Etude de Auguste Coulon et M. Jean-Marc Roger
Au début du XIVe siècle, avec labolition du Temple, la dévolution de ses biens amena lHôpital à une nouvelle réorganisation de ses structures, surtout en France.La bulle du pape Clément V, Ad providam Christi, du 2 mai 1312, attribua à lordre de lHôpital les biens du Temple, aboli, en exceptant toutefois de cette dévolution la péninsule ibérique.
Les biens du Temple étaient beaucoup plus importants que ceux de « lHôpital ancien », expression qui désigna, a posteriori, lHôpital et ses biens avant la réunion de ceux du Temple. Le patrimoine de lHôpital se trouvant au moins doublé, il fallut procéder à une refonte densemble de son organisation territoriale.
Dès le 30 janvier 1314, un accord entre les « proudomes » des prieurés dAuvergne et de France répartit les maisons du Temple sur les marges entre ces deux prieurés : il attribuait au prieuré de France, entre autres, la baillie du Temple de Chalon, avec ses membres ou « appartenances », dont deux outre-Saône.
En ce qui concerne les biens du Temple, lHôpital neut pas une politique uniforme, mais on peut distinguer une tendance à ne pas confondre la gestion des commanderies du Temple et de lHôpital ancien.
Lexemple le plus clair est celui de Chalon : jusquà la nationalisation des biens de lHôpital en France, en 1792, la commanderie du Temple de Chalon y subsista, en totalité, avec ses membres.
A quelques pas de là, la maison de lHôpital ancien de Chalon, quune mesure de simplification évidente conseillait de lui réunir, resta membre de la commanderie de Bellecroix, elle aussi de lHôpital ancien mais éloignée de quatre lieues.
De façon analogue, aux portes de Dijon, le Temple et la Madeleine, de lHôpital ancien, restèrent séparés jusquen 1792.
A linverse, il est vrai, le Temple et lHôpital ancien de Beaune furent réunis, tout comme ceux de Metz et de Bar-sur-Aube, membre de la commanderie de Thors ; la commanderie de Lorraine réunit autour de son chef de Saint-Jean du Vieil-Aître lez Nancy, de lHôpital ancien, comme Robécourt, bon nombre de maisons du Temple, dont Libdeau, Saint-Georges ou Deu-Maison devant Lunéville, Norroy, Vircourt ou Xugny.
Toujours pour faire face à lafflux des biens du Temple, et assurer une meilleure gestion de son patrimoine, lHôpital institua en France trois nouveaux prieurés.
Vers 1315, un troisième démembrement du prieuré de Saint-Gilles créa le prieuré de Toulouse.
En vue dune meilleure administration, et pour des raisons sur lesquelles il est impossible de sétendre ici, en 1317, entre le 21 juin et le 21 juillet, le pape Jean XXII démembra à son tour le prieuré de France en créant deux autres prieurés : le prieuré dAquitaine et le prieuré de Champagne.
Les prieurés sinscrivaient dans le ressort géographique des langues : celle de Provence avait deux prieurés, Saint-Gilles et Toulouse,
celle dAuvergne un seul, du même nom,
celle de France trois, France, Aquitaine et Champagne. Il en fut ainsi de 1317 à 1792 :
ces prieurés étaient désignés comme « les six prieurés du royaume de France »
A cheval sur le royaume et lEmpire, le prieuré de Champagne sétendait sur toute la Lorraine « romane », Metz compris, la majeure partie de la Bourgogne, quelques paroisses de la Franche-Comté et la partie orientale de la Champagne, avec Châlons les deux principales villes de la Champagne, « Troyes et Reims, étant du prieuré de France » Ses limites faisaient fi, et de façon surprenante, de la géographie ecclésiastique :
le prieuré de Champagne comprenait lensemble des diocèses de Chalon et Châlons, Toul et Verdun, presque tout celui de Langres, partie de ceux dAutun et Metz, avec quelques extensions à ceux de Besançon, Mâcon, Reims et Troyes.
