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Études réalisées sur les Templiers

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Maison du Temple de Montricoux

Département: Tarn-et-Garonne, Arrondissement: Montauban, Canton: Aveyron-Lère - 82

Maison du Temple de Montricoux
Maison du Temple de Montricoux

La commune actuelle de Montricoux s'étend en Quercy entre l'Aveyron, deux de ses affluents, Rioumet en aval, le ruisseau d'Embarre en amont, et une ligne irrégulière qui court d'Embarre à Rioumet au-delà de la colline du Bretou. Sur la rive droite de Rioumet, elle englobe le territoire compris entre le ruisseau de Riu Cau et les communes de Caussade et de Bioule.
Elle est limitrophe des communes de Nègrepelisse, Bruniquel, Penne du Tarn, Cazals, Saint-Cirq, Caussade et Bioule.

Au Moyen-Age, et jusque dans les premières années de la Révolution, elle comprenait en moins la communauté ou consulat de Saint-Geniès, membre de Puygaillard, qui avait même seigneur que Bruniquel. Cette petite enclave s'étendait entre l'Aveyron et les ruisseaux d'Embarre et de Pixarel (autrefois Pitchorel) et comprenait les lieux dits : le Caylar, la Bose, Saint-Geniès, Caussoleil, Gilat, la Grèze, Salquie (autrefois Salclie) et une partie de Montcussou.

Sauf cette restriction, la commune actuelle et l'ancienne communauté de Montricoux ont les mêmes limites.

Placée en bordure des derniers contreforts du Massif Central, la commune de Montricoux est très variée dans son relief et dans, son sol. C'est en ce point que l'Aveyron sort des gorges calcaires pour couler dans la plaine. A son entrée dans la commune, la rivière longe le pied des falaises de la rive droite qui dominent les basses eaux d'une trentaine de mètres ; elle s'incurve ensuite vers la falaise de la rive gauche qu'elle atteint en face du village. La vallée alluvionnaire, d'abord inexistante, s'élargit progressivement jusqu'à Rioumet. Elle forme une première terrasse élevée de dix à quinze mètres au-dessus de l'étiage et bordée d'un talus boisé ou planté de vignes. Une seconde terrasse la domine d'une dizaine de mètres, depuis le ruisseau de Sesquières (dénommé aussi du Trouillé, de Pechcausen, de Barosse) jusqu'à Rioumet. La terre végétale de cette plaine repose sur une couche de cailloux roulés, agglomérés par de l'argile. Ce sous-sol imperméable nécessite l'entretien de fossés profonds pour assurer l'écoulement des eaux nuisibles aux cultures durant l'hiver et le printemps.

Un second talus de 40 à 50 m. de hauteur conduit à un troisième plateau, où, par endroits, affleurent des quartzs roulés, témoins de l'activité des eaux aux époques géologiques. Là se trouve Montcussou dont les pentes et le sommet sont couverts de vignes depuis les époques les plus reculées, et le Pech de Mesure couvert de bois, restes de l'antique forêt de la Vaur.

Le ruisseau de Pixarel coule au-delà, dans un large vallon qui se termine vers les hameaux de la Giranelle et de Marcayran, et que domine le Bretou, longue colline jurassique d'une fertilité bien inégale : certaines de ses parties sont couvertes de bois, en d'autres lieux le calvaire affleure, la terre végétale très rare ne permet qu'une maigre végétation. A mi-hauteur s'étale un large plateau fertile qui commence au lieu-dit Bourbou et qui s'incline doucement vers le nord-ouest. La terre argilo-calcaire différencie ; au point de vue agricole, cette région de tout le reste de la commune.

Partout, sauf en bordure de la plaine basse, les sources sont rares, et les anciennes métairies disséminées dans la campagne sont toutes situées à proximité d'une fontaine.

Les origines de Montricoux se perdent dans la nuit des temps, selon l'expression consacrée. Les silex taillés qu'on rencontre en de nombreux points sont une preuve que son territoire était habité aux temps paléolithiques.

L'époque néolithique y a laissé des dolmens et des tombeaux creusés dans le sol ; le fond de ces tombeaux, les parois et la partie supérieure formant couvercle sont de larges dalles calcaires.
Il est naturel qu'un centre de population se soit établi au point où l'Aveyron, sortant des gorges, permet un passage aisé.

