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Procès des Templiers, Jules Michelet, Lavocat, Trudon-des-Ormes, Templiers par région

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    Enguerrand de Marigny

    Marigny (Enguerrand de), homme d'Etat, pendu à Paris le 30 avril 1315. Il était originaire de Normandie, et sa famille s'appelait le Portier. C'était, dit le continuateur de Guillaume de Nangis, un homme gracieaux, cauteleux, savant et rusé, qui avait beaucoup d'influence et d'autorité sur le peuple, et qui avait été le premier et le principal conseiller de Philippe le Bel, au point de diriger tout son gouvernement comme un autre maire du Palais.
    Il fut nommé successivement chambelland, comte de Longueville, châtelain du Louvre, surintendant des finances, grand maître de l'hôtel du roi, remplit diverses missions en Flandre et en Anglettere, et contribua à la destruction des Templiers. Mais l'altération des monnaies, l'établissement de nouveaux impôts avaient soulevé contre lui des haines violentes, et à l'avènement de Louis X, l'oncle du nouveau roi, Charles de Valois, qu'il avait grièvement offensé, le fit arrêter. Son procès fut rapidement instruit ; pour obtenir des révélations contre lui, on mit ses serviteurs et son commis à la torture ; on ne lui permit pas de se défendre. Comme Louis voulait se borner à l'exiler dans l'île de Chypre, on suscita en outre contre Enguerrand une accusation de sorcellerie et de maléfices, et une nouvelle commission le condamna à être pendu, ce qui fut exécuté le lendemain de l'arrêt. Louis et Charles, au lit de mort, se repentirent de cette injuste condamnation. Le premier légua 10 000 livres à la veuve et aux enfants d'Enguerrand ; le second fit transférer le corps de sa victime à l'église collégiale d'Ecouis et fonda un service perpétuel pour le repos de son âme.

    Philippe, frère cadet du précédent, évêque de Cambrai (1306), archevèque de Sens (1309), fut l'un des principaux acteurs dans le procès des Templiers qu'il poursuivit avec un acharnement odieux.
    La vie d'Enguerrand de Marigny sur le site de la BNF
    Sources: Ludovic Lalanne — Dictionnaire Historique de la France volume II — Paris 1877.

     

    Pierre Dubois.(1250 env.-apr. 1321)

    Légiste français, Pierre Dubois fit ses études à Paris, où il fut sans doute l'élève de Thomas d'Aquin. Avocat des causes royales pour les affaires ecclésiastiques dans le bailliage de Coutances, il fut, à ce titre, l'un des innombrables hommes de loi chargés de rechercher, de défendre et d'exalter à travers tout le royaume les droits du roi: il soutint Philippe le Bel contre Boniface VIII. Malgré une notoriété due à des écrits dont l'influence demeura fort réduite, Pierre Dubois apparaît comme le type même du serviteur obscur et efficace de la monarchie. Comme nombre de légistes du roi, et des plus illustres, il avait en même temps une clientèle privée: c'est ainsi que la comtesse Mahaut d'Artois en fit son conseiller et, après la mort de Philippe le Bel, son bailli. On connaît une dizaine de mémoires et traités composés par Dubois. Plusieurs sont des oeuvres de circonstance: contre Boniface VIII ou contre les Templiers, par exemple. D'autres sont marginales, comme une défense des tournois, que réprouvaient alors le pape et le roi. Les oeuvres essentielles, où Dubois cherche à imposer sa vision de la société politique, sont le De abreviatione guerrarum (vers 1300), le De recuperatione Terre Sancte (vers 1305-1307) et le mémoire composé pour inciter Philippe le Bel à se porter candidat à l'Empire (1308). Toute l'oeuvre de Pierre Dubois tend à l'établissement d'une hégémonie capétienne sur le monde chrétien, grâce au rétablissement de la paix en Occident, à l'union des énergies pour le succès de la croisade et à la restauration du prestige impérial. De manière souvent artificielle, il fond la politique aristotélicienne, la conception romaniste de l'Etat et le système patrimonial qui organise l'expansion capétienne.

     

    Raoul de Presles

    Est le principal avocat du roi et tombeur des Templiers par sa déposition au procès, dans la représentation du roi au Parlement.
    Lors des grandes manifestations politique du règne de Philippe le Bel, auxquelles ce roi voulut donner un caractère national, la commune de Vailly, le 28 juillet 1303, accorda son adhésion à l'appel au concile contre Boniface VIII (1), et en avril 1308, envoya ses députés aux Etats de Tours, réunis « pour la grant erreur et pour la grant iniquité des Templiers tant orible et amere (2) ». La titulature des actes alors expédiés par Vailly était: « major, jurati totaque communitas communie de Vailliaco » (1303), « li maires et li juré de la commune de Vailly et des appartenances » (1308). 1. Georges Picot, Documents relatifs aux Etats généraux et assemblées réunies sous Philippe le Bel, Paris, 1901, page 458, nº DCIII. 2. Ibideme, page 623, nº DCCCXCVIII: les députés de Vailly furent « Warnier dit de Nueville et Jasques dit Gigant. »

    A la fin du règne de Philippe le Bel et sous ses successeurs, un personnage important, Raoul de Presles (1), clerc du roi, « légiste », s'efforça d'arrondir les domaines qu'il possedait dans la vallée de l'Aisne, en amont de Soissons, notamment dans toute la région avoisinant Vailly. Nombreuses les acquisitions et les ventes qu'il fit alors.