La forme du prieuré de Champagne est tout à fait singulière :
cétait une bande mince et allongée, dune quarantaine de lieues dans sa plus grande largeur et de quelque quatre-vingt-huit de longueur, autour de la vieille chaussée de Chalon à Toul et Metz, qui reliait la Saône à la Moselle.
Le prieuré de Champagne, sétendant sur létroit couloir que constituaient ces deux rivières, faisait communiquer Méditerranée et Mer du Nord. En dautres termes, il occupait une situation stratégique, essentielle pour la Religion, de passage de la France du Nord à Rhodes, par les vallées de la Saône et du Rhône et la Méditerranée.
En très gros, sa superficie était de quelque 42 000 k m2, moins dun quinzième de la superficie actuelle de la France. Le centre géographique du prieuré de Champagne était à peu près à Chaumont. Son coeur était au diocèse de Langres, dans les vastes forêts giboyeuses du plateau du Châtillonnais, dans lextrême nord de la Bourgogne, sur les marches de la Champagne.
Le Temple y avait fondé ou réuni un grand nombre de maisons. Parmi elles, deux commanderies particulièrement importantes, Bures et Epailly. Après être entrés en possession des biens du Temple, lHôpital établit dans ce qui avait été le berceau de lOrdre du Temple le siège du nouveau prieuré de Champagne.
Le prieuré de Champagne était, et de beaucoup, le plus petit des trois prieurés de la langue de France, du royaume et même un des moins importants de tous ceux de lHôpital. Ce nest pas pour autant le moins intéressant :
en raison tant de ses origines, dans une large mesure templières, que de sa situation géographique, sur les marches du royaume de France et de lEmpire.
Les commanderies étaient dimportance, de revenu très inégaux
A ma connaissance, il ne subsiste pas pour le Moyen Âge, ni même pour toute lépoque de Rhodes, de visite du prieuré de Champagne dans son ensemble.Le roi Philippe VI de Valois ordonna le 29 octobre 1333 des prisées des biens des Hospitaliers.
Sont conservées celles des bailliages de Chaumont Mâcon et Troyes. Elles distinguent biens de « lHôpital ancien » et du Temple, donnent des renseignements très précieux sur beaucoup de maisons, mais sont limitées à ces bailliages.
La fameuse enquête pontificale de 1373 sur les biens des Hospitaliers, dont les procès-verbaux pour le prieuré de France ont été publiés, nen a laissé, en ce qui concerne le prieuré de Champagne, que pour deux diocèses: Chalon et Châlons. Ils ne manquent pas dintérêt, surtout le second, mais ne portent que sur une petite partie du prieuré. Seules des fractions de la Bourgogne et de la Champagne apparaissent dans ces enquêtes :
la Lorraine en est absente. A défaut de visite intéressant tout le prieuré, deux principaux types de documents nous donnent des renseignements sur les revenus ou les charges de toutes les commanderies du prieuré de Champagne à la même date, et permettent dutiles, voire nécessaires comparaisons entre elles.
En tout état de cause, cette enquête nous fournie la liste des plus importantes commanderies du prieuré de Champagne.