Dans une étude parue en 1864, M. Devals signale trois voies romaines sillonnant l'étendue de la commune. L'une, venant de l'Albigeois, traversait l'Aveyron et rejoignait à Saint-Cirq la grande voie de Montauriol à Aurillac. Ce chemin existe encore et c'est au même endroit, au lieu-dit le Port, que se faisait le franchissement de la rivière, avant la construction du pont actuel en 1842. La seconde, partant de Montricoux, rejoignait vers Belmont la voie de Saint-Antonin à Cahors par Caylus.
Elle passait par Saint-Laurent, Caussade et Puylaroque. La troisième longeait l'Aveyron. Sur le premier de ces chemins, se trouvent deux lieux : Armanhac et Cardailhac, terroirs fertiles qui paraissent avoir été cultivés dès la plus haute antiquité. Lésignac, sur la voie de Montricoux à Belmont, présente les mêmes caractères. On peut supposer, suivant une théorie exposée par Longnon, que ces noms désignaient des villas gallo-romaines. Le nom de l'antique paroisse de Castres rappelle indubitablement un établissement romain. Calmette, situé non loin de Castres, nous fait remonter au début de notre ère et même à une époque plus lointaine, le radical « calm » qui signifie plateau, étant d'origine ibère.

Le plus ancien document connu concernant Montricoux est un diplôme qui date du 30 mars 767 et dans lequel, on lit que Pépin le Bref s'étant rendu, avec son armée, en pèlerinage au monastère de Saint-Antonin, « donna en franc-alleu ce monastère et à Fédancius son abbé, le prieuré de Saint-Pierre « nommé Mormacus, situé en Quercy sur le bord de l'Aveyron en même temps que l'église de Mornagallus et la chapelle de Saint-Félix adjacentes au prieuré de Mormac avec toutes leurs possessions : vignes, terres, eaux, barrages et moulins, jusqu'à neuf coudées au-delà de la rivière et depuis Mons Cussonis (actuellement Montcussou) jusqu'au milieu de Lavaur. »
Devais, Montricoux, Imp. Ch. Douladoure, Toulouse, 1864

Il n'y a pas de doute que Mormac doit être identifié avec Montricoux dont le nom roman: Monricos, parfois Monricolf, se retrouve dans de nombreux textes. Le nom de Mons Cussonis s'est à peine transformé ; cette colline se nomme aujourd'hui Montcussou. Le bois de Lavaur, bien réduit, existe encore.

La chapelle de Saint-Félix est devenue l'église de Saint-Laurent de Mairessi, puis de Maynet. L'église de Mornagallus, aujourd'hui disparue, fut celle de la paroisse de Saint-Geniès, ainsi qu'on peut le déduire de la pièce 78 du cartulaire des Templiers de Vaour.

Il faut ensuite remonter jusqu'à la fin du XIIe siècle pour retrouver dans des manuscrits le nom de Montricoux. Les Templiers sont déjà installés dans la région. Vaour est le siège d'une commanderie qui essaimera ses maisons en Albigeois et en Quercy, au moins jusqu'au début du XIIIe siècle.

Le 31 mars 1179 (v. s.), le comte de Saint-Gilles donne aux Templiers de Vaour, représentés par le frère Fort Sans tous les droits qu'il possède sur la rive droite de l'Aveyron. Ce territoire est limité par le « riu d'en Varra » (ruisseau d'Embarre), le pech de Caussoleil, le Bretou, le chemin du Bretou à Castres, la grange de Cabertac (dont il ne nous a pas été possible de fixer la position), le riu de Metz (aujourd'hui ruisseau de Rioumet).
Ce sont approximativement les limites de la commune actuelle de Montricoux.

Un an plus tard, en mai 1181, le chapitre de Saint-Antonin donne au Temple, encore représenté par le Frère Fort Sans, commandeur de Vaour, tous ses droits dans les paroisses de Castres, de Saint-Laurent de Maynet et de Montricoux (in ecclesia que Vocatur Mairessi et in ecclesia que Vocatur Monricolf), ainsi que les moulins de Guiraudenc et de Montricoux.

Le moulin de Montricoux existe encore, et son importance s'est accrue au cours du XIXe siècle. Celui de Guiraudenc n'existe plus. Il est très vraisemblablement situé au lieu-dit « le Gal. » En effet, en février 1183 (v. s.), Fort Sans acquérait pour la maison du Temple de Vaour, moyennant une charité de 190 sous de Melgueil, de R. Baudi et de sa soeur Bérangère mariée à Arnalz del Pi, « leurs terres et leurs honors de l'orme de Bruildor tout droit sur le Capmas de Roillac et partie de « Font Ferreire : soit à savoir les talus et la rive droite de l'Aveyron et les bois et les chaussées et l'île qui est au bout de la chaussée, en amont, leurs issues et leur usage entre ce lieu et l'église de Mairessi. »

Font Ferreire est dans la commune de Bioule et il n'y a qu'une seule île dans l'Aveyron depuis Bioule jusqu'à Montricoux; elle est située au lieu dit « le Gal », et un terrier du XVe siècle nous apprend qu'il existait en ce lieu un moulin à foulon.

