et l'argent nécessaire pour la rebâtir, en gardant le seul port de Krak, conditions éminemment favorables aux vainqueurs. Chacun pencha vers la paix, même le Temple et l'Hôpital. qui réformèrent leur premier avis devant l'utilité de ces clauses, et l'expérience de la ruineuse occupation de Damiette. Elle ne servait que les vues du cardinal Pelage, légat papal, dont la volonté souveraine dans le conseil fit donner un royaume pour une ville.

Le projet d'investir le Caire fut adopté; mais le Sultan coupa les communications et détourna le cours du Nil par des canaux que les Musulmans connaissaient seuls ; les Chrétiens submergés perdirent munitions et vivres. Saphet et Coradin, les frères du Sultan, leur fermaient le retour. Ils proposèrent le combat au Sultan qui dit n'en plus avoir besoin. Toutefois il ne refusa pas d'entrer en pourparler. Un armistice conclu pour huit ans lui restitua Damiette et les prisonniers musulmans contre la Sainte-Croix et les prisonniers faits par son frère Coradin ou par lui-même. Le Grand-Maître Thomas de Montaigu, suivi d'autres personnages, porta cette nouvelle à Damiette. Elle voulut se défendre ; mais on manqua d'hommes et d'argent. L'armistice livra donc à l'ennemi la ville réduite au prix de tant d'efforts, qu'on aurait pu, naguère, échanger contre un vaste royaume et qui ne rapporta que la Croix et les prisonniers. Encore les Chrétiens durent se réjouir que le Sultan leur imposât des conditions aussi douces. Il fit jeter des ponts pour leur passage et les nourrit pendant quinze jours que durèrent les négociations. Jean, roi de Jérusalem, pleura sur la malheureuse fin de la campagne exécutée en dépit de ses remontrances [Bernhard Thesaurar, an, 1222]. C'était la fin ordinaire d'une Croisade: les divisions et les lâchetés perdaient toujours les plus belles entreprises.

Passons à d'autres événements contemporains de Thomas de Montaigu, qui concernent l'Ordre.

Henri II et Richard avaient fait don aux Templiers de quelques Maisons à la Rochelle. Les rois d'Angleterre exerçaient dans le port un certain droit d'aubaine: tout étranger devenait leur serf après un an de séjour. Cette ancienne prérogative fut usurpée par le Temple, et Henri II s'en plaignit au pape Honoré III qui commit plusieurs abbés pour instruire et juger le différend (1223) [Rymer, t, I, p. 258].

Les Frères du Temple paraissent ne s'être établis qu'alors en Brandebourg, où l'Institut fit bientôt de tels progrès qu'il forma dans la Marche et l'Esclavonie un Bailliage ou Préceptorat constituant une Grande-Maîtrise particulière. Laurence, évêque de Lébus, l'introduisit dans l'électorat en lui donnant à deux reprises (1229 et 1232) des dîmes considérables. Le duc de Poméranie-Barnim céda le pays de Bahnen et tous ses droits sur celui de Custrin au Collège du Temple (1234).

En 1229, Armand de Périgord, Grand-Maître Provincial pour la Sicile et la Calabre, reçut des donations et des franchises importantes de l'empereur Frédéric II, qui confirma par la même lettre les anciennes possessions templières dans ce pays [Du Puy, p. 148].

Quoique Frédéric leur eût accordé souvent des grâces, il s'éleva peu de temps après des altercations entre les deux Ordres et le souverain qui voulait les dépouiller de plusieurs biens et revenus. Grégoire IX. auquel ils s'adressèrent en commun, exhorta l'empereur à respecter les Ordres qui maintenaient encore le royaume de Jérusalem (1231).

Ici nous devons faire voir avec quelle malice et quelle partialité Du Puy défigure l'histoire. Cet écrivain affirme que les Frères du Temple méritaient d'être spoliés par Frédéric. « L'empereur, dit-il, était en la Terre-Sainte; il communiqua son dessein à quelques Templiers qui en donnèrent aussitôt avis au Soudan de Babylone, et comme il pourrait le surprendre. Le Soudan, infidèle qu'il était, détesta tellement cette perfidie, qu'il en averti l'empereur qui trouva l'avis si certain, que depuis il fit une étroite alliance avec cet infidèle [Du Puy,p. 6]. » Pas un mot n'est vrai dans ce singulier récit. Du Puy n'a-t-il pas mieux connu l'histoire, a-t-il ignoré les rapports de l'empereur et du Pape, ou refusé la lumière des chroniques contemporaines ?