Les commanderies
« Attini »Arbigny
Avalleur
Beaune
Bellecroix
Braux
Bures
Buxières
Chalon
Dijon
Doncourt
Epailly
Estury
Fontenay
Fauverney
Faverolles
Gelucourt
La Romagne
Laucourt
Le Saulce dIsland
Les Nouvaux
Le Vieil Aître
Libdeau
Lunéville
Marbotte
Marchesoy
Morment
Metz
Neuville
Norroy
Pierrevillers
Pontaubert
Robécourt
Ruetz
Saint-Amand
Saint-Mard
Thors
Uncey
Verdun
Vircour
Xugny
La hiérarchie statutaire - Auguste Coulon et Jean-Marc Roger
Il faut avoir à lesprit lampleur de léchelle des revenus des commanderies pour comprendre leur différence de statut. Celle-ci peut être appréhendée à partir des « establissemens » de la Religion, qui distinguent plusieurs types de commanderies.En raison de la faible importance du prieuré de Champagne, un type de commanderie réservé aux prieurés les plus riches, les plus étendus, ny est pas représenté : les « commanderies capitulaires », qui prirent au XVe siècle le titre de « bailliages capitulaires »
Hiérarchie
Ces commanderies, importantes, valaient aux frères qui en étaient pourvus le titre de commandeur puis bailli « par chappitre » ou capitulaire, cest-à-dire rang de grand-croix, entrée et voix délibérative au chapitre général comme au Conseil de la Religion.Les commandeurs puis baillis capitulaires faisaient partie des proceres qui dirigeaient lOrdre. Aussi, dans léquilibre, toujours précaire, parfois même difficile entre les nations, qui, au-delà des langues, constituaient la Religion, les commanderies puis bailliages capitulaires étaient-ils un « enjeu de pouvoir » important. Au XVe siècle, sous la pression des langues, maître et chapitre général instituèrent quelques nouveaux bailliages capitulaires, qui accroissaient le poids de ces langues dans le gouvernement de lOrdre.
Il y avait en chaque prieuré une « chambre magistrale » Le maître de lOrdre la confiait à un frère de son choix, avec le titre de commandeur, moyennant pension versée au maître lui-même, pour soutenir son rang, son « état » de maître.
Au prieuré de Champagne, cette chambre magistrale fut Metz, à partir de la seconde moitié du XIVe siècle, peut-être de 1351, où le maître Dorde de Gozon la conféra au prieur de Champagne lui-même, fr. Ferri de Fougerolles.
Metz était une grande cité, francophone, mais « en lEmpire », à proximité de la Lorraine « thioise », de la langue et du prieuré dAllemagne. Le patrimoine de la commanderie de Saint-Jean-en-Chambre, de lHôpital ancien, sétait beaucoup accru par les réunions successives des anciennes commanderies du Temple de Metz et de Pierrevillers.
En dépit de son importance historique, il sen faut que la commanderie de Metz ait été lune des plus riches du prieuré de Champagne. Au contraire, ses revenus, brut comme net, déduction faite des charges, étaient des plus moyens.
La chambre magistrale de Metz était on ne peut plus éloignée du coeur du prieuré de Champagne, mais ce cas est loin dêtre unique, les chambres magistrales occupant souvent une position géographique excentrée au sein du prieuré : ainsi, la commanderie de Hainaut au prieuré de France, mais elle aussi « en lEmpire », celles de Champgillon puis du Temple de La Rochelle en celui dAquitaine. Ce choix nest donc pas le fruit du hasard mais dune intention délibérée. Pourquoi les maîtres de lHôpital choisirent-ils comme chambres magistrales des commanderies aussi excentrées ? Peut-être en raison de leur situation même : il était sans doute plus facile au maître de lHôpital, chef dun ordre international et au-dessus des contingences de la politique locale, quaux prieurs de gérer, même à distance et par lintermédiaire du commandeur auquel il confiait sa chambre, une commanderie excentrée et pour laquelle pouvaient sélever des différends entre les princes et leurs agents.
Dans le cas de Metz, sa position géographique sur les marches de deux langues, de deux mondes souvent antagonistes, le « roman » et lallemand, la mettait au coeur de conflits, tant externes à lOrdre quinternes. Lautorité du magistère nétait pas de trop pour les apaiser.
Un prieuré était le couronnement dune carrière réservée aux chevaliers. Peu dentre eux qui vivaient assez longtemps pour y parvenir. Avant dêtre promu à son prieuré, le prieur avait été bailli au couvent. Portant la grand-croix, il était chef, au spirituel comme au temporel, non seulement des maisons et des biens mais aussi des frères, sueurs, donnés, confrères de tout son prieuré.
Pour pouvoir tenir son rang, en remerciement de sa longue carrière au sein de la Religion, il jouissait de quatre « chambres priorales », parmi les quatre meilleures commanderies de son prieuré.