    Retenons seulement qu'en décembre 1310 il prit à ferme perpétuelle (2) toute la seigneurie et les droits que le roi possédait par échange avec l'abbé de Corbie (3) sur « la prévôté de Gourtdemainne de Vailly (4) » ;

    En mars 1311 (n. st.), Raoul acquit encore par échange avec le roi 500 livres tournois de rente sur la même prévôté (5) et reçut de lui, cette fois en récompense de ses « agréables services », une rente annuelle de 24 livres parisis « sur les villes de Condé et de Sele de léz Vailly » à tenir de la même « prevosté de Gourdemainne (6) ». Mais, en décembre 1315, tombés momentanément en disgrâce, maître Raoul et Jeanne, sa femme, « pour paier ce qu'il dévoient tant a n. s. le Roy comme ailleurs », vendirent (7), moyennant 2.000 livres de petits tournois, à Robert de Presles (8), chanoine de Laon, « leur meson de Vailly seur Aisne, qui fu Saint Pierre de Corbie, atout la court, le jardin et les mesons... en la manière que li prevoz de Courtdemainne la tenoit a son temps », les accroissements et améliorations qu'ils y avaient apportés, « et tel droit comme lidiz mestres Raouls et Jehanne ont... en la nouvelle chambre qui est faite pour le restor de tenir les plais de la ville (9) » ; douze arpents et demi de vignes en deux pièces, le « molin Saint Pierre avec le vivier » et « touz leur cenz et rentes, vinages, fouages, rouages et terrages » qu'ils avaient « en ladite ville et ou terrouer » ; enfin, « leur eschevinage, la mairie et toute tele justice et seignerorie comme il ont en ladite maison et partout ailleurs en ladite ville et ou terrouer, excepté leur home et leur fames de cors et de chief, les mortes mains, les formariages, les chevages, les amendes, la justice et la seignorie d'iceus » (confirmation royale de mars 1318, n. st.).

    Or, Raoul de Presles ne tarda pas à se trouver en conflit avec « le maieur, les juréz et les habitanz de la vile et de la commune de Vaily », précisément « sus les cas des mortes-mains et formariages que lidiz mestre Raouls demandoit as personnes de son chevelise, nées et a nestre, demouranz en ladite vile et commune ». Mais ce procès, déféré au Parlement, se termina à l'amiable par un accord (10) de portée plus générale auquel le roi donna son approbation en mars 1318 (n. st.).

    Aux termes de cet acte, « ont acordé lidiz mestre R. et sa feme que tuit li né et a nestre de leur chevelise (11) demourant es viles et terroers des conmunes de Vailly et de Praelles (12), c'est assavoir: Wailly, Condé, Celles, Chavonnes, Filains, Pargny, Aysi, Joy, — Praelles, Cis, Ru, Saint Mart et les Boves, tant longuement conme il seront demourant et feront leur plus principal mansion es viles et terroers dessus nonméz, que il soient quittes de ladite morte-main et formariage en la manière dessouz contenue ». Les clauses ainsi annoncées précisaient pour les bénéficiaires de cet « accord »: la faculté d'aller « demourer hors des lieus dessus diz par quelque temps que ce soit » et de « revenir es lieus dessus diz », sans crainte de mainmorte, puisque « il y tiegnent... leur plus principal mansion », mais, s'ils vont fixer ailleurs leur résidence, ils seront considérés comme « hommes de corps » et soumis à la mainmorte et au formariage « selonc la coustume des lieus la ou il demourront » ; en cas de formariage, les hommes paieront cinq sous d'amende et non plus ; toutes les « personnes dudit chevelise, nées et a nestre hors des villes et lieus dessus diz » ne pourront acquérir la « franchise » ainsi accordée, sans l'octroi dudit maître R. et de sa femme ; toutes les « personnes du chevelise dessus dit nées et a nestre tant es dites viles conme dehors paieront chascun an leur chevage audit mestre R. ou a sa feme, au jour de la saint Remy », suivant la coutume, sous peine de cinq sous d'amende « avec ledit chevage ». Enfin (après un article relatif à la « vile de Filains » et à la « meson de la Royere » appartenant audit maître Raoul et à sa femme), il était spécifié « que se il avenoit que se il n'eust nule conmune es viles et es lieus dessusdiz — que ja n'aviegne ! — si demourroit la franchise dessus otroie as persones nées et a nestre demoranz es viles et es terroers dessus diz »,

    Cette « franchise » — assez limitée dans ses effets — intéressait sans aucun doute les personnes de Condé et de Celles qui étaient de la seigneurie de Raoul de Presles, mais il est remarquable qu'il ne soit pas fait mention à leur propos de la commune de Condé et Celles, et que ces deux localités ne soient considérées ici que comme des « viles » de la commune de Vailly, au même titre que Chavonne, Filain, Pargny, Aizy et Jouy.