Nous rétablirons les faits. Grégoire excommunia l'empereur Frédéric (1227) qui; pour cause de maladie, ne pouvait faire la Croisade commencée. L'an d'après il accomplit son voeu, mais sans s'être racheté de la sentence spirituelle, et cette faute irrita de nouveau le Saint-Père jusqu'à le pousser aux dernières violences. Par ses ordres, les évêques de Milan et de Vérone fermèrent le passage de leurs Etats et dépouillèrent les Croisés [Conrad. Abb. Urlspergens].

Frédéric entra dans Acton ; mais le Patriarche et le sacerdoce s'éloignèrent de l'hérétique. Sous le poids d'une réprobation générale, il se rendit en Chypre et fit demander par ambassade au sultan Mélahadin [Connu sous le nom de Mélik-Kamel] le royaume de Jérusalem pour son fils Conrad. Mélahadin répondit qu'il réfléchirait. Entretemps, des lettres papales délièrent le Patriarche et les Maîtres des trois Ordres mixtes de toute obéissance à l'empereur. Le Sultan lui céda Jérusalem, Bethléem, Nazareth et Sidon, arrangement, qui fut annulé par le Souverain Pontife. Notre cadre ne nous permet point de nous étendre sur ces occurrences.

Si la guerre sainte avait pu triompher, c'est par la Croisade de Frédéric. Mais la roideur du Pape l'empêcha de réussir, comme la discorde et l'envie avaient perdu ses devanciers. L'intervention gênante de Grégoire accabla surtout les Frères du Temple et de l'Hôpital, ployés sous sa dépendance, auxquels leur jalousie réciproque faisait une loi de suivre la même marche. L'Ordre Teutonique, qui n'avait pas beaucoup à craindre de Rome, tint pour l'empereur [Conrad. Abb. Urlspergens]. Les deux autres Chevaleries religieuses lui furent contraires par le commandement formel du Saint-Siège; aucun historien grave ne les accuse d'avoir trahi Frédéric au Sultan. Du Puy, qui fait un crime aux Templiers de leur soumission à l'Eglise, garde le silence sur la conduite absolument semblable des Hospitaliers. Le panégyriste de Philippe-le-Bel avait pris le parti de justifier la suppression de l'Ordre: une fraude historique ne pouvait l'arrêter.

Henri III, roi d'Angleterre, emprunta huit cent livres tournois au Temple de Londres, pour conquérir l'ile d'Oléron, et promit de le rembourser à partir de 1235, par un paiement annuel de deux cent livres au Grand-Prieur Robert de Santford [Rymer, p. 542].

Après la mort du sultan de Halapin, que suivit l'expiration d'un armistice, les Templiers, désirant reprendre le fort de Guascum, au sud d'Antioche, se préparèrent à l'assiéger ; mais ils furent surpris et taillés en pièces par l'ennemi. Plus de cent Frères de l'Ordre, trois cents archers, nombre de personnages du siècle et de fantassins furent occis dans l'action: les Musulmans y perdirent environ trois mille hommes.

Réginald d'Argenton, qui portait en cette funeste rencontre l'étendard du Temple, ne le rendit qu'avec l'âme. Il fut fort regretté. Quand le monde chrétien apprit le sort de la Sainte Milice, les Templiers et les Hospitaliers d'Europe s'armèrent pour la soutenir. Les premiers requirent le concours de l'empereur qui ne sentit nulle envie de recommencer une oeuvre ingrate, si méconnue la première fois. Vers ce temps mourut le Grand-Maître Thomas de Montaigu.
Sources: Par feu Claude Mansuet Jeune. Chanoine Régulier de l'Ordre de Prémontré, Docteur en Théologie, Prieur de l'Abbaye d'Etival. Edité chez Guillot, Librairie de Monsieur, Frère du Roi, rue Saint-Jacques. Paris. M DCC. LXXXIX.

Armand de Périgord

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