Faute de textes explicites, il est difficile de savoir quelles furent les chambres priorales des tout premiers prieurs de Champagne.
Il semble impossible que Bures ait été lune delles avant 1358 : jusquà cette date, toute une série de commandeurs de Bures, différents des prieurs de Champagne, est attestée. Fr. Ferri de Fougerolles eut sans doute Epailly ; fr. Jean Garnier dAngeux à coup sûr Bures et Morment.
Il ny avait que ces deux chambres prieurales Bures et dEpailly quand fr. Jean de Fontaines fut promu au prieuré de Champagne, le 19 septembre 1420.
En 1430, son successeur, fr. Hugues dArcy, y ajouta Beaune et la Lorraine, et même plus tard une « quinte », la Madeleine de Dijon.
Ces quatre chambres priorales de Bures, Beaune, Epailly et la Lorraine ne changèrent pas sous les successeurs de fr. Hugues dArcy jusquà la promotion au prieuré de Champagne, le 29 janvier 1489, de fr. Hélie du Bois.
Chevalier du prieuré dAquitaine, il fut le premier prieur de Champagne à obtenir le démembrement dune des chambres priorales du prieuré en gardant sa commanderie de Villegast et « Baigneux », au prieuré dAquitaine, au lieu de la chambre priorale de Bures, démembrée du prieuré de Champagne.
Poursuivant dans cette voie, son successeur, fr. Pierre de Bosredon, garda Beaune et Epailly, reprit Bures, mais conserva sa commanderie de Pontaubert et Morment au lieu de la Lorraine, définitivement démembrée du prieuré de Champagne.
Dernier grand prieur de Champagne du temps de Rhodes, fr. Jacques Aymer, autre chevalier du prieuré dAquitaine, garda les mêmes chambres priorales de Pontaubert et Morment, Bures, Beaune et Epailly, tout comme son successeur fr. Jacques de Sainte-Maure (1528-1534).
Si, faute de documents, les chambres priorales des tout premiers prieurs de Champagne sont incertaines, leur présence est incontestable à partir de 1362. Jusquen 1489, leur choix nobéit ni au hasard ni aux goûts personnels des nouveaux prieurs; elles étaient arrêtées par le couvent. Fr. Jean Garnier dAngeux, Guillaume de Fontenoy et Jean de Fontaines nen eurent, semble-t-il, que deux: le premier Bures et Morment, ses deux successeurs directs Bures et Epailly.
Chambre prieurale du prieuré de Champagne pendant près de deux siècles, de 1430 à 1511, la commanderie de Lorraine, singulière, présente un grand intérêt. Portant le nom dune principauté territoriale, comme souvent chez les Templiers, elle était la dernière en ce cas au prieuré de Champagne. Son chef était la vieille maison de lHôpital ancien de Saint-Jean du Vieil-Aître-lez-Nancy, aux portes de la ville
(le duc Charles de Bourgogne trouva la mort en son étang le 5 janvier 1477).
Elle était très étendue, comprenait maints membres importants, autonomes. Plusieurs, comme Libdeau, Norroy, Robécourt ou Xugny, furent conférés à des frères qui prirent le titre de commandeurs. Cette observation vaut surtout pour la Lorraine mais la distinction entre commanderies proprement dites et simples « maisons », en principe membres des commanderies, nétait pas toujours nette :
il arriva que de simples membres fussent désignés comme « commanderies » parce que les frères auxquels elles étaient confiées prenaient eux-mêmes le titre de commandeurs; le terme de commanderie est donc parfois trompeur.
En 1511, perdant son statut de chambre priorale, la commanderie de Lorraine fut divisée en deux nouvelles commanderies :
Nancy et Robécourt.