    Il n'en sera plus de même, deux ans plus tard, dans les lettres (13) par lesquelles Raoul de Presles et Jeanne de Chastel, sa femme, développant les mesures précédemment prises, accordèrent affranchissement « de chevage, de mortemain et de formariage » à toutes les personnes de leurs terres « qui estoient et avoient esté homes et fames de corps de l'église de Corbie, a cause de la prevosté de Cordemaine de Vaily » (20 mars 1320, n. st.). Les raisons alors invoquées étaient, d'une part, les maux qui « viennent et pevent venir tous les jours a cause de servitute » et, d'autre part, « le profit et l'acroissement des villes et des communes de Vaily, de Cys (14), de Praelles et de Condé sur Asne et des villes appendans a ycelles communes (15). »
    1. Sur Raoul de Presles (et surtout sur son fils Raoul), voir Lancelot, Mémoire sur la vie et les ouvrages de Raoul de Presles, dans Mémoires de l'Académie royale des Inscriptions et Belles-Lettres, tome XIII, Paris, 1740, page 607-666 ; Melleville, Notice biographique sur Raoul de Presles, dans Bulletin de la Société académique de Laon, tome IV, 1855, page 487; Stan. Prioux, Biographie de Raoul de Presles, dans Bulletin de la Société archéologique de Soissons, tome XI, 1857, page 86 ; Douët d'Arcq, Inventaire de Jeanne de Presles (1347), dans Bibliothèque de l'Ecole des chartes, tome XXXIX, 1878, page 81-109; H. Omont, Fondation par Jeanne de Chastel, veuve de Raoul de Presles (1335), dans Ibid., tome LXXXVII, 1926, page 367-371 ; et, en dernier lieu, Jacques Décanter, La « Muse » de Raoul de Presles, dans Ecole nationale des chartes, Positions des thèses, Paris, 1954, page 37.
    2. « Pour lui et ses hoirs », moyennant une rente annuelle de 900 livres de petits tournois.
    3. Cet échange était tout récent. Il datait de juillet 1310. Philippe le Bel avait, en effet, cédé à l'abbaye de Corbie tous ses droits sur la commune de Corbie (qui fut alors reprise par les religieux et supprimée) contre 6.000 livres parisis « et pro quadam domo ipsorum religiosorum sita in villa de Wailliaco, Suessionensis diocesis, que domus Curia dominica nuncupatur... et pro quadam eorumdem domo que vulgariter nuncupatur la Royere, sita juxta Fillanis... et universaliter pro omnibus hiis que ipsi religiosi infra metas communie de Wailliaci... possidebant » (Aug. Thierry, Recueil des monuments inédits de l'histoire du Tiers-Etat, tome III, Paris, 1856, page 503-504 et 506).
    4. Archives nationales JJ 47, nº 21.
    5. Ibid., JJ 47, nº 95.
    6. Ibid., JJ 47, nº 99. — Peu après, en juillet 1311, R. de Presles vendit pour 2.500 livres de petits parisis cent livrées de rente à percevoir partie sur « le pont de Vailly »: 40 livres, partie sur la grange de Royère, à « Filains en Laonnoiz »: 60 livres (JJ 46, nº 72) ; et, en mars 1312, il céda sa rente de 24 livres parisis sur la ville de Condé à maître Simon de Bucy, procureur du roi, pour en doter la chapellenie fondée par ce dernier à Bucy (Archives départementales de l'Aisne, G 253, fol. 132 vº-133).
    7. Archives nationales, JJ 56, nº 205 (acte passé sous le sceau de la prévôté de Paris).
    8. Robert était frère de Raoul.
    9. On apprend par un arrêt du 20 décembre 1317 qu'un accord avait été conclu entre R. de Presles et la commune de Vailly, aux termes duquel Raoul avait acquis « quamdam domum in qua idem major et jurati consueverunt tenere placita sua, in domo ipsius magistri R., vocata Cour Demainne », contre une autre maison dont la valeur fut estimée convenable par sept personnes désignées par le prévôt de Laon (Olim, éd. Beugnot, III, page 1189; Boutaric, Actes, II, nº 5124).
    10. Archives nationales, JJ 56, fol. 84 vº-85.
    11. Godefroy, Glossaire, cite ce passage au mot chevelice, qu'il définit « territoire où l'on peut exiger le cens capital ».
    12. Presles-et-Boves, Aisne, arrondissement de Soissons, canton de Braisne.
    13. Archives nationales, JJ 59, fol. 333 (acte d'Henri de Taperel, garde de la prévôté de Paris, vidimé par Philippe V, en janvier 1321, n. st.). — Il est intéressant de remarquer qu'à la même époque (en 1318-1319) furent également affranchis les serfs possédés en commun par le roi et l'abbaye Saint-Crépin-le-Grand de Soissons (Marc Bloch, Rois et serfs, Paris, 1920, page 200).
    14. Cys-la-Commune, Aisne, arrondissement de Soissons, canton de Braisne.
    15. Signalons que l'année suivante, en avril 1321, R. de Presles acquit de l'abbaye cistercienne de Vaucelles (diocèse de Cambrai) cinquante arpents de terre arable, en cinq pièces, alors incultes, sis au terroir de Celles, moyennant une rente d'un muid de blé, mesure de Vailly, à prendre sur les deux muids que ledit Raoul percevait annuellement sur le moulin voisin de la « maison » des moines de Vaucelles (Archives nationales, JJ 61, nº 52).

    Sources: Vous pouvez lire l'intégralité de ce document à la Bibliothèque Perséé: Louis Carolus-Barré, La commune de Condé et de Celles-sur-Aisne des origines à la suppression de la commune fédérative de Vailly (avant 1137-13 juin 1323). Perséé

     

    Guillaume de Nogaret. (1260 env.-1313)

    Guillaume de Nogaret NOGARET -(Guillaume de), chancelier de France, né vers 1260, à Saint-Félix-de Caraman (Haute Garonne), mort en avril 1313. Docteur et professeur és-lois à l'université de Montpellier (1291), il fut anobli par Philippe le Bel, à qui il se dévoua corps et âme, et qui le nomma chevalier de son hôtel. Lors de la querelle du roi avec Boniface VIII, ce fut lui qui accompagné de Sciarra-Colonna arrêta le pape à Agnani (1304). Il fut encore dans l'arrestation des juifs du Languedoc (1306) l'instrument du roi, qui le nomma (1307) garde des sceaux, puis (1308) chancelier.
    Sources: Ludovic Lalanne — Dictionnaire Historique de la France volume II — Paris 1877.

    Homme de loi, originaire du Languedoc, Guillaume de Nogaret fut d'abord professeur de droit romain à l'université de Montpellier et conseiller juridique de divers seigneurs, et notamment du roi de Majorque. Entré au service de Philippe le Bel vers 1292-1295, il s'entremit lors de l'achat par le roi de la part qu'avait dans la seigneurie de Montpellier l'évêque de Maguelonne, puis fut juge-mage de la sénéchaussée de Beaucaire (1294), conseiller du roi (1295) et garde du sceau (1307). Il dirigea en fait la politique royale après la mort de Pierre Flote (1302). Le roi l'anoblit par lettres dès 1299.

