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Gérard de Ridefort

Gerard-de-Ridefort Octobre 1184 - 1er octobre 1189

Sénéchal du Temple en 1183, lors de l'accord avec l'abbaye de Notre-Dame de Josaphat, il figure, en 1184, comme Maître du Temple, dans un acte de donation à Funes en Aragon. Cet acte n'indiquant pas le mois, l'élection eut certainement lieu dans l'intervalle réglementaire édicté par les retraits du Temple. Suivant les chroniques, et prphpipalement Guillaume de Tyr, il était investi de sa dignité en 1185.

Originaire des Flandres, il assista à la mort du maréchal du Temple, lors de la bataille d'Acre, entre les troupes de Saladin et celles de Guy de Lusignan. Il aurait succédé à un Maître appelé Thierry, qu'il paraît difficile de situer parmi les supérieurs du Temple. En effet, cette mention proviendrait d'une erreur de lecture: Thierry ou Terric fut Maître de l'Ordre, mais de la maison du Temple de Jérusalem. D'ailleurs, pendant la bataille de Tibériade, le maître du Temple fut fait prisonnier et Thierry, dans une lettre au pape Urbain III, dit qu'il a réussi à s'échapper avec quelques chevaliers. Au début de l'année 1188, il adresse une autre lettre au roi d'Angleterre, pour lui annoncer la prise de Jérusalem par les musulmans et le siège de Tyr. Or, dans ces deux écrits, il ne s'intitule pas Maître du Temple, mais bien Grand Précepteur de la maison du Temple à Jérusalem.

On ne peut pas dire si le onzième Maître du Temple eut une influence importante en Terre Sainte. Guillaume de Tyr, ennemi juré des Templiers, en fait un arrogant, responsable de la perte d'influence de l'Ordre vis-à-vis des puissances séculières en Palestine, et ce, durant tout son magistère.

En 1186, il aida au coup d'état de Guy de Lusignan avec lequel il fut fait prisonnier.
Auparavant, il déclencha, avec cent quarante chevaliers du Temple, une attaque contre sept mille musulmans qui aboutit à la bataille de Casal Robert, le 1er mai 1187.
Le Maître échappa de justesse à cette folle bataille au cours de laquelle le Maître des Hospitaliers fut tué et la population de Nazareth faite, presque entièrement, prisonnière.

Peu de temps après, le Maître du Temple leva une armée grâce aux richesses de son Ordre. Elle se concentra à Saphonie, non loin de Nazareth, mais, le manque de connaissances militaires de Guy de Lusignan et l'amour de la guerre du Grand-Maître, conduisirent au désastre. Aux soixante mille soldats de Saladin s'opposèrent trente mille chrétiens, dont mille deux cents chevaliers du Temple et quatre mille turcopoles. Gérard de Ridefort fit capituler Gaza et les forteresses voisines, mais fut fait prisonnier avec Guy de Lusignan. Il ne dut sa délivrance, ainsi que celle de nombreux chrétiens,qu'à une forte rançon.

En 1189, il assista encore, en qualité de Grand Maître, au début du siège d'Acre. Il y perdit la vie, le 1er octobre, dans un combat livré aux pieds du Toron.
La maîtrise de Girard de Ridefort fut un désastre pour l'Ordre du Temple. phponscient, il est à l'origine des premiers reproches adressés aux frères. Après sa mort, le Chapitre général réforma certains points de la Règle, touchant prphpipalement aux mesures disciplinaires à prendre quand le Maître manque à son sens moral et à sa responsabilité.

Gérard de Ridefort - 1188-1189

La famille de Ridefort (ou Riderfort, ou Béderfort) est d'origine flamande. Gérard de Ridefort est avant tout un homme de guerre. Familier du comte Raymond de Tripoli, il se serait fâché avec celui-ci après son refus de lui accorder la main d'une de ses vassales, riche héritière.
Profitant du désordre régnant à la cour du jeune roi lépreux Baudouin IV, il aurait réussi à se faire attribuer la charge de maréchal du royaume de Jérusalem. Ce n'est qu'ensuite qu'il entre dans l'Ordre du Temple, où il se fait remarquer par ses talents de guerrier.
A-t-il été, lors de la bataille de Hâttin, fait prisonnier et mystérieusement épargné par Saladin, pour avoir accepté d'abjurer secrètement le christianisme ? Ou est-il parvenu à s'enfuir avec Raymond de Tripoli ?
La seconde hypothèse est la plus plausible (la première provient de la confusion faite entre Jean de Terric et Gérard de Ridefort, et d'une rumeur infamante sans doute lancée par les sbires de Philippe le Bel, lors du procès des Templiers).
A la démission de Jean de Terric, Gérard de Ridefort est élu Grand Maître.
Guy de Lusignan a juré à Saladin, sur les Evangiles, de ne pas reprendre les armes contre lui, une fois libéré, de renoncer à son royaume et de retourner en Europe. Mais à peine sorti de sa captivité, Lusignan fait annuler son serment par un conseil d'évêques, sous prétexte qu'il n'a pas à respecter une promesse arrachée par la violence.
Pour l'aider à reconquérir son royaume, Gérard de Ridefort met ses Templiers à son service. C'est insuffisant pour faire reconnaître son autorité, les habitants de Tyr, par exemple, refusant de lui ouvrir leurs portes parce qu'ils ne veulent pas reconnaître pour roi celui qui n'a pas su défendre ses Etats.
L'arrivée de troupes d'Europe, commandées par son frère Godefroi de Lusignan, auxquelles se sont joints des aventuriers grecs, latins et syriens, lui permet de mettre le siège devant Saint-Jean d'Acre.
Le siège, entrepris à la fin du mois d'août 1189, va durer deux ans. D'un côté Saladin va y envoyer ses meilleurs guerriers, de l'autre chevaliers anglais, français et allemands vont vouloir participer à cette nouvelle guerre sainte.
Car dans toute l'Europe, l'annonce de la chute de Jérusalem a pro voqué une consternation profonde.
Les rois de France et d'Angleterre ont promis d'oublier leurs différents pour s'unir dans la croisade, l'empereur d'Allemagne a levé des troupes. En Occident, une taxe a été instaurée, la dîme saladine, pour financer l'entreprise.
Le 4 octobre 1189, Saladin, qui voit augmenter l'armée des assiégeants, décide, contre l'avis de ses émirs, d'en finir et de délivrer Saint-Jean d'Acre. Il engage le combat, mais son aile droite est culbutée, et l'armée musulmane s'enfuit.
Des Francs entrent dans le camp ennemi, et pénètrent jusque dans la tente de Saladin. Au lieu de poursuivre les fuyards, ils pillent le camp. Les Sarrasins, s'apercevant qu'ils ne sont pas pourchassés, se regroupent autour de Saladin, et attaquent à nouveau les Francs éparpillés, étonnés d'être à nouveau aux prises avec une armée qu'ils croyaient avoir anéantie.
Sans l'héroïque résistance des Templiers, une fois de plus, l'armée chrétienne aurait subi une débâcle. Le Grand Maître Gérard de Ridefort périt dans l'affrontement avec une partie de ses hommes, heureux, selon un chroniqueur, de terminer tant de beaux exploits par une mort aussi glorieuse.
Après sa mort, les Templiers laissent vacant son magistère pendant dix-huit mois, le temps qu'il faudra à l'armée des Francs, grossie des renforts de Philippe Auguste et de Richard Coeur de Lion, pour enfin emporter Saint-Jean d'Acre.

On ignore les raisons de cette vacance. Mais le Chapitre général en profite pour réformer certains points de la Règle, touchant notamment les mesures disciplinaires à prendre quand le Grand Maître manque à ses responsabilités. D'où, plus tard, les rumeurs: Gérard de Ridefort, et avant lui Jean de Terric ont-ils eu une conduite au-dessus de tout soupçon ?
Les assiégeants souffrent de disette, car Saladin intercepte les caravanes de ravitaillement. Guy de Lusignan, à la mort de sa femme, voit sa couronne contestée par Conrad, marquis de Tyr. Il s'en faut de peu que leurs partisans en viennent à l'affrontement armé. Le clergé s'interpose.
Pendant ce temps, l'empereur d'Allemagne Frédéric I a pris la route de la Palestine qui passe par Constantinople. Il se noie en traversant le fleuve Cydnus le 10 juin 1190. Son armée, très affaiblie par la fatigue et la maladie parvient enfin devant Saint-Jean d'Acte.
Des gentilshommes allemands y établissent un hôpital pour leurs compatriotes et fondent, avec l'appui du pape, du patriarche de Jérusalem et de Guy de Lusignan, un nouvel Ordre calqué sur le modèle templier: les Frères Hospitaliers Teutoniques de Notre-dame de Sion, qui deviendra rapidement plus militaire qu'hospitalier.
Les chevaliers teutoniques suivront la même discipline militaire que les Templiers, et porteront, sur leur manteau blanc, une croix noire et non pas rouge, comme celle de leurs modèles. Avant de prendre l'habit, ils devront prouver qu'ils sont allemands de nation, et noble de naissance.

Le 8 juin 1191, Richard Coeur de Lion arrive enfin avec sa flotte à Saint-Jean d'Acre, où Philippe Auguste l'attend déjà. Le roi d'Angle terre est en retard car, en chemin, il a conquis l'île de Chypre, qu'il vend, dès son arrivée, aux Templiers, lesquels n'ont toujours pas de Grand Maître.
Sous les murs de Saint-Jean d'Acre, Richard se laisse emporter par sa fougue; il multiplie les expéditions, accompagné de Templiers et d'Hospitaliers (un historien a situé lors d'un de ces engagements la mort de Gérard de Ridefort). Des engagements qui coûtent cher en hommes aux ordres des Templiers et des Hospitaliers qui auraient pu, à force d'escarmouches contre les musulmans, s'anéantir si de nombreux jeunes chevaliers venus d'Europe n'avaient, par vocation ou par goût des batailles, demandé à être admis chez eux.
C'est ainsi que Robert de Sablé, originaire d'Anjou, se fait Templier. Aux côtés de Richard Coeur de Lion, son roi, il s'est déjà illustré pendant le voyage, notamment en Sicile et à Chypre.

Gérard de Ridesser par Mansuet

A Terric succéda Gérard de Ridesser ou de Ridefort, le Sénéchal du roi de Jérusalem. On a dit que le chagrin de voir repoussées par le comte de Tripoli les offres de mariage qu'il avait faites à la châtelaine de Botrou, jeta Gérard dans la Milice Templière, et qu'il fut toujours l'ennemi de Raymond [Murator. SS., t. VII, p, 793]. Evidemment, c'est confondre ce Grand-Maître avec son prédécesseur. Gérard monta sur le Trône Magistral en 1188, et ne l'occupa que peu de mois. Il ne pouvait, pendant son règne, être l'ennemi du comte de Tripoli, mort avant son acceptation. Terric, au contraire, semble avoir vécu fort mal avec ce seigneur.

La lettre du précédent chef de l'Ordre émut vivement l'Europe, où le zèle pour la défense des Lieux Saints se ralluma dans les plus tièdes âmes. Sur la fin d'octobre 1188, Innocent III publia dans toute la chrétienté le coup qui venait de frapper l'Eglise, exhorta les fidèles à la pénitence, prescrivit un jeûne, et promit des indulgences plénières à ceux qui prendraient la Croix.

Le roi Guy se trouvait à Tripoli depuis sa libération. Il voulait s'embarquer; mais, semblable au roseau battu des vents, il se laissa persuader, par le Patriarche et le Grand-Maître du Temple, de réunir les Chrétiens à Tyr contre Saladin [Nauclerus].

Tyr était, nous l'avons dit, le domaine de Conrad, marquis de Montferrat, homme orgueilleux et volontaire, à qui tout donnait ombrage. Mécontent, sans doute, de cette réunion, le marquis écrivit à l'évêque de Cantorbéry, sur la fin de septembre 1189, que la conservation de Tyr excitait l'envie de Guy, de Gérard et des autres gentilshommes ; qu'il était en butte à la haine, à la jalousie, à la médisance ; que le Grand-Maître avait retenu les aumônes dont le roi d'Angleterre l'avait chargé pour lui, Conrad, tandis que l'Hôpital, exact à remettre celles dont il était dépositaire, en avait même ajouté de son propre fonds [Ralulph de Piceto].

Tout ceci dénote la malignité du marquis de Montferrat qui, craignant, à juste titre, qu'on n'apprit ses mauvais procédés envers le roi de Jérusalem et le Grand-Maître, procédés que nous raconterons tout à l'heure, s'avisa de prendre l'avance par une calomnie.

Les Chrétiens, rassemblés dans Tyr, tinrent conseil, il semblait que le marquis mit son honneur à combattre l'avis des Templiers et du roi, sous prétexte qu'il voyait plus loin qu'eux tous. On, résolut d'assiéger Acton (Ptolémaïs) ; Conrad et l'archevêque de Ravenne improuvèrent le projet et ne joignirent pas leurs forces à l'armée, lorsque, vers la fin d'août, le roi, les Templiers et les Hospitaliers, l'archevêque de Pise et beaucoup de Pisans bloquèrent hermétiquement Acton. La réconciliation de Conrad aurait encore pu faire réussir l'entreprise; mais il refusa son concours, irrité qu'on l'eût osée malgré lui.
Le sultan Saladin vint promptement au secours de la garnison, traversa l'armée du roi de Jérusalem et de l'Hôpital, et délivra la ville. Ce fut aux Chrétiens de se retirer sur une montagne où les Musulmans les cernèrent. Guy dut s'humilier devant Conrad, l'auteur de sa mésaventure. En invoquant son aide, le roi s'avilit jusqu'à lui demander pardon. Il n'en fallut pas moins pour faire agir ce gentilhomme qui s'y prêta de mauvaise grâce et qui peut-être aurait persisté dans l'inaction, si l'archevêque de Ravenne ne l'eût menacé des clameurs de l'Europe.
A la fin de septembre, les deux amis amenèrent au roi vingt mille fantassins et mille cavaliers. L'armée chrétienne fut divisée en quatre corps: le premier comprenait les troupes royales, les Hospitaliers et les Français; le second était commandé par le marquis et l'archevêque de Ravenne; le troisième se composait de Pisans et d'Allemands; le quatrième, d'Allemands et de Catalans. On livra bataille le 4 octobre ; les Chrétiens eurent la victoire et tuèrent Baudouin, fils du Sultan. Par défaut d'ensemble dans le plan des Croisés qui comptaient trop de chefs, tous en dissidence, ils oublièrent de surveiller la ville qu'ils assiégeaient. Une division de cinq mille hommes fit une sortie et tomba sur les derrières de l'armée, pendant que Saladin se ralliait pour lui tenir tête. Pris entre un double feu, beaucoup de Chrétiens périrent. Le Grand-Maître de l'Ordre, suivi du Maréchal, de dix-huit autres Frères et de quarante Croisés, se jeta sur mille Sarrasins et frappa de grands coups; mais il finit par payer son audace de sa vie [Radulph de Piceto, p, 48].
Sources: Par feu Claude Mansuet Jeune. Chanoine Régulier de l'Ordre de Prémontré, Docteur en Théologie, Prieur de l'Abbaye d'Etival. Edité chez Guillot, Librairie de Monsieur, Frère du Roi, rue Saint-Jacques. Paris. M DCC. LXXXIX.

Gerard de Ridefort

Comptes rendus de l'Académie des Inscriptions Le texte en est ainsi conçu:
PETITA
PARCA
V S L M

C'est une dédicace aux Parques par une femme du nom de Petita. C'est une des rares mentions de ces divinités dans l'épigraphie de la Gaule.

M. le général Gouraud fait savoir à l'Académie qu'il a reçu du R. P. Dhorme, directeur de l'école archéologique de Jérusalem, l'annonce d'une curieuse découverte faite dans cette ville. Au cours des réparations que l'on exécute actuellement dans la mosquée El-Aksa, les ouvriers ont recueilli dans une des piles qui soutiennent la coupole, entre deux assises dont le joint, était dissimulé par le crépissage, un pli minuscule de papier sur lequel on discernait quelques traces d'une adresse en arabe cursif. En ouvrant le pli on se trouva en présence d'une longue page d'écriture arabe, un peu grande, mais excessivement Enchevêtrée, dépourvue de tous points diacritiques et fort endommagée. Le plus étrange est que ce pli en contenait un autre, écrit aussi sur papier, et muni d'une adresse ; il porte, sur la face opposée de longues lignes d'une écriture élégante et dense, n'ayant rien de commun avec une forme calligraphique arabe.

M. Adil Effendy Jaber, informateur technique de science et d'art au Conseil supérieur islamique de Jérusalem, de qui relevait la trouvaille, l'examina. Bien que le pitoyable état du texte arabe ne permette aucune affirmation, il croit qu'il y est question de travaux à effectuer dans l'enceinte du temple Beit-el-Makdis ; il a l'impression d'une sorte de devis ou de mémoire rédigé par un entrepreneur indigène. Quant au manuscrit latin, il a bien voulu en confier la lecture aux Dominicains. Le Frère Abel, professeur à l'Ecole archéologique, a rédigé à ce sujet une note dont la teneur est la suivante: « C'est un billet long de 16 centimètres et demi et large de quatre, comprenant cinq lignes et un tiers. Sur le revers nous lisons l'adresse ainsi libellée:
Fratri Odoni de Vendôme
praeceptori in Jérusalem.

Voici maintenant le texte de la note transmise à Frère Eudes de Vendôme, transcrit sans les abréviations:
1) Frater Gerardus de Ridefort miliciae Templi senescalcus Fratri Odoni de Vendôme praeceptori in Jérusalem salutem. Novistis quod Rodherlus de Surdis

2) Vallibus applicuit apud Tyrum. Recepit eum ibi praeceptor domus nostrae. Quod cum audivimus, coadunavimus capitulum nostrum apud

3) Fabam, et fuerunt ibi bene Centum milites et amplius. Quaesivimus ab eis consilium quod super hoc negotio facluriessemus

4) et ad hoc deventum est quod communi consilio et assensu omnium, misimus apud Tyrum quinque de Fratribus nostris militibus

5) qui auferant ab eo habitum suum et adducant eum usque ad Acon et custodiant eum ibi in camera privatorum donec prima

6) navis transeat in hoc passagio.

Que nous traduisons ainsi: « Frère Gérard de Ridefort, sénéchal de la milice du Temple à Frère Eudes de Vendôme, précepteur à Jérusalem, salut.
« Vous savez que Robert de Sourdeval a débarqué à Tyr. Le précepteur de notre maison en cette ville l'a reçu; ce qu'ayant appris nous avons réuni notre chapitre à la Fève, et il y eut bien là cent chevaliers et plus. Nous leur avons demandé conseil sur ce que nous avions à faire en ce cas, et l'on a fini par décider d'un avis commun et d'un consentement unanime d'en voyer à Tyr cinq de nos Frères chevaliers pour lui enlever son habit, l'amener à Acre et le garder dans la cellule des particuliers (?) jusqu'à ce que le premier navire de la saison fasse la traversée. »

L'auteur de cette lettre, Gérard de Ridefort, nous est connu, non seulement par les chartes du XIIe siècle, mais encore par la continuation de Guillaume de Tyr vulgairement appelée « l'Estoire d'Eracles » dont les renseignements nous permettent de suivre l'existence un peu romanesque de ce personnage. Venu en Syrie comme « chevalier errant dou siècle », Gérard avait plus d'une fois combattu à la solde du roi Amaury (1163-1173) et était entré au service du comte de Tripoli, Raymond III, avec qui il se lia d'une grande amitié. Mais une haine vivace ne devait pas tarder à succéder à cette intimité. Raymond III avait promis à Gérard de Ridefort la main de l'héritière de la Seigneurie de Botron (Batroun). Le besoin d'argent l'emportant sur la parole donnée, le comte de Tripoli accorda l'héritière à un riche Pisan du nom de Plivain. « L'on dit, ajoute le chroniqueur, qu'il fit mettre la damoiselle en balance, et l'or de l'autre part, et l'or qu'elle pesait fut donné au comte et plus (encore), et pour le grant avoir, octroya le comte la damoiselle à Plivain (1). »

L'affront était sanglant. Gérard prétendit qu'on lui avait préféré un vilain. « Car ceux de France tiennent ceux d'Italie en dépit, ces derniers ont beau être riches ou preux, on les tient quand même pour vilains, car la plupart de ceux d'Italie sont usuriers ou corsaires ou marchands, c'est pourquoi les chevaliers les tiennent en dépit. »

Quittant le comté de Tripoli, Ridefort passe à la cour du roi de Jérusalem, dont il devient quelque temps le maréchal. C'est ce qui ressort de deux actes de Baudouin IV rédigés à Accon (Acre) en l'année 1179, et qui portent la signature de Gerardus de Ridefort, regius marescalcus (2). Le chroniqueur, qui garde le silence sur ce détail, amène Gérard à Jérusalem et le fait entrer au Temple après une courte maladie. La dignité du postulant explique sans doute l'avancement rapide qu'il obtint dans la hiérarchie des Templiers. En 1183 il est signalé, dans un accord avec l'abbaye de Notre-Dame de Josaphat, sous le titre de Sénéchal du Temple, immédiatement à la suite du Maître de l'Ordre, Arnauld de la Tour Rouge (3). L'année suivante vers la fin de 1184, il deviendra à son tour Maître Général lorsqu'Arnauld de la Tour Rouge aura trépassé à Vérone au cours de l'ambassade du patriarche Héraclius dont il fait partie.

Donc, pour en venir à notre, question, la rédaction du billet ne se place pas après cette date, puisque Frère Gérard n'est encore que sénéchal, au temps où il écrit. D'autre part, deux considérations me font supposer que le document n'est pas antérieur à 1184.
1º Parce que, selon la règle des Templiers, la convocation d'une assemblée générale était le privilège de l'autorité suprême: « tunc omnem congregationem, si magistro placel, convocare (magister) est competens (chapitre LIX). » Si Gérard de Ridefort, encore sénéchal, se permet un tel acte d'autorité, ce ne peut être qu'en vertu des pouvoirs de lieutenant général de l'Ordre qu'il exerce pendant l'absence du Maître. Or le Maître, Arnauld de la Tour Rouge, s'était embarqué au printemps de 1184. Rien de plus naturel par conséquent de dater du second trimestre de l'année 1184 cette lettre qui trahit une décision sans appel et une juridiction sur toutes les maisons d'Outremer.

2º Le lieu de la convocation et de la résidence du sénéchal est assez suggestif. La Fève des textes en langue vulgaire, Faha du latin, traduit l'arabe el-Fouleh, localité située dans la plaine de Galilée ou d'Esdrelon au carrefour des chemins de Beisân à Acre et de Nazareth à Djenîn. Lorsqu'en septembre 1183 Saladin était venu menacer la Galilée par la trouée de Beisân, l'armée chrétienne avait campé à el-Fouleh, point stratégique important pour la protection de Nazareth et de Saint-Jean d'Acre. Rapprochement qui mérite d'être fait: ce sera à déloger l'armée de Damas retranchée à el-Fouleh qu'en avril 1799 Kléber dirigera toute l'énergie de sa petite troupe et gagnera la journée du Mont-Thabor laquelle, si d'autres obstacles n'avaient surgi, aurait permis à Bonaparte de s'emparer de Saint-Jean d'Acre.

Je présume donc avec assez de vraisemblance que le concours extraordinaire de Templiers à la Fève est consécutif à l'alerte causée par le raid de Saladin en automne 1183. Il fallait de toute nécessité garder avec soin cette entrée dangereuse qu'était la trouée de Beisân. La centaine et plus des Frères du Temple que Gérard de Ridefort trouve à réunir au chapitre de la Fève ont en 1184 leur place toute marquée en ce lieu.

Nous n'avons pas à décider ici si le Castrum Fahae des Templiers a été construit à cette occasion ou plus tôt. Le danger de l'heure présente permettait à ces chevaliers d'empiéter sur les propriétés de l'abbaye du Mont-Thabor. En tout cas, historiens arabes et documents occidentaux nous font connaître l'existence de ce qala'a d'el-Fouleh dans ces dernières années de la domination franque en Palestine. Démantelé en 1187 par Saladin, ses restes seront plus d'une fois revendiqués par les Templiers au cours du XIIIe siècle.

Le titre de Praeceptor que porte Eudes de Vendôme, le correspondant de Gérard de Ridefort, s'appliquait chez les Templiers au supérieur d'une maison et avait pour équivalent en langue vulgaire le terme de Comandeor (commandeur). La personnalité de ce Vendôme, supérieur de la maison de Jérusalem (el-Aqsâ), ne nous est pas autrement connue. Il est probable qu'il se trouvait encore en fonction lorsque Saladin prit la Ville sainte en 1187. L'Estoire d'Eracles n'a pas cependant jugé à propos de nous donner les noms des « comandeors del Ospital et dou Temple » qui unirent leurs efforts à ceux de Balian d'Ibelin pour organiser la résistance.

Le Templier délinquant qui fait l'objet de toute la lettre, Rodbertus de Surdis Vallibus appartenait sans doute à ces Sourdevaux, dits aussi Sourdeval, famille normande venue en Syrie avec Bohémond et dont les noms émaillent certains actes de la principauté d'Antioche de 1098 à 1163. Le nom de Sourdeval est encore attaché aujourd'hui à un chef-lieu de canton de la Manche, arrondissement de Mortain.

Quelle grave infraction à la discipline de l'Ordre ce chevalier avait-il commise ?
Le délit était-il une vue politique opposée à celle de Gérard, dont la rancune envers le comte de Tripoli avait fait le plus chaud partisan de Guy de Lusignan ?
La lettre ne le dit pas, laissant supposer seulement que, renvoyé comme indésirable, Robert de Sourdeval est revenu outre-mer sans autorisation.

Il est reçu par le Précepteur de la maison de Tyr - Praeceptor Templi Tyrensis - lisons-nous dans les signatures des contrats de 1187 sous le nom de Geoffroy Morin. Ce supérieur partageait-il les préférences de Robert de Sourdeval ou avait-il un caractère plus porté à l'indulgence que Gérard de Ridefort ?
Quelle que puisse être la réalité, il est certain que le sénéchal ne savait pas se dominer, au point qu'il ne craignit pas de provoquer, pour assouvir sa rancune, les dissensions qui hâtèrent la débâcle du royaume latin. L'Estoire d'Eracles lui reproche d'être rentré au Temple « par mautalent » et d'avoir par sa haine à l'égard de Raymond de Tripoli « commencé ce par quoi la terre fut perdue. » En aidant à placer la couronne sur le chef de Lusignan dans la cérémonie du 20 juillet 1186, Ridefort se serait écrié en pensant au joli tour qu'il jouait au comte de Tripoli prétendant désigné par Baudouin IV et soutenu par la plupart des Grands: « Ceste corone vaut bien le mariage dou Botron. »

Eu égard aux dispositions peu généreuses de ce dignitaire, nous ne nous presserons pas de condamner Robert de Sourdeval. Eudes de Vendôme était-il favorable à ce dernier ? Gérard de Ridefort le craignait peut-être, puisqu'il se hâte de notifier la décision disciplinaire qu'il a prise en insistant sur l'approbation d'une centaine de Chevaliers.

En tout cas, le condamné devant être rembarqué, il était nécessaire de le conduire au port principal d'où les convois maritimes partaient pour l'Occident, et ce port était Acon: Acre. Traversée de pèlerins ou de Croisés, le « Passa gium » désignait par extension les saisons navigables qu'on distinguait en « passagium vernale » (mars-avril) et en « passagium aestivale » (juillet).

Il nous est difficile de dire ce qu'il faut entendre au juste par « Camera privatorum. » Etait-ce un local particulier aux maisons du Temple où l'on recevait les séculiers ?
était-ce la prison civile de Saint-Jean d'Acre ?
Nous attendons encore quelque lumière.

Le doute qui plane sur ce point secondaire n'enlève rien à l'intérêt de ce petit document, qui mérite d'autant plus l'attention qu'il a été découvert au berceau même de l'Ordre du Temple, dans cette mosquée el-Aqsa, où en l'année 1118, le champenois Hugues de Payens et quelques autres chevaliers français avaient jeté les bases d'une association, ayant pour objet la protection des pèlerins et la défense des Saints Lieux. On ne peut contester que cet Ordre n'ait souvent rempli ses destinées au prix de sanglants sacrifices (Ridefort devait lui-même périr en combattant sous les murs de Saint-Jean d'Acre en 1189); mais il est permis de regretter que ces chevaliers-moines aient eu parfois des visées étrangères à leur vocation. Ils ont eu les défauts de leur temps, ne sachant pas maîtriser une ardeur débordante: ils furent vigoureux dans leur héroïsme comme dans leurs passions. »
1. Recueil des Historiens Occidentaux des Croisades, II, page 51.
2. Rochricht, Reg. Heri., nº 587, 588.
3. Delaborde, Chartes de T. S. nº 42.

Gouraud Henri. Découverte d'une lettre de Gérard de Ridefort dans une mosquée de Jérusalem. In: Comptes-rendus des séances de l'année - Académie des inscriptions et belles-lettres, 70e année, N. 1, 1926, pages 12-20. Sources électroniques: Persée

Robert de Sablé

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