Le chef du prieuré de Champagne passe pour avoir été Voulaines, ancienne maison du Temple, fondée au XIIe siècle, à quatre lieues et membre de Bures. Il nest pas sûr quau début du prieuré de Champagne le prieur ait eu une résidence fixe, dautant moins quil séjourna souvent en dehors de son prieuré, en particulier au couvent de Rhodes ou à la cour pontificale dAvignon. Et, si sa résidence se fixa peu à peu, il est douteux que ce fût tout dabord à Voulaines ou à Bures :
le prieur ne pouvait, semble-t-il, résider quen une de ses chambres prieurales, ce que Bures ne fut pas avant 1358.
Voulaines-les-Templiers - Auguste Coulon et Jean-Marc Roger
Fr. Jean Garnier dAngeux fit dimportantes fortifications à Voulaines en 1362—1364. On peut à partir de ces années-là penser que Voulaines était le chef du prieuré de Champagne. Néanmoins, le prieur ny résidait pas en permanence. Au contraire, il en était souvent absent, se trouvant en une autre de ses chambres priorales, en visite en une des commanderies de son prieuré, ou hors ce prieuré.Fr. Pierre de Bauffremont, gouverneur du prieuré de Champagne, fut commandeur de Voulaines, et le prieur de Champagne, fr. Jean de Fontaines, ne pouvait guère y résider, non plus que fr. Hélie du Bois, qui fit démembrer Bures du prieuré pour pouvoir conserver sa commanderie de Villegast, au prieuré dAquitaine.
Hiérarchie Voulaines
On pourrait être tenté de rapprocher de la question de la résidence du prieur celle de la tenue des chapitres provinciaux, réunions annuelles des frères du prieuré, fixées en principe au mercredi suivant la fête des saints apôtres Pierre et Paul (29 juin). Les premiers chapitres provinciaux du prieuré de Champagne qui me sont connus se tinrent de 1320 à 1356 en la maison de Bar-sur-Aube, membre de la commanderie de Thors, puis de 1360 à 1399 au Temple de Châtillon-sur Seine, de 1400 à 1428 au Temple dEpailly, en 1429 et 1430 à Dijon, en 1432 à la Madeleine de Dijon, en 1431 et de 1435 à 1451 au Temple de Beaune.Une « assemblée » — plus restreinte — se tint à Voulaines le 8 mai 1384, mais le premier chapitre provincial qui y fut « célébré » le fut à ma connaissance un siècle plus tard, en 1484. Sil se tint désormais à Voulaines, ce fut de façon discontinue, en alternance avec Dijon, Epailly, Morment et même Bar-sur-Aube (membre de la commanderie de Thors), qui eut des commandeurs différents du prieur de Champagne dès la réunion des biens du Temple, et ne fut pas chambre priorale.
Si surprenant que cela paraisse, il faut donc dissocier résidence du prieur de Champagne et lieu du chapitre provincial :
ils restèrent distincts jusque vers la fin du XVe siècle, où ils se réunirent à Voulaines, mais sans se confondre et de façon pas du tout exclusive.
Pour le prieuré de Champagne, la commanderie fut Beaune, une des plus riches du prieuré. Elle fut très tôt conférée à fr. Pierre de Bauffremont, un des chevaliers les plus distingués du prieuré de Champagne, qui la gouvernait au nom du Commun Trésor. Le 3 mai 1416, le maître Philibert de Nailhac, lors de son long voyage en Ponant, promut fr. Pierre de Bauffremont au prieuré de France. Le même jour, il lui confirma la commanderie de Beaune, à charge dune pension annuelle de deux cents florins au Commun Trésor. Fr. Pierre de Bauffremont, prieur de France et gouverneur du prieuré de Champagne, ayant de fortes attaches en Bourgogne, se plaisait beaucoup en sa commanderie de Beaune, ville belle et agréable, au coeur dun des vignobles les plus réputés de toute la chrétienté dès le Moyen Age. Il y mourut, le 21 septembre 1429. Dès lors, la commanderie de Beaune devint chambre priorale du prieuré de Champagne, et le resta de 1429 à 1649, année où elle fut démembrée du prieuré.
Au prieuré de Champagne, la petite la commanderie de Saint-Amand, de lHôpital ancien, en Champagne.
Daprès lenquête pontificale de 1373 sur les biens de lHôpital au diocèse de Châlons, elle était alors affermée à fr. Nicole Dessoye, commandeur de Neuville.
La commanderie de Saint-Amand était donc confiée à fr. Nicole Dessoye avant même quil en fût pourvu, le 1er août 1374, par le maître Robert de Juilly.
Des fonctions diversifiées - Auguste Coulon et Jean-Marc Roger
La plupart des commanderies du prieuré de Champagne étaient rurales: leur chef était sis à la campagne, leurs revenus de type rural, le mode de vie du commandeur aussi. Cest le cas, par exemple, des chambres prieurales de Bures et dEpailly. Comme les autres commanderies rurales, leurs chefs groupaient divers bâtiments autour de la chapelle, importante, où était assuré le service divin, et du logis du commandeur. Elles jouissaient de revenus variés, provenant de droits et de biens, gérés directement, acensés ou loués à bail. La politique très conservatrice des Hospitaliers en ce qui concerne les hommes de corps appelle des développements quil est impossible de donner ici. Au prieuré de Champagne la vigne avait une grande importance, en particulier à Beaune, au coeur du vignoble de Bourgogne, et à Pierrevillers, ancienne commanderie du Temple réduite au rang de simple membre de la chambre magistrale de Metz. Dans les forêts vastes et giboyeuses de lHôpital, prieurs de Champagne et autres chevaliers, voire sergents et chapelains sadonnaient à leur passe-temps favori, la vénerie. Ces commanderies rurales étaient en général fortifiées. Les fortifications, souvent faites durant les guerres étrangères et civiles des XIVe et XVe siècles, subsistent parfois, comme à Saint-Jean du Vieil-Aître, Bellecroix, Epailly, Morment, Pierrevillers, la Romagne ou Xugny.Fonctions
Par contraste avec les commanderies purement rurales, quelques commanderies peuvent être qualifiées durbaines. Elles avaient leur siège en ville, jouissaient de revenus urbains comme ruraux. Citons parmi elles le Temple de Chalon, la Madeleine de Dijon, Metz.Encore faut-il remarquer que la Madeleine de Dijon, Saint-Jean du Vieil-Aître et même le Temple de Chalon étaient hors les murs. Tout au moins pour le prieuré de Champagne, la notion de commanderies urbaines est très relative : à vrai dire, sauf la Madeleine de Dijon, très particulière, elles ne se distinguent guère des commanderies rurales que par la nature de leurs revenus, consistant dans une large mesure en cens et rentes sur des maisons ou jardins de ville. Mais toutes avaient aussi un patrimoine rural, doù elles tiraient une large part de leurs revenus. Il est clair que les Hospitaliers se plaisaient dans leurs commanderies rurales, centres de vastes domaines, souvent hérités du Temple, où ils se sentaient chez eux. Néanmoins déjà au Moyen Age se manifeste la tendance de commandeurs de commanderies rurales à résider en ville. Cette tendance se traduit dans lappellation des commanderies : Le 1er mai 1433, la chancellerie de lOrdre elle-même appelle la commanderie de Neuville « Chaalons », où elle avait plusieurs maisons. Il sagissait souvent, au XVe siècle, de transférer en ville sinon le chef des commanderies, car la Religion était très conservatrice, du moins la résidence personnelle des commandeurs. Ainsi, le 20 mai 1472, fr. Jean Baxart, « commandeur » de Libdeau, membre de la commanderie de Lorraine, acensa « les deux pars dun tiers de tout le gaingnage de Lyebedos, aux champs » Les preneurs devaient lui remettre chaque année à la Saint-Martin dhiver 80 bichets, moitié blé, moitié avoine, « en nostre maison de Toul » Il est vraisemblable que fr. Jean Baxart avait choisi de quitter la maison de Libdeau, « aux champs », pour habiter en lhôtel de Libdeau, en la vieille cité épiscopale de Toul.
Toujours en Lorraine, le 1er août 1491, fr. Didier Grognet, commandeur de Gelucourt, demeurait à Lunéville.
La plupart des commanderies jouissaient de la haute justice sur au moins certaines de leurs terres. Quelques-unes étaient le siège dune juridiction gracieuse, plus ou moins importante. Tel est le cas de la commanderie de la Romagne, sur les marches du duché de Bourgogne et de la Franche-Comté, du royaume et de lEmpire, pour laquelle subsistent plusieurs chartes écrites par des notaires institués par le commandeur et expédiées sous le sceau de la commanderie. Ce nest pas du tout exceptionnel: par exemple, au prieuré dAquitaine les juridictions contentieuse et gracieuse de lHôpital étaient largement répandues, elles ont laissé aux Archives départementales de la Vienne un grand nombre de documents, dun grand intérêt, sous le sceau de ces justices, portant dans le champ la croix « droite » de la Religion.
Depuis ses origines, lordre de lHôpital était voué à lhospitalité. « En Rhodes », il entretenait à grands frais un magnifique hôpital qui faisait ladmiration des contemporains, où étaient généreusement accueillis pèlerins, pauvres, malades.
« En Ponant », lhospitalité, dont le défaut avait été un des principaux griefs avancés contre le Temple, était, il faut bien en convenir, quelque peu oubliée, au point quon nen rencontre guère de manifestations au hasard des chartes. Au prieuré de Champagne lHôpital, après la réunion, en 1293, de la maison-Dieu de Braux, alors habitée par des frères et sueurs de lordre hospitalier de Roncevaux, avait recueilli dans lhéritage du Temple lancien hôpital de Morment, avec son intéressant réseau de petits hôpitaux, et lui aussi des frères et sueurs. A Braux comme à Morment, lHôpital sempressa déteindre le caractère hospitalier, source de lourdes charges. Il y parvint très vite à Morment, en dépit de la longue histoire de cet hôpital. La fameuse enquête pontificale de 1373 montre à cette date, au diocèse de Châlons, quelques survivances hospitalières: la commanderie de Neuville avait, entre autres charges, celle de lhospitalité, trois fois la semaine; lancienne maison-Dieu de Braux gardait encore de ses origines hospitalières la tradition daccueillir pauvres et faibles, ainsi que femmes en couches.
Encore le 26 septembre 1466 lhospitalité, sous la forme de laccueil de pauvres, était pratiquée « en la maison et hospital » de Châteauvillain, membre de la commanderie de Morment : cétait une des charges qui la grevaient. La « maison de hospitalité » de Châteauvillain était alors « gouvernée » par une femme. Les pauvres qui y cherchaient secours étaient nourris aux frais du commandeur de Morment.
Une institution hospitalière semblable, pour les « povres passans », est attestée au mois davril 1511 à Aulnoy, membre de la chambre magistrale de Metz. Il comportait chapelle, grange, et aussi, ce qui est beaucoup plus remarquable, « une petite mason, qui sert dhospital, ou il y ait quatre litz pour logier les povres passans » Cette maison était en bon état. Le membre dAulnoy était acensé à un « grangier », qui, outre diverses redevances en espèces ou en nature, était tenu non seulement de faire dire la messe chaque dimanche, entretenir en bon état église, maison et grange, loger dans ces quatre lits les « povres passans », mais aussi, toujours « a ses propres coustz et despens », de les « deservir », à limage des Hospitaliers, tenus de servir les « seigneurs malades »
La Madeleine de Dijon surtout, de lHôpital ancien, gardait encore à la fin du XVe siècle un caractère hospitalier quon naurait peut-être pas soupçonné en cette commanderie de chapelains et sergents.
En 1471, son commandeur, fr. Jean Béard de Robécourt, exposait quen dépit de la modicité de ses ressources, sa commanderie de la Madeleine de Dijon, siège doeuvres de piété et de charité, entretenait à grands frais un petit hôpital qui accueillait pauvres, malades, pèlerins, et même enfants abandonnés, quil élevait. Outre son oeuvre hospitalière, la Madeleine de Dijon servait, en quelque sorte, de maison de retraite aux frères chapelains âgés des chambres, pourvues de petits jardins, étaient mises à leur disposition, comme à celle de prêtres séculiers.
En bref, pour le prieuré de Champagne, en dehors de la participation à loeuvre commune, très importante, de lOrdre en son hôpital de Rhodes, lhospitalité sétait en quelque sorte concentrée, sous forme de survivances, en quelques commanderies, voire membres, comme Braux, Neuville, Châteauvillain, Aulnoy et surtout la Madeleine de Dijon, qui, à bien des égards, avait une place singulière.
Par cet exemple du prieuré de Champagne, jai cherché à montrer lextrême diversité des commanderies, même dans un petit prieuré: diversité de revenus et dimportance, de statut dans la structure institutionnelle de lOrdre, de fonctions dans sa vie économique et sociale, dans la pratique de lhospitalité. Pourtant ce caractère très hétérogène ne doit pas dissimuler la cohérence profonde de la gestion par la Religion de ses biens en Ponant au moyen de ces commanderies. Celle-ci est indissociable, pour lépoque étudiée, de la situation au couvent de Rhodes qui régit, directement ou indirectement, la vie des frères et ladministration des biens. Tout en respectant les grandes lignes de lorganisation primitive, lévolution illustre la place prépondérante prise par les chevaliers, voués par excellence à la « tuicion de la foi catholique » devant laggravation de la menace, toujours croissante, du Grand Turc. La « partition » des commanderies, réclamée par les chapelains et sergents, mais en fait favorable aux chevaliers, en est un exemple, mais non le seul.
Inventaire des Sceaux de Champagne - Auguste Coulon et Jean-Marc Roger
Temple (ordre du), H[aimard], trésorier du Temple à Paris — 1219 — Ch 2971Sceaux de Champagne
ARCIS[-SUR-AUBE] (frère Jean d), maître de la maison de lHôpital de Saint-Amand et Autricourt — 1272 — Ch 2978*Saint-Jean-de-Jérusalem (bulle commune du grand maître Adrien de Wignacourt et du couvent de lordre de lHôpital de) — 1693 — Ch 2963*
Saint-Jean-de-Jérusalem (Jean Garnier, prieur de Champagne de lHôpital de). Déficit — 1378 — Ch 2965*
Saint-Jean-de-Jérusalem (Ytier de Nanteuil, prieur de France de lHôpital de) — 1293 — Ch 2966*
Saint-Jean-de-Jérusalem (prieuré de Bourgogne de lHôpital de) — 1299 — Ch 2964*
Saint-Jean-de-Jérusalem (frère Pierre de Bauffremont, religieux de lHôpital de, commandeur de Neuville) — 1406 — Ch 2967*
Saint-Jean-de-Jérusalem (frère Demange de Crenay, religieux de lHôpital de, commandeur de Ruetz) — 1363 — Ch 2969*
Teutonique en Lorraine (le commandeur de lordre) — 1482 — Ch 2972
Teutonique (le commandeur de la commanderie de Notre-Dame de Beauvoir). Diocèse de Troyes — 1282 — Ch 2973
Teutonique (le commandeur de la commanderie de Notre-Dame de Beauvoir) — 1301 — Ch 2974
Teutonique (frère Jean de Gémont, commandeur ou maître de la maison de Beauvoir) — 1453 — Ch 2975*
Teutonique (frère Jean de Gémont, commandeur ou maître de la maison de Beauvoir) — 1489 — Ch 2976
Teutonique (commandeur de lordre à Trèves) — 1488 — Ch 2977
Sources : Auguste Coulon et Jean-Marc Roger Conservateur en chef du patrimoine : La Commanderie : Institution des Ordres Militaires dans lOccident médiéval — Edition CTHS — 2002
Centre Historique des Archives Nationales. Inventaire des Sceaux de Champagne, par Auguste Coulon, Table des noms de Personnes et de Lieux, complétée et corrigée par Jean-Marc Roger — 2003. BNF
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