    La part la plus importante de son action politique est peut-être l'oeuvre quotidienne pour la défense, la préservation, la définition, voire l'extension des droits du roi à l'intérieur de son propre royaume. C'est là qu'il est, entre autres, le légiste du roi. Il s'y montra intransigeant et efficace, mais n'y conquit guère la popularité.

    On connaît davantage son rôle dans la lutte contre Boniface VIII et dans l'affaire des Templiers. Contre le pape, il infléchit la ligne politique de Flote, qui défendait contre le Saint-Siège le droit du roi à être maître dans son royaume, donc maître de son clergé; pour Nogaret, il s'agit surtout de défendre l'Eglise et le royaume contre un pape indigne; venu à la curie pour notifier à Boniface VIII un appel devant le futur concile — qui annulait toute sentence que pourrait rendre le pape contre le roi — et placer la personne du pape sous l'autorité de l'appelant, Nogaret se trouva mêlé au tumulte déclenché par une faction romaine (Anagni, 7 sept. 1303) et, par là, compromis avec les fauteurs de violence. Le pape mort, il entretint une lutte de plus en plus vaine contre la mémoire de celui-là; il multiplia les écrits pour se justifier, ce qui contribua à associer son nom au souvenir de l'attentat d'Anagni. Il fut implicitement inclus dans l'absolution négociée en 1311.
    L'affaire du Temple lui avait également servi de moyen de pression sur la papauté.
    Nogaret fut le premier homme d'Etat français qui fit appel à l'opinion publique, convoqua systématiquement des assemblées, fit répandre des pamphlets et lança une campagne de pétitions. L'offensive de 1303 contre Boniface est un modèle du genre. Mais Nogaret demeura souvent à l'arrière-plan, faisant parler ses hommes de confiance, parmi lesquels Guillaume de Plaisians. C'est ce dernier qui harangua la foule dans les jardins du palais et qui prit part à l'interrogatoire des Templiers.

    Nogaret mourut alors que la prépondérance dans la gestion de la politique royale était déjà passée au très réaliste Enguerrand de Marigny.
    Pour ceux qui voudraient connaitre toute la vie de Guillaume de Nogaret, sur le site de la BNF, vous avez ce qu'il faut. BNF

     

    Guillaume de Nogaret. Sa biographie

    1260
    Date présumée de la naissance de Guillaume de Nogaret, à Saint Felix de Camaran, près de Toulouse. Philippe le Bel monte sur le Trône.
    1287
    Date présumée du début de la carrière de guillaume comme professeur de droit à Montpellier.
    1290
    Il devient tuteur des enfants mineurs de Raymond Gros, changeur de Montpellier.
    1291
    Juin: il achète une maison à Montpellier. Octobre: il acquiert jouissance perpétuelle du mas de Tamarlet, près de Marsillagues (Hérault).
    1294
    Nommé juge-mage de la Sénéchaussée de Beaucaire.
    1295
    Nommé conseiller du Roi au Parlement.
    1299
    Anobli avec le titre de Chevalier ès Lois.
    1302
    Devient Seigneur de Tamarlet.
    1303
    7 septembre: dirige l'attentat d'Anagni contre le pape Boniface VIII (tentative d'enlèvement). 9 Septembre: est excommunié.
    1304
    Juillet: le roi l'établit Seigneur de Marsillargues. 27 Juillet: le roi l'établit Seigneur de Calvisson et de Vaunage (Gard). 18 mai: le roi lui donna la haute et basse justice des terres de Tamarlet, de Manduel, de Sainte-Marie, de Lésignan, de Redessan
    1306
    Philippe le Bel dessaisit la famille du Caylar de son fief et de son Chateau Saint-Chaptes dans le Gard et l'attribue et à Guillaume de Nogaret.
    1307
    22 septembre: nommé Garde du Sceau Royal. 13 octobre: arrête lui-même Jacques de Molay, Grand Maître des Templiers.
    1308
    Assiste aux Etats Généraux avec la procuration de huit des principaux seigneurs du Languedoc. Fait reconstruire le château de Marsillagues. Achète de nombreuses propriétés dans les environs de cette ville.
    1310
    Février: échange sa maison de Montpellier contre la grange de Livières, près de Calvisson. Il devient le principal Seigneur de toute la campagne qui s'étend depuis Nîmes jusqu'à la mer et au cours inférieur du Vidourle.
    1311
    27 avril: relevé de l'excommunication par le pape Clément V. Pénitence: pèlerinage en Terre Sainte, sept pèlerinages en France et un autre à Saint-Jacques de Compostelle.
    1313
    Avril: il meurt à Paris. C'est son fils cadet Guillaume II qui hérite de la Seigneurie de Manduel.
    28 Mai: plainte des consuls de Nîmes accusant Nogaret d'avoir empiété sur les droits du roi et gravement lésé leurs privilèges par les nouvelles coutumes qu'il levait dans sa baronnie de Manduel.
    Pour certains auteurs et certaines sources, il serait mort en 1314 ?

     

    Boniface VIII

    Guillaume de Nogaret et Guillaume de Plaisians étaient les principaux accusateurs à l'encontre du Pape Boniface VIII.

    Il est à la fois suggestif et déroutant d'observer comment les personnes deviennent, dans leur destin posthume, des personnages symboliques. L'historien a quelque peine à discerner, sous la matérialité des faits, les traits authentiques de l'homme et les projections de ses actes dans la suite des événements. Le pape Boniface VIII jouit, si l'on peut dire, de ce privilège ambigu, en un temps de crise pour la chrétienté et la civilisation politique de l'Occident médiéval.