Sous la direction de Fort Sans, les frères du Temple de la maison de Vaour acquièrent par une action persévérante la possession de toutes les terres ou du moins les droits sur les terres depuis Bioule jusqu'en Albigeois, au-delà de Vaour. L'acquisition se faisait parfois par achat.

En 1175, ils donnent 370 sous pour la vigne située à l'Auriol (commune de Penne).
En mai 1185, G. de Salvagnac vend au Temple tous ses droits de Castres à la Bose (commune de Montricoux), sauf un cens de 33 sous, moyennant 400 sous de Melgueil.

D'autres fois, il s'agit d'un véritable don. C'est ainsi qu'ils ont acquis les droits du chapitre de Saint-Antonin qui se réserve uniquement comme preuve de suzeraineté un droit d'acapte d'un marabotin d'or et la dîme.

Ce fut un don aussi que le Comte de Saint-Gilles leur fit, le 31 mars 1179, de tous ses droits sur les terres qui composent une grande partie de la commune de Montricoux. Il retenait seulement les autours pour droit seigneurial.

Il en fut de même en décembre 1184 quand Sicard, vicomte de Saint-Antonin, leur céda les droits qu'ils avaient sur « la vila de Castres, sur les hommes et les femmes, les terres et la honor et toutes ses dépendances, quelles qu'elles soient..., les pacages, le droit d'exploitation des bois, des eaux, des sauvagines. »
Les exemples de ce genre sont nombreux dans le cartulaire des Templiers de Vaour.

D'autres fois, le prix est si minime que la cession peut être considérée comme un don. C'est ainsi que, en octobre 1184, Bertrand de Saint-Hugues cède ses droits sur les paroisses, du Bretou et de Castres avec l'usage des bois, fontaines et prairies pour 50 sous seulement.
Un acte de novembre 1184 nous apprend qu'une paire de boeufs était estimée 100 sous.

D'autres fois encore, un chevalier apportait tout ou partie de ses biens au Temple pour être reçu parmi les frères.
Ainsi agissent :
Bernard Hue de Saint-Cirq en 1178.
Uc Catre, assisté de sa soeur Uga en 1182.
P. Ramon de la Garrigue en 1183.
Bernartz Wilhelm, fils de W. de Penne, le 3 février 1183 (v. s.).
Raymond Ratier de Bioule en janvier 1184 (v. s.).
Ramond Fustein à la même date.
Amiel Cinfre de Bioule au mois de juin suivant (juin 1185).
Ratier de Caussade, etc.

Ce sont parfois les parents qui donnent au Temple une partie de leurs biens pour que l'un de leurs fils soit reçu dans l'ordre.
En mai 1183, Audiguier de Penne et sa femme Mandina cèdent à Fort Sans leurs droits sur des prés et des bois pour que leur fils Guillaume soit reçu dans l'ordre. Ils obtiennent en plus une charité de 30 sous de Melgueil.
Le 3 mai 1184, la dame Sebella, veuve de Sicard de La Tour, et ses frères donnent leurs biens au Temple. « Sicard, le fils de dame Sebella, est reçu pour don et pour frère par Fort Sans et les chevaliers de la maison de Vaour. »

Si l'on suit attentivement les pièces du Cartulaire des Templiers de Vaour recueillies par Portal et Cabié, on est frappé par ce fait que de nombreux propriétaires avaient des droits sur des territoires délimités de façon à peu près identique. C'était là une cause de conflits certains dont quelques-uns furent réglés à l'avantage des chevaliers du Temple.
Ainsi, en mai 1178, Pouz Raines et Aiceline, sa femme, Bernard et Foulque, leurs enfants, et dame Guillemine, cultivateurs (agro) font un procès à Bernard Hugues de Saint-Cirq et aux frères du Temple. Ils se plaignent de l'usurpation que ceux-ci ont faite des quatre mas :
Lourmière, Camp grand, la Boissière et Bourdelles.
Il est répondu aux plaignants que Bernard Hugues les avait tenus depuis plus de soixante ans avant de les avoir apportés à la maison du Temple en mai 1178.

L'actif Commandeur Fort Sans n'eut de cesse qu'il n'eût recueilli la possession intégrale des biens qui constituaient le domaine de ses maisons et notamment de celles de Castres et de Montricoux.

Si la dîme était due au Chapitre de Saint-Antonin, ce devoir était certainement éludé ainsi qu'en témoignent des arbitrages à ce sujet datés de juillet 1192 et du 4 mars 1247 (v. s.).
Les Templiers s'engageaient à la payer désormais et à entretenir dix paires de boeufs sur les domaines acquis en mai 1181.
Le comte de Saint-Gilles s'était uniquement réservé, comme droit seigneurial, les autours, oiseaux nobles utilisés pour la chasse.
Un sens de 3 sous était dû à G. de Salvagnac, et Bernard Hugues de la Roque avait retenu ses droits seigneuriaux, mais ce sont là des exceptions.

Dans les acquisitions, sont compris les hommes et les femmes qui vivent sur les terres. Il arrive même que des êtres humains sont acquis séparément.
Ainsi, le 2 octobre 1182, Aigline et Arnaud Raimond donnent pour 25 sous de Melgueil à Dieu et à Sainte-Marie et aux frères du Temple de Jérusalem.
Estève de Fracella et sa fille. Le servage n'était pas encore aboli, la communauté n'avait pas obtenu sa charte d'affranchissement.
(Cartulaire des Templiers de Vaour, pages 25-26, pièces 79 et 82).

La Commanderie de Montricoux installée, les chevaliers durent y vivre selon la règle de leur ordre. Les terres cultivées étaient étendues dans leur domaine. Les pâturages et les bois nourrissaient des troupeaux nombreux. Ils bénéficiaient de redevances en argent et en nature évalués à 1.100 livres au début du XIVe siècle.

Ils firent construire le donjon qui s'aperçoit à côté de l'église. Ils y ajoutèrent ensuite une plus vaste demeure. Le donjon comprenait une salle basse voûtée, vraisemblablement sans autre ouverture à l'origine que d'étroites meurtrières sur la façade sud. Au-dessus, il y avait trois étages et une plate-forme crénelée. Aux angles s'élevaient quatre tourelles en encorbellement ; dans celle du nord-ouest se trouve l'escalier à vis qui desservait les différents étages ; on y accédait par une porte s'ouvrant dans un escalier du château et par une galerie boisée à l'intérieur de la salle basse, au niveau du premier étage.
Il y a peu d'années, les vieillards du pays appelaient le donjon « les quatre tours ». Nous n'avons aucune idée de ce que put être le château au XIIIe siècle.

Les Eglises

L'acte de donation fait par Pépin le Bref et les diverses pièces du Cartulaire des Templiers de Vaour relatifs à Montricoux, nous montrent que cinq églises existaient au XIIe siècle dans l'étendue actuelle de la commune. Il n'en reste plus actuellement que deux : celle de Montricoux et celle de Saint-Laurent de Maynet.
L'église de Castres, d'une construction antérieure à l'an mille, est aujourd'hui utilisée comme bergerie.
L'église de Momagallus, édifiée à Saint-Geniès, a disparu depuis la Révolution après la suppression de la commune. La porte, de style roman, se voyait il y a quelques années encore à l'entrée d'une écurie du village. Les propriétaires en ont vendu les pierres à un antiquaire.
Il existait enfin une cinquième église au Bretou, près du lieu-dit actuellement Bourbou (Borbou dans les anciens cadastres). Elle était vraisemblablement dédiée à la Madeleine. Il n'en reste qu'un pan de mur dont l'appareillage de certaines assises à feuilles de fougère caractérise l'époque mérovingienne (d'après une communication faite à cette assemblée en 1889 par l'Abbé Laborie, professeur au séminaire).
Le lieu où elle se trouve était nommé « La Madeleine » au XVe siècle et à la fin du siècle dernier, dans un champ où devait être le cimetière de la paroisse, les labours faisaient souvent découvrir des restes humains.

Qu'était à ce moment l'église de Montricoux ? Il en existait une au VIIIe siècle, peut-être sur l'emplacement de celle qui existe actuellement. Aucun document connu ne permet de le préciser. Rien non plus ne permet d'affirmer que les Templiers ont fait procéder à une construction nouvelle, sauf peut-être le T, initiale du mot « Templum » qui orne la clé de voûte de la chapelle basse. Il est à remarquer aussi qu'une partie de la voûte actuelle, en forme de berceau ogival, et le portail qui s'ouvre en face du donjon rappellent le style du XIIe siècle et peuvent être leur oeuvre. Le chevet et les chapelles latérales sont l'oeuvre du XVe et du début du XVIe siècle. L'architecture des voûtes, les armes des Duèze ou Carmaing qui ornent une clé de voûte en sont une preuve suffisante que corrobore la note suivante relevée dans un terrier du XVe siècle :
« L'an mil cinq cens et (1), lo 27 jorn del mes de octobre, forec acabada de claure lo cap de la gleya del loc de Montricos per mestre Anthoni del pech perie et Peire Costas et forec comensada l'an mial quatre cens et .... »
La note s'arrête sans avoir précisé la date.
1. Ce chiffre écrit en caractères romains n'a pu être lu de façon certaine. Il semble cependant que ce soit VIIII. Il faudrait donc lire 1509.

Malgré les apparences architecturales qui ont induit en erreur plusieurs érudits, le clocher ne fut édifié qu'après l'achèvement de l'église. En 1547, sa construction abandonnée « depuis trois ou quatre ans » par Arnault Gourdon, maçon de Montauban, s'élevait seulement « à environ deux cannes sur terre. » L'entrepreneur ne reprit son oeuvre qu'après un arbitrage du 10 mars de cette même année (Archives Départementales, E 278 DD1).
La flèche qui menaçait de s'effondrer a été reconstruite plus haute et plus élancée en 1905.

Les Agglomérations

Le village, bien plus réduit qu'aujourd'hui, groupait ses maisons autour de l'église et du manoir du Temple. De l'examen d'un terrier du XVe siècle, il ressort que le premier mur d'enceinte partant du château vers le sud et bordant le talus pour rejoindre le château vers sa partie nord-est, était percé de deux portes dont l'une « la porto del moli » donnait accès au « cami de la volta de la vila » (terrier de 1463, folio 73).

Au-delà s'étendait le « Barry » qui au XVe siècle avait déjà acquis assez d'importance pour être compris à l'intérieur d'une nouvelle enceinte, celle dont on voit les restes actuellement.
Cependant, il existait encore un fossé nommé « valat de la Gleya », très voisin de la rue du four banal, celle qui est parfois désignée par « carrayro del cementeri petit » et qui va de la place de la mairie à la porte nord de l'église. C'est donc là qu'au XIIIe siècle devait se trouver le mur d'enceinte séparé des maisons par une rue.

Les divers actes recueillis dans le Cartulaire des Templiers de Vaour ne mentionnent que quatre hameaux pouvant être situés à l'intérieur des limites de la commune. Bordellas (Bourdelles), La Boisseira (La Boissière), Olmiéra (Lourmière), Campgran (vers la Borde Blanche). La présence de trois paroisses dans ces divers coins de la commune laisse supposer qu'il existait d'autres centres habités.

Il est très souvent précisé en effet que les Templiers acquièrent avec les droits sur le sol, les droits sur tous les hommes et toutes les femmes qui y habitent, mais il n'est pas possible de déterminer même approximativement pour cette époque le chiffre de la population. Les habitations sont dénommées cabanes, ce qui suffit à montrer leur pauvreté.

Trois siècles plus tard, les chaumières seront rares dans la commune : le terrier les indique nettement par l'expression « hun ostal cuvert de palha. »

La Charte d'Affranchissement

Malgré la présence de nombreux serfs sur le territoire, il y avait à Montricoux des hommes libres et même une organisation communale, reste de l'ancienne législation romaine. Trois consuls étaient déjà en fonctions, le 6 janvier 1276 (v. s.) lorsque fut accordée la charte d'affranchissement. Elle fut reçue au nom des habitants par Bernard Delcuzoul, Bernard Garinhac, Pierre Rigaud, consuls, et Vidal Andral. Sans doute, ce dernier était le quatrième consul prévu par l'article 12 de ladite charte.

Ce document a été publié en 1864 par M. Devals aîné dans les Mémoires de l'Académie Impériale des Sciences, Inscriptions et Belles-Lettres de Toulouse d'après un vidimus qui lui fut communiqué par M. de Valada, alors maire de Réalville.
Plusieurs autres copies authentifiées sont conservées aux archives départementales. Une copie avec commentaires a été utilisée au cours d'un long procès qui opposa M. de Malartic, seigneur de Montricoux, et la communauté. M. de Malartic possédait un original de ce document dans ses archives de Montricoux. La communauté en conservait un autre exemplaire. Celui-ci a disparu.
« C'étaient, dit un inventaire des archives de la communauté, des grosses en parchemin scellées de cire, le sceau pendant, attaché de soie rouge, et reconnues sans ratures et non suspectes d'aucune fausseté » par le sénéchal de Quercy, François de Seguier (Archives Départementales, E 278-1).
La famille de Malartic a-t-elle conservé le sien ?

Comment les habitants de Montricoux obtinrent-ils la liberté ?
Est-ce de leur plein gré que les Templiers accordèrent de nouveaux droits à leurs vassaux, ou cédèrent-ils à leur pression ?
Rien ne nous renseigne à ce sujet de façon certaine. Nous devons remarquer cependant que l'acte fut dressé par Arnaldus Grassi, notaire à Bruniquel, non à Montricoux, mais à Lacapelle-Livron, siège d'une autre commanderie du Temple, dont les habitants possédaient leurs coutumes depuis le 10 novembre 1268. Il est permis de supposer que c'était pour soustraire les négociateurs à l'agitation qui régnait à Montricoux, et qui était d'ailleurs toute naturelle. En effet, la plupart des communautés voisines avaient obtenu leur charte d'affranchissement: Nègrepelisse, depuis mai 1273, Bioule, depuis le 21 juin de la même année, Monclar, depuis le 4 mai 1267, Caussade, depuis 1248, et, en 1249, Sept-Fonts envoyait ses consuls à Moissac, où se trouvaient les délégués royaux, pour recevoir les privilèges de leur bastide et prêter le serment de fidélité. Ces exemples devaient inciter les habitants de Montricoux à protester contre leur servitude.

Remarquons tout d'abord que les coutumes accordées par les Templiers sont plus libérales que celles que le roi Philippe le Bel octroya en janvier 1286 (v. s.) à Nègrepelisse devenue ville royale, et à Albias, le 2 décembre suivant. Réalville n'obtint les siennes qu'en 1310 et Bruniquel plus tard encore en 1321.

Le préambule de la charte d'établissement de Montricoux semble bien contenir un regret de la part du concédant. On y lit en effet :
« En gardan lo profieg et melhorament de la Maio « de Monricos », ce que traduit un commentateur du XVIIIe siècle (E. 269) par « tout en ayant égard au profit et à l'amélioration de la maison de Montricoux. » Certainement, le religieux frère Rossolin de Fox, humble maître en Provence des maisons de la chevalerie du Temple, donne et octroie suivant le conseil et la volonté et l'express consentement de ses frères, mais il y eut sûrement des débats, car « si le seigneur retient pour lui ou son lieutenant une poule chaque année et par maison, deux journées de travail par maison où il y a un homme, une journée de labour par paire de boeufs et trois journées de travail de chaque femme », c'est du consentement et par concession des habitants (ab voluntat et ab autrejament dels habitons) (article 48).
L'article 39 contient une formule analogue, preuve des discussions entre les Templiers et leurs vassaux: « Il fut voulu et accordé (Fo volgut et autrejat...) par ledit seigneur et par les habitants que l'usage de certaines mesures et de certains poids serait obligatoire.

Une autre considération a dû aussi pousser les Templiers à affranchir leurs serfs de Montricoux : les communautés voisines où la servitude était abolie n'étaient pas sans attirer la population ; elles en retiraient un regain d'activité. Montricoux libre retiendrait ses habitants malgré le droit qu'ils auraient désormais de quitter le territoire et la seigneurie sans perdre leurs biens (article 9) et de marier librement leurs enfants même dans une communauté voisine (article 10).

La rédaction de l'article 9 nous permet d'affirmer qu'avant l'octroi des coutumes, les habitants de Montricoux abandonnaient leurs biens pour vivre ailleurs, là où ils pouvaient se livrer à une libre activité où les produits de leur travail leur étaient garantis, où ils pouvaient les transmettre à leurs descendants. Ce droit de tester, ils ne l'avaient pas auparavant, ils l'acquièrent désormais (article 7).
La prospérité de la ville et de sa honor ne put qu'en être accrue. Les inféodations de terres vacantes que le seigneur se réservait le droit de faire étaient facilitées, et la commanderie de Montricoux pouvait envisager une augmentation de ses revenus.

Comme dans tout contrat, les deux parties attendaient un bénéfice de l'acte du 6 janvier 1276. Le premier, c'était l'apaisement, la tranquillité pour tous. Les habitants ne seraient plus taillables et corvéables au-delà des limites fixées d'un commun accord avec le seigneur : 40 livres (1) par an de censive payables en deux fois et une contribution, accidentelle lorsque le maître du Temple ordonnerait une quête générale pour acheter un château ou secourir la Terre Sainte (article 1er).
1. Il serait intéressant de se faire une idée exacte de la valeur représentée par ces 40 livres. Traduire en monnaie actuelle les monnaies anciennes est fort difficile sinon impossible. Divers auteurs ont essayé et sont arrivés à des résultats fort peu concordants. Ainsi, pour établir cette relation pour les 57.000 livres qui représentaient le prix d'achat des terres d'Albias, Léojac, Saint-Etienne et Tauge, Moulenq (B. S. A., n° 1, page 138) tenant compte du prix du blé en 1319 et en 1869, a calculé que 57.000 livres représentaient 2.565.000 francs, soit 45 francs pour une livre. Le même auteur rapporte que selon Boisguilbert une livre en 1319 aurait valu 100 livres en 1697, et, selon Buchon, 110 francs environ en 1827.
Pour essayer de préciser la valeur des monnaies anciennes, on peut, poursuivant l'idée de Moulenq, évaluer la quantité de marchandises diverses correspondant à une certaine somme d'argent, en négligeant toutefois les objets manufacturés dont la production se faisait autrefois dans ces conditions bien plus difficiles qu'aujourd'hui.
En se rapportant à la thèse de M. Robert Latouche : La Vie en Bas-Quercy du XIVe au XVIIIe siècle, on peut calculer qu'avec 40 livres on se procurait:
En 1317, 6 paires de boeufs.
En 1318, 80 chèvres ou 160 porcs.
En 1329, 11 ânes bâtés.
En 1330, 8 juments.
En 1333, 10 roussins.
En 1343, 57 hectolitres de blé.
En 1444, 80 truies.
Les revenus de la maison du Temple de Montricoux (1.100 livres) représentaient en 1343 environ 1.570 hectolitres de blé.

Les corvées auxquelles ils étaient astreints étaient fixées par l'article 48 (voir plus haut).
En contrepartie, ils obtenaient le droit de pacage, de glandage dans les bois seigneuriaux, le droit d'y prendre le bois qui leur était nécessaire pour leur chauffage, la construction ou l'entretien de leurs maisons, de leur vaisselle vinaire. L'abus était évité car ils ne pouvaient en vendre sans l'autorisation du seigneur. L'homme ne se livre pas à un travail corporel s'il ne doit pas en retirer profit.

Pousser plus loin l'analyse de cet acte dépasserait le cadre que nous nous sommes tracé, et allongerait exagérément cette communication.
Cependant nous ne pouvons passer sous silence que le 30 mars 1297 (1298) Hugues d'Adhémar, successeur de Rossolin de Fox, donna une nouvelle satisfaction aux habitants de Montricoux en leur concédant un marché qui se tiendrait le mercredi de chaque semaine. La même charte fixe les droits à percevoir par le seigneur sur les animaux et les marchandises diverses vendus sur le marché. Les habitants qui étaient exonérés de tout péage par l'article 16 de l'acte d'affranchissement voient leur privilège renouvelé.

C'est la fin du XIIIe siècle. Les Templiers sont en butte à de nombreux ennemis. Leurs richesses accumulées ont éveillé d'ardentes jalousies ; les familles qui ont vu tout ou partie de leur patrimoine passer dans le domaine du Temple en éprouvent parfois des rancunes accrues par les accusations portées contre les chevaliers ; des ordres rivaux les guettent, les accusent d'hérésie, de sorcellerie et de dépravation. Tous ces griefs vrais ou imaginaires trouvent créance dans le peuple. C'est là aussi sans doute une des raisons qui poussèrent le maître et les frères du Temple à s'attirer la bienveillance de leurs vassaux de Montricoux en leur accordant la liberté. Mais pour les chevaliers qui formaient d'après l'inscription de leur sceau la milice et l'épée du Christ, le plus grand danger était ailleurs. Philippe le Bel avait, pour assurer l'administration plus complexe d'un pays plus étendu, de pressants besoins d'argent. Il profita de leur impopularité pour les faire emprisonner et confisquer leurs biens. « Le vendredi 13 octobre 1307, dit M. Devals, Jean d'Arreblay, sénéchal du Quercy, agissant en vertu d'ordres secrets transmis par Philippe le Bel, roi de France, envahissait au point du jour, à la tête de ses hommes d'armes, la maison des Templiers de Montricoux, s'assurait de tous les chevaliers et les conduisait chargés de fers dans les « prisons de Cahors.
« Il eut soin, avant de partir, de mettre leurs biens sous sequestre et d'en nommer un curateur : Géraud de Salvagnac. »

Le 22 mars 1312, le pape Clément V prononçait la suppression de l'ordre des Templiers et la d'évolution de leurs biens aux Hospitaliers de Saint-Jean de Jérusalem. En dépit de la promesse au pape de remettre à ceux-ci les biens du Temple, Philippe le Bel attribuait la seigneurie de Montricoux à Esquieu de Florian, chevalier chassé de l'ordre, qui avait dénoncé et trahi ses frères. Le procès suivait son cours et le Vendredi 13 mars 1314, Jacques Molay montait sur le bûcher.

En 1313, Guillaume de Marcayran, bourgeois de Caussade, remet à Esquieu de Florian, baylet du roi et seigneur de Montricoux, un procès qu'il soutient contre les habitants qu'il accuse de déprédations dans ses terres.
Au cours du même procès, les habitants de Montricoux déclarent avoir pour seigneur le roi de France (nostre senhor lo rey de Fransso, senhor de Montricos. (Archives Départementales E. 277).

En 1321 et 1322, Esquieu de Florian est encore désigné comme « baylet du roy et seigneur de Montricoux » dans une enquête sur le droit qu'avaient les consuls de juger les affaires civiles et criminelles conjointement avec les juges du lieu et qui leur était dénié par leur seigneur (Archives Départementales E. 277-11).

Après la mort de Philippe le Bel, la seigneurie de Montricoux fut remise aux Chevaliers de Saint-Jean de Jérusalem qui s'en dessaisirent quelques années plus tard, en 1332, au profit de Pierre Duèze, riche bourgeois de Cahors anobli et fait chevalier en septembre 1316, environ un mois après l'élévation au pontificat de son frère Jacques Duèze, le Pape Jean XXII (1).
1. Pierre Duèse (parfois Duèse et Deuze) était déjà seigneur de Verlhes, Tulmont (1318). Nègrepelisse, Albias, Montbrun, Montresuy (1319), Puylagarde (1318), Tauge, Saint-Etienne, Léojac, en Quercy, baron de Saint-Félix en Languedoc, vicomte et baron de Carmain, seigneur de Peyrac au diocèse de Narbonne (1327), lorsqu'il acheta la seigneurie de Montricoux.
Plus tard, il est dénommé Carmain, Carmaing ou Caraman. Ses armes sont identiques à celles du Pape Jean XXII. L'écu écartelé, sculpté et peint à une des clés de voûte de l'église, au-dessus du choeur, porte aux 1 et 4 d'argent a un lion, d'azur armé et lampassé de gueules en orle ; aux 2 et 3, de gueules à deux fasces d'or. Le support (2 lions) et le cimier (deux cornes) n'ont pas été ajoutés à l'écu.

En échange, les Hospitaliers recevaient les terres de Douzens et de Goyran en Languedoc, et, de plus, 5.000 florins d'or.

Ce fut là sans doute, en même temps qu'une satisfaction donnée au frère du pape, une nécessité financière. En effet, selon l'opinion de Langlois, « il paraît avéré que les Hospitaliers furent plutôt appauvris qu'enrichis par le cadeau fait à leur ordre. » Le 21 mars 1313, ils avaient dû payer au roi 200.000 livres « pour soldé des sommes dues à lui par les Templiers » et ils devaient en plus une importante indemnité à la couronne pour frais d'entretien, de geôle et de tortures des Templiers emprisonnés de 1307 à 1312. Après avoir dépouillé les juifs et l'ordre du Temple, le roi avait encore besoin d'argent.

Pendant 128 ans, les Templiers ont été les seigneurs de Montricoux. De vagues traditions populaires, une partie de l'église, un donjon découronné, les plus vieux murs du château et des fortifications en perpétuent le souvenir. D'éminents historiens locaux, M. Devais et Moulenq, ont tiré des archives la plupart des documents qui les concernent. Le présent travail ajoute une modeste contribution aux recherches de ces érudits.

Je souhaite qu'il ait offert quelque intérêt à mes auditeurs. Je ne me serais pas exposé à les importuner si je n'avais su leur amour de notre département, de tout ce qui peut contribuer à le mieux faire connaître et à le mieux faire aimer.

Et, en terminant, qu'il me soit permis d'adresser mes remerciements à M. Dausset, archiviste départemental, notre distingué confrère, qui a bien voulu faciliter mes recherches et me donner d'utiles conseils.

BIBLIOGRAPHIE

PORTAI, et CABIÉ : Le Cartulaire des Templiers de Vaour.
M. DEVALS : Montricoux.
Abbé F. GALABERT et Boscus : La Ville de Caussade.
Chanoine DAUX : Sept-fonds.
ESQUIEU : Essai d'un Armoriai quercynois.
Auguste LONGNON : Les noms de lieu de la France.
LAVISSE : Histoire de France, tome 3, par Langlois.
MICHELET : Histoire de France, tome 2.
H. DE BARRAU : Ordres équestres.
Bulletins de la Société Archéologique de Tarn-et-Garonne.
R. LATOUCHE : La Vie en Bas-Quercy du XIVe au XVIIIe siècle.
H. DE CURZON : La Règle du Temple.
Sources: M. André Bergouniou. Bulletin archéologique historique et artistique de la Société archéologique de Tarn-et-Garonne, tome LXVII, page 45. Montauban 1939.
Bnf

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