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Interrogatoires des Frères du Temple

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    Introduction. Le Procès des Templiers

    Avertissement.
    Présenter en quatre cents pages le drame énorme du Temple, c'était tenter une gageure. Face à face, un accusé : l'un des ordres religieux les plus puissants de la Chrétienté, répandu dans tous les royaumes d'Occident comme en Terre Sainte, riche de forteresses montant la garde contre l'Infidèle, de domaines urbains et ruraux, de fermes et d'or, doté d'un statut hiérarchique autoritaire, d'un Supérieur strictement obéi, d'un prestigieux passé de gloire militaire ; et l'accusateur : un Roi de France, petit-fils de Saint Louis. Un soupçon qui naît, mûrit, et brusquement explose jusqu'à embraser l'Europe entière : la poigne du Roi, en l'espace d'un matin, s'est abattue sur le grand arbre et le terrasse, tandis que déferlent les haines. Alors, l'Eglise, le monde qui s'effare, demeurent pour huit années suspendus au destin de ces hommes qui, dans l'atmosphère étouffante des geôles inquisitoriales, circonvenus, torturés, ont crié des aveux extravagants, se rétractent à demi, récitent et rabâchent la perversion de leur ordre ; à peine, ici ou là, le sursaut d'une innocence proclamée, une figure un peu moins veule, un rare héros, qui traversent ces fades relents et secouent d'un éclair les torpeurs inquiètes, jusqu'à ce qu'interviennent enfin les sanglants dénouements, dans l'équivoque et l'imposture : tel est le «  Procès des Templiers  » !

    De cette «  crise mondiale  » unique à travers toute l'histoire en ses causes, ses développements et ses conclusions, les sources sont fort nombreuses et de nature variée, officielle, directe ou indirecte. Une partie en a été publiée en France ou à l'étranger ; un grand nombre demeurent inédites ; certaines, ensevelies dans les dépôts d'archives, sont encore et pour longtemps ignorées. Quant à l'intérêt des documents publiés, il est extrêmement variable. La recension élaborée par G. Lizerand, dans son Dossier de l'affaire du Temple, donne quelque idée de leur complexité, comme de leur caractère malgré tout décousu et fragmentaire, qui masque les articulations essentielles de ce grand procès. Les textes publiés ou étudiés à l'étranger valent surtout, il faut le reconnaître, par référence aux sources françaises, qui sont le noeud de toute l'affaire. Par chance, on dispose à cet égard d'une publication capitale : celle que fit Michelet des procès-verbaux en latin de la Commission d'Enquête Pontificale de 1309-1311, qui occupe la majeure partie de son édition, en deux tomes comptant en tout 1221 pages, du Procès des Templiers : le reste de celle-ci étant constitué par l'enquête inquisitoriale de 1307, historiquement bien moins importante, et par l'enquête spéciale de l'évêque d'Elne au Temple roussillonnais du Mas-Deu. Ce document magnifique, mais fort long — 930 pages in-quarto — méritait mieux encore que les interprétations forcément subjectives qu'en ont données les historiens du Temple, unanimes à discerner en lui l'une des sources principales de l'affaire. Il n'a jamais été traduit dans son ensemble ; c'est donc à lui qu'on a consacré, à juste titre, semblait-il, la plus grande partie de l'édition présente ; il n'était évidemment pas possible d'adopter ici le principe d'une traduction intégrale : les procédures, terriblement touffues, requièrent d'être élaguées ; les témoignages, souvent stéréotypés, engendrent à la longue un ennui tel qu'aucun lecteur ne résisterait à ce défilé ; mieux valait, a-t-on pensé, extraire de cette masse, par un découpage respectueux des phases chronologiques et des déductions de l'enquête, ce qui en fait la valeur didactique autant que la richesse historique et psychologique. On a cru bon, pour une meilleure intelligence, de l'insérer dans son contexte par de larges emprunts à plusieurs autres sources, en particulier à la première enquête inquisitoriale (si fastidieuse apparaisse-t-elle parfois), dont celle-ci éclaire d'une lumière crue les vices, les irrégularités flagrantes et les mornes palinodies.

    A toute méthode plus accessible peut-être, mais à tout prendre moins directe et, par-là, moins puissante, nous avons donc préféré celle qui nous semblait la plus vraie, la plus authentique et, en l'occurrence, la plus honnête : par les textes et eux seuls, par l'information progressive, capricieuse et fragmentaire certes, mais toujours animée du frisson de la vie, qu'ils dispensent mieux que n'importe quel artifice, introduire peu à peu le lecteur à la familiarité de cette affaire où tout est extravagance, lacune et mystère, sans interposer aucune version subjective, orienter son jugement ou prétendre inspirer sa démarche intellectuelle. Le laisser cheminer à tâtons dans ce dédale où tant se sont égarés, et, si déconcerté qu'il puisse parfois lui arriver d'être, ne remettre à peu près qu'à lui-même la conclusion que les documents lui auront en fin de compte suggérée. Le métier de juge est-il toujours aisé ? les dossiers d'instruction toujours limpides ? Il n'y aurait plus alors ni juges, ni dossiers, ni causes, ni histoire même, puisque l'histoire n'est faite en majeure part que de questions qui demeurent sans réponses.

    Après seulement que les textes eussent dit à peu près tout ce qu'ils avaient à dire, il convenait que fût précisée, à l'intention d'un public assez large et peu familier, peut-être, de la trame historique sur laquelle ils se déploient, une part de ce qu'ils ne disent pas ou se bornent à sous-entendre, de telle sorte que le lecteur soit mis en mesure de se prononcer, comme eurent à le faire les juges eux-mêmes et parmi les mêmes embarras, sur les responsabilités exactes du drame, sur ses dessous, sur ses lacunes, et de formuler enfin son verdict équitable. Ce dernier chapitre d'«  éclaircissements  » comportera, bien entendu, moins de traductions que ceux qui le précèdent, et la part d'invention y sera plus importante : dès lors, le ton lui-même en différera sensiblement, en ce qu'il est plus subjectif, voire plus passionné parfois, et qu'il lui arrive aussi de concéder quelque peu à l'érudition. Rupture inévitable, et nécessaire, avant le prononcé des ultimes sentences, comme un «  délai de réflexion.  »

    Et ce n'est qu'à l'extrême fin du volume, donc après le «  verdict  », qu'on trouvera les références bibliographiques complètes, les index et les notes explicatives indispensables à l'intelligence d'actes vieux de plus de six cents ans et de psychologies souvent déroutantes : notes s'employant à remédier dans toute la mesure possible aux carences de l'instruction, références offrant une idée des principes, au demeurant assez souples et opportunistes, qu'on a adoptés pour une présentation dont il est sûr qu'elle fut plus d'une fois délicate. Ainsi le jeu aura-t-il été joué jusqu'au bout, sans concession ni marchandage : nous sera-t-il pardonné d'avoir pris pareil risque ?

    Abrégé Chronologique du Procès des Templiers.

    1305. Esquius Floyrac de Béziers dénonce au Roi de France les pratiques scandaleuses qui ont cours dans l'ordre du Temple, déjà fort suspect, au demeurant, dans l'opinion publique et sujet à des accusations et racontars confus. Philippe le Bel, à son tour, les signale au pape Clément V, tout nouvellement élu, en l'invitant à prendre des mesures.

    1306, Le pape s'abstient de toute action contre le Temple.

    1307, 24 août. Sur la demande expresse du Grand-Maître, le pape annonce enfin son intention de procéder à une enquête.
    14 septembre. Le Conseil royal prend les devants et décrète l'arrestation des Templiers de France.
    13 octobre. Arrestation des Templiers de France.
    Octobre à décembre. 1) Enquête menée par l'Inquisiteur de France ; 2) Le pape ordonne l'arrestation de tous les Templiers ; 3)
    Il fait interroger le Grand-Maître Jacques de Molay et le Visiteur Hugues de Pairaud par deux de ses cardinaux ; les deux prisonniers rétractent les aveux qu'ils avaient passés devant l'Inquisiteur.

    1308, février. Clément V évoque l'affaire à lui.
    Mars à mai. Réplique du Roi de France : convocation des Etats Généraux pour délibérer sur les affaires de l'ordre du Temple ; excitation de l'opinion publique.
    Juillet. Par compromis entre le pape et le roi de France, il est décidé l'institution :
    1) De Commissions pontificales d'Enquête sur l'ordre lui-même, appelées à fonctionner dans chacun des Etats où le Temple est représenté;
    2) de Commissions canoniques diocésaines, afin de poursuivre les actions déjà intentées ou à intenter contre les personnes de l'ordre du Temple.
    Le Pape déclare se réserver le jugement des principaux dignitaires de l'ordre, le Grand-Maître Jacques de Molay en particulier. Il mande par-devers lui, à Poitiers, le Maître et les quatre principaux officiers de l'ordre en France. 17 au 20 août. Ces dignitaires prisonniers, que les gens du Roi ont déclarés «  trop fatigués et malades  » pour déférer à cette invitation, sont interrogés à Chinon par trois Cardinaux spécialement envoyés par le pape, en présence des conseillers royaux Guillaume de Nogaret et Guillaume de Plaisians. Novembre. Institution, par la Bulle «  Faciens Misericordiam  », de la Com-mission Pontificale d'Enquête pour la France.
    Août 1309-juin 1311. Sessions de la Commission d'Enquête.

    1311, octobre. Ouverture du Concile de Vienne, réuni pour débattre et décider du sort de l'ordre du Temple.

    1312, 22 mars. Bulle «  Vox clamantis  », portant «  extinction  » de l'ordre du Temple.

    1314, 18 mars. Jugement, rétractation et exécution par les gens du Roi de Jacques de Molay et du Précepteur de Normandie Geoffroy de Charnay.
    Sources : Le Procès des Templiers, traduit, présenté et annoté par Raymond Oursel. Club du meilleur livre. Tournon 15 janvier 1955. Exemplaire nº 4402

    L'Affaire



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