     

    L'homme

    Benedetto Caetani fut élu pape le 24 décembre 1294, alors qu'il approchait de la soixantaine. Election régulière, mais déjà compromise, car elle lui conférait le pontificat suprême après l'abdication, nécessaire et troublante, de son prédécesseur, Célestin V, dont la sainteté ingénue allait nourrir l'opposition à un pape politique. Et la conjoncture, et le tempérament, et sa carrière antérieure conduisaient Boniface à diriger l'Eglise de manière plus politique qu'évangélique. Grand, robuste, l'air majestueux, avec de belles mains, longues et soignées, tel que le montre son effigie funéraire que sculpta Arnolfo di Cambio de son vivant, tel que le virent ceux qui ouvrirent sa tombe en 1605, il était victime d'un tempérament impulsif, irritable, aggravé par des crises de maladie de la pierre, par le goût des déclarations pompeuses, par la conviction sommaire de son suprême pouvoir. Il n'a point, cependant, les vices médiocres que lui attribuent ses adversaires. C'est un petit baron féodal de la campagne romaine, qui, malgré ses voyages et ses relations, à Paris en particulier, n'avait pas compris la nouveauté politique, la valeur humaine, la validité chrétienne des nations, en face du Saint Empire, dont il se jugeait le digne partenaire dans une monarchie universelle.

     

    Le pontife

    pape Boniface VIII La tumultueuse politique de Boniface ne doit pas faire oublier son gouvernement général de l'Eglise. Le retour à l'Evangile, opéré par les ordres mendiants depuis un siècle, avait discrédité la chrétienté féodale, mais n'avait point dégagé l'Eglise de ses pouvoirs constantiniens ; et d'Innocent III, l'ami de François d'Assise et de Dominique le Prêcheur, les successeurs avaient plus conservé le prestige, qu'ils n'avaient soutenu la réforme. La communauté du peuple chrétien était distendue par la scission entre les institutionnalistes et les évangéliques, telle que la manifeste la lutte fraternelle qui, chez les Franciscains, divise les conventuels et les spirituels. Non point querelle subtile de frati, mais manifestation exaspérée du régime paradoxal d'une Eglise continuant dans les contingences de l'histoire le mystère d'un Dieu humblement incarné dans cette histoire. Le réveil évangélique qui travaillait les esprits, aussi bien dans le dolce stil nuovo que dans les sommes de théologie, mettait durement en question les structures et la spiritualité du régime féodal, dont le Saint Empire s'était emparé et que l'Eglise avait sacralisé comme l'ordre divin sur terre. Boniface considérait cette sacralisation politique comme le test et le triomphe de l'Eglise. Par conviction et par tempérament, il s'acharna à en proclamer la vérité et à en poursuivre le succès. C'est, autant que chez les princes, dans le petit peuple de Dieu que se produisit la résistance. Dès le lendemain de son élection, Boniface annula la décision de son prédécesseur, qui avait favorisé la formation d'une branche religieuse fidèle à l'inspiration primitive de François d'Assise. Il déposa le ministre général des Frères mineurs, Raymond Godefroid, protecteur des spirituels, ami du roi de France, protégé des Colonna, les rivaux romains de Boniface. S'ensuivirent les plus rocambolesques aventures, assaisonnées d'excommunications et d'intrigues politiques. Jacopone de Trodi (1230-1306), riche avocat devenu franciscain, dans ses délicieuses laudi, poursuit le pape de ses apostrophes ; et Ubertin de Casale, relégué à l'Alverne, au moment où Giotto décorait l'église d'Assise (1296-1304), l'invective dans son Arbor Vitae (1305), oeuvre étrange où s'entremêlent la tendresse, la méditation théologique et le pamphlet contre le pontife usurpateur. Tous dénoncent, bien avant Laurent Valla, la donation de Constantin, qui prétendait fonder sur l'histoire la théocratie temporelle de l'Eglise. Dante, dans son Enfer, placera Boniface parmi les prévaricateurs simoniaques, et ses conseillers parmi les perfides.

     

    Le politique

    C'est dans ce contexte religieux qu'il faut observer et juger la politique de Boniface, ce qui n'en réduit certes ni la violence ni l'échec. Elle se développe dans les divers secteurs, non sans référence à l'Evangile, tantôt dans l'imbroglio des fiefs disputés, comme ce fut le cas avec le comté de Foix, tantôt pour promouvoir la paix, comme dans le conflit franco-anglais, tantôt pour revendiquer l'indépendance des revenus de l'Eglise contre les prétentions des princes à lever des taxes pour financer leurs entreprises belliqueuses. C'est en France, face à Philippe le Bel, que l'impact de cette politique fut le plus rude. Aussi bien, par-delà les personnes en conflit, la situation était-elle provocante, car, plus que les communes italiennes ou les prétentions impériales, c'est la royauté française qui annonçait l'émancipation et l'autonomie des pouvoirs politiques. On n'a pu restituer que difficilement le détail des événements et de la controverse, les motivations immédiates et fluctuantes des nombreux textes pontificaux, le rôle des individus, la part personnelle du roi et celle de ses légistes conseillers, l'authenticité des pamphlets qui circulaient, les discussions des théologiens, les uns favorables au pape, les autres au roi, tel l'éminent Jean de Paris, maître à l'université de Paris. En tout cas, le roi était passé du terrain politique à une critique religieuse, incriminant le pape calomnieusement dans ses moeurs, dans sa légitimité, dans sa foi. La mission elle-même de Nogaret (1303), envoyé en Italie pour mener à bonne fin l'appel royal à un concile général pour juger le pape, est liée à des épisodes obscurs et déconcertants, dans les complicités exploitées sur place, jusque dans l'entourage du pontife et dans les rivalités des factions de la cour romaine. L'attentat d'Anagni, même dépouillé des images des doctrinaires et des romantiques, fut d'une extrême gravité. Le pape, miné par la maladie et les émotions, devait mourir quelques jours après (oct. 1303). Son successeur Benoît XI, l'un de ses fidèles cependant, tout en condamnant l'opération d'Anagni, annula les sentences de Boniface et prit langue avec le roi.

     

    La bulle Unam sanctam

    Parmi les nombreux documents émanés de Boniface, la bulle Unam sanctam, du 18 novembre 1302, mérite une très particulière attention, et sa rédaction même manifeste que, au-delà de la fièvre des circonstances, elle revêt la forme et la valeur d'une constitution. Elle se présente, en effet, comme un exposé doctrinal des principes qui règlent les rapports entre le pouvoir spirituel de l'Eglise et les pouvoirs temporels. Quant au fond, rien de neuf, par rapport aux textes promulgués depuis Grégoire VII. Ce qui lui vaut sa notoriété, c'est, avec l'ampleur de ses considérants, sa conclusion solennelle, selon la clausule officielle des énoncés dogmatiques: Il est de nécessité de salut de croire que toute créature humaine est soumise au pontife romain: nous le déclarons, l'énonçons et le définissons. Sous cette formule abrupte, c'est la logique de l'économie chrétienne qui, sans surprise ni nouveauté, est ainsi définie. Toute réalité humaine, personnelle ou collective, entre, pour le croyant, dans le processus de sanctification et de divination, et donc dans la communauté de grâce que l'Eglise constitue ; ainsi relève-t-elle de cette Eglise. Les Etats comme les hommes sont justiciables de leurs actes devant la conscience, devant Dieu, devant son Eglise et les organes majeurs de son autorité. Aucun domaine ne peut être mis à part ; il n'y a pas de justice politique hors la morale ; l'ordre politique est au service des hommes, dans le salut de Dieu comme dans la promotion du bien commun. Ce qui fait de cette doctrine élémentaire un absolutisme théocratique, ce sont, plus encore que les circonstances, les considérants qui l'introduisent et prétendent la légitimer. Dans leur solennelle abondance, ils relèvent, eux, d'une élaboration théologique où l'autonomie des réalités terrestres, en particulier de l'ordre politique, est complètement niée. De fait, c'était alors, sauf chez un Jean de Paris, disciple de Thomas d'Aquin, sauf aussi bientôt dans le De monarchia de Dante, parfait contexte de cette problématique, la théologie courante, telle que l'enseignait le conseiller de Boniface, le cardinal Matthieu d'Aquasparta, un adversaire des spirituels. Elle est connue sous la dénomination d'augustinisme politique, à cause de ses références aux oeuvres de saint Augustin. L'Eglise ne s'en dégagera pas avant Léon XIII, à la fin du XIXe siècle.

     

    Pierre de Flote ou Flotte (mort en 1302)

    Pierre de Flote Le premier des grands légistes méridionaux — formé à Montpellier — ayant joué un rôle véritablement politique sous le règne de Philippe le Bel. Originaire du Dauphiné, Pierre Flote fut d'abord au service du dauphin Humbert Ier. Le roi en fit un conseiller en son parlement, vers 1291, et lui confia dès lors de nombreuses missions, particulièrement en Guyenne et en Languedoc. A partir de 1296, Flote prit en main la politique royale face au pape Boniface VIII, auquel il entendait faire reconnaître le droit du roi à être seul maître dans son royaume, c'est-à-dire le droit de juger et d'imposer tous ses sujets, y compris les clercs. En 1297, il négocia à Rome la canonisation de Louis IX. Chancelier de France en 1300, il joua un rôle essentiel et parfois spectaculaire comme conseiller et porte-parole du roi. C'est ainsi qu'il fut envoyé à Rome par trois fois et qu'il tenta vainement de faire du pape un instrument de la politique royale. En 1301, malgré les prérogatives de l'Inquisition, il dirigea au nom du roi la procédure contre l'évêque de Pamiers, Bernard Saisset, poursuivi pour complot et inculpé d'hérésie. L'année suivante, devant les états généraux réunis à Paris, il mena la lutte contre les prétentions pontificales.

    Mêlé à toutes les affaires du royaume, y compris aux tâches de routine de la machine judiciaire et de l'administration financière, Flote fut en tout le champion de l'absolutisme royal — encore bien imparfait — sur le plan intérieur; il fut aussi le champion de l'indépendance monarchique au sein d'une chrétienté naguère dominée par le pape et l'empereur. Ce juriste fut l'un des premiers à mettre le droit romain de l'Etat au service d'une monarchie qui ne fût pas universelle.

    Chevalier, Flote participa à l'expédition de Flandre et fut tué au cours du désastre de Courtrai, le 11 juillet 1302. Guillaume de Nogaret lui succéda.

     

    Archevêque de Narbonne Gilles Aycelin

    L'évêque de Clermont était alors Aubert Aycelin, nommé par le pape le 11 août 1307, à la suite d'une longue vacance du siège qui durait depuis septembre 1304 et de difficultés qui s'étaient levées au sein du chapitre cathédral pour pourvoir à cette vacance.

    Aubert Aycelin appartenait à une illustre famille d'Auvergne. Neveu de Jean Aycelin, qui fut évêque de Clermont de 1297 à 1301, il l'était également de Hugues Aycelin, de l'ordre des frères prêcheurs, qui devint cardinal en 1287, et de Gilles Aycelin, qui fut prévôt de la cathédrale de Clermont avant de devenir, en 1290, archevêque de Narbonne (1). On sait que Gilles Aycelin joua un rôle important pour soutenir les thèses royales dans l'affaire des templiers. Au consistoire public du 29 mai 1308 à Poitiers, par exemple, il intervint dans un sens qui leur était tout à fait défavorable et demanda le châtiment de l'ordre. Pendant les absences de Nogaret, et notamment le 27 février 1310, il recevait provisoirement la garde du grand sceau royal. C'est également lui qui fut désigné pour présider la commission pontificale chargée pour la France de recueillir les témoignages au sujet de l'ordre (2).

    Le titulaire du siège de Clermont était ordinairement un fidèle soutien de l'autorité royale et en recevait un appui non moins fidèle. Il était aussi, comme évêque, un important seigneur féodal pour qui la protection du roi n'était pas sans importance. Cette protection, Philippe le Bel avait eu l'occasion de l'exercer, en 1308, en faveur d'Aubert Aycelin dans une affaire où s'opposaient ses droits féodaux aux prétentions du comte Dauphin ; le roi manda à son bailli d'Auvergne de ne pas appuyer de son autorité une prestation d'hommage réclamée par le comte.

    L'historien H. Prutz pense qu'Aubert Aycelin aurait été, dans une certaine mesure, à l'abri des soupçons de complaisance envers le roi parce qu'il avait obtenu sa dignité sans intervention du roi. H. Bouffet, au contraire, soutient que c'était une créature de Philippe le Bel ; il avance, en outre, qu'il fut hostile aux templiers, « le nombre considérable de pièces qu'il fit examiner par la commission pontificale le prouve. » En fait, il n'était peut-être pas une créature du roi, mais ses liens familiaux et ses intérêts devaient le porter à soutenir les desseins de la royauté.

    Conformément aux instructions du pape, l'évêque s'adjoignit, pour l'assister au cours de l'enquête deux membres du chapitre cathédral (Etienne Chausit, abbé, et Pierre de Chalus, chanoine), deux frères prêcheurs (Guillaume Vital et Jean de Rinhac), et deux frères mineurs (Arbert de Thinière et Astorg de Mareugheol). Il est tentant de penser que l'évêque de Clermont choisit des clercs qui avaient représenté leurs communautés aux Etats généraux de 1308 ; malheureusement les procurations du chapitre et des couvents des dominicains et des franciscains de Clermont ont disparu et rien ne permet de confirmer ou d'infirmer cette hypothèse. Leurs noms semblent indiquer que tous étaient d'origine auvergnate. Je n'ai trouvé aucun renseignement sur les quatre religieux: on en possède quelques-uns sur les deux chanoines. Etienne Chausit, chanoine depuis 1287 au moins, fut abbé du chapitre de 1302 à 1322 ; Pierre de Chalus, legum professer, chanoine depuis 1302, fut officiai en 1302-1303 et mourut en 1331.

    Le document n'apporte aucun renseignement complémentaire, ni sur la personnalité de chacun des membres de la commission diocésaine, ni sur la façon dont ils menèrent l'enquête ; le procès-verbal ne mentionne aucune intervention des enquêteurs, et on ne peut donc savoir quelle part personnelle prit l'évêque à cet interrogatoire.
    1. 98. Le 11 août, Clément V informe de cette nomination le chapitre de Clermont (Archives départementales du Puy-de-Dôme, 3G armoire 2, sac E, c. 7b) et le roi (Archives nationale, J 708, c. 281). Aubert Aycelin prête serment de fidélité au roi le 22 août (Gallia Christiana, tome II, édition de 1873, col. 284) et serment de respecter les personnes et biens du chapitre cathédral le 19 novembre 1307 (Archives départementales du Puy-de-Dôme, 3G, armoire 2, sac E, c. 7a).
    2. Il s'acquitta de cette tâche difficile avec équité mais refusa néanmoins de prendre parti au moment de la réunion du concile de Sens ; voir MICHELET, I, 262 et J. FAVIER, Philippe le Bel, page 471.

    Sources: Roger Sève et Anne-Marie Chagny-Sève — Le Procès des Templiers d'Auvergne, 1309-1311. Editions du Comité des Travaux Historiques et Scientifiques. Paris 1986

    Archevêque de Narbonne Gilles Aycelin

    Montaigu, (Gilles-Aycelin de), homme politique et prélat, né vers 1252 à Glaine-Montaigu (Puy de Dôme), mort à Paris le 23 juin 1318. Elu archevèque de Narbonne (1287), il ne fut ordonné prêtre qu'en 1291, devint un des conseillers de Philippe le Bel, signa (juin 1299) la trève conclue à Montreuil entre la France et l'Angleterre, et fut l'un des instruments du Roi dans sa lutte contre la papauté, et dans ses poursuites contre les Templiers. Garde des Sceaux (27 février 1309), archevèque de Rouen (1311), il présida plusieurs conciles provinciaux. Un legs fait par lui servit à fonder à Paris le Collège qui de son nom fut appelé Collège de Montaigu.
    Sources: Ludovic Lalanne — Dictionnaire Historique de la France volume II — Paris 1877.

    Le président de la grande commission écclésiastique: éminence grise du Pape Clément V. Il s'est prononcé contre Philippe le Bel dans l'affaire du procès à la mémoire de Boniface VIII.Philippe le Bel lui pardonna cette incartade, sachant très bien que cet homme était corruptible et malléable à souhait.
    Durant le procès de l'Ordre et des Templiers, il ne s'est pas opposé alors qu'il aurait du le faire à la condamnation au bûcher de 54 Frères du Temple. Il était trop corrompu tout comme l'archevêque de Sens, « Philippe de Marigny ». Il n'avait en tête que l'évêché de Rouen promis par Philippe le Bel pour bons et loyaux services rendu au Roi et à l'état.

    Les procès-verbaux des pièces de ce concile ont disparu; (« Nihil susperest ».) Ces pièces ne sont pas les seules qu'on ait supprimées; cela n'a rien de surprenant. Toutefois, nous savons dès maintenant que ce sont des chevaliers (milites) qui ont été condamnés au bûcher, au concile de Pont-de-l'Arche (Rouen) ; que c'est le neveu du Pape et l'évêque de Bayeux, Guillaume de Trie, qui les condamnèrent. Guillaume de Trie, qui était en même temps membre de la grande commission d'enquête présidée par l'archevêque de Narbonne ! Nous savons que cet archevêque (Gilles Aiscelin) fut élevé à l'archevêché de Rouen, le 15 mai 1311, en remplacement dudit Bernard de Farges, devenu impossible à son siége à cause de sa jeunesse. Aiscelin se fit installer à Rouen le 4 calendes de septembre.

    Un autre concile se réunit à Rouen à l'archevêché, pour députer au concile général de Vienne; les actes de ce concile manquent aussi, nous dit Guillaume Bessin. Il eût été curieux de connaître les termes de la protestation dont parle Bessin; mais tout a été anéanti.
    Quelle fut la main intéressée à supprimer tout cela ?
    La lacération de ces feuilles sinistres prouve l'emploi de la violence exercée sur, les Templiers de Pont-de-l'Arche. On a voulu faire disparaître les noms des juges ecclésiastiques et ceux des victimes.
    Sources: Internet, et Inconnues

     

    Guillaume de Paris

    Nous ne savons pas grand chose sur cet inquisiteur. Sauf que Philippe lui donna plien pouvoir pour questionner les Templiers.

    Lettre du 24 août 1307
    Le manifeste du Roi contient une phrase terrible: Nous nous sommes rendus aux prières et aux réquisitions de Guillaume de Paris, inquisiteur de la foi;
    « nous lui avons promis le secours de notre bras;... nous avons décidé que les Templiers seraient entendus, parce que s'il est parmi eux des innocents, il faut qu'ils soient éprouvés comme l'or dans la fournaise »

    Il s'ensuivait qu'il fallait faire passer des aveux aux Templiers et par tous les moyens qu'ils subissent la torture.
    Sources: Textes de M. Piton — Revue de l'Orient Latin — Tome III. — Paris, Ernest Leroux, Editeur, 28 rue Bonaparte 75006 — 1895
    Guillaume de Paris inquisiteur de la Foi
    Moi, Guillaume de Paris, Grand inquisiteur de la foi et député dans la Maison du Temple de Paris par l'autorité apostolique, afin d'instruire contre les Templiers. Ayant été informé par le Roi, le Pape et l'Eglise de faits accablants à l'encontre des Templiers, je donne l'ordre aux Baillis provinciaux d'arrêter tous les Templiers.
    Vous leur direz comment le Pape et le Roi ont été informés par plusieurs témoins crédibles de ce que l'Ordre à fait.
    Nous leur promettons le pardon s'ils confessent la vérité en retournant à la foi de la Sainte Eglise, autrement, il convient qu'ils soient condamnés à mort.
    On leur demandera par serment comment ils furent reçus personnellement et quel voeu et promesse firent-ils à l'Ordre.
    Et on leur demandera jusqu'à ce que l'on tire d'eux la vérité, et s'ils persévèrent dans la vérité.
    Voici les charges que l'on à contre eux, révélées par plusieurs témoins:

    — Quand ils ont été reçus, devaient-ils demander le pain et l'eau de l'Ordre ?
    — Le Commandeur ou le Maître qui les reçut les menait secrètement derrière l'autel ou ailleurs et, en leur montrant la figure de Notre-Seigneur Jésus-Christ, les faisait renier par trois fois le Prophète.
    — Et par trois fois encore cracher sur la croix.
    — Puis les faisait-il mettre nus et celui qui voulait entrer dans l'Ordre devait baiser les fesses, le nombril et après la bouche du Maître.
    — Et le Maître dit que si un Frère de l'Ordre veut charnellement s'unir avec lui, qu'il accepte ; car il le doit, et il est tenu de souffrir selon les statuts de l'Ordre.
    — Et si chacun d'eux se ceignait d'une cordelette quand il était reçu, et si le Frère devait toujours la porter sur lui tant qu'il était vivant.
    — Et s'ils ont entendu que ces cordelettes ont été mise autour d'une idole qui a la forme d'une tête d'homme, avec une grande barbe, laquelle tête, ils devaient la baiser et l'adorer en leur chapitres provinciaux ; mais ce n'est pas tout, le prêtre de l'Ordre ne sacre pas à l'autel le corps de Notre-Seigneur Jésus-Christ, mais cette idole.
    — Ils doivent faire parler les prêtres de l'Ordre et donner la copie des dépositions aux inquisiteurs le plus tôt possible.
    — Seulement les copies de ceux qui ont confessé lesdits erreurs ; spécialement le reniement de Notre Seigneur Jésus-Christ.

    Les résultats

    Pour arracher les aveux « qu'ils voulaient entendre », les inquisiteurs, ont privé l'accusé du plus simple confort « que les plus petits gens avaient dans leur simple masure », puis il leur présente un questionnaire préparé à l'avance auquel il lui suffit d'acquiescer. En dernier lieu, faute des aveux espérés et répétés, la tortue s'applique.
    Les moyens de torturer un accusé sont à l'époque multiple et inventif. Le plus fréquemment utilisé pour les bons résultats, est ce que l'on appelle alors la question de l'eau: on place dans la bouche de l'accusé un entonnoir que l'on remplit progressivement d'eau qui provoque l'étouffement.
    Il y avait aussi à la disposition des inquisiteurs le chevalet ou l'estrapade: le chevalet était une charpente de bois triangulaire sur laquelle l'accusé était attaché aux poignets et aux chevilles avec des cordes reliées à un treuil. Quand on actionnait le treuil à l'aide d'un cric, les cordes se tendaient et disloquaient les articulations des poignets et des chevilles.
    L'estrapade, l'accusé avait les mains liées dans le dos par une longue corde qu'on passait autour d'une poutre élevée. On hissait l'accusé jusqu'au plafond et on le laissait tomber brusquement jusqu'au raz du sol. Pour raffiner ce supplice, on ajoutait des poids lourds suspendus aux pieds et pire encore, pour les accusés qui ne confessaient pas ce que les inquisiteurs voulaient entendre, les poids étaient suspendus aux testicules.
    Il y avait aussi les Brodequins, ou on brûlait la plante des pieds et autres ...
    Le résultat est radical, les cent trente-huit Templiers parisiens interrogés une première foi, sans aveu, après la torture cent trente-quatre avouent certaines des fautes mentionnées dans le formulaire.
    Sources: Stéphane Ingrand — Les Grands Procès — Le Procès des Templiers — Edition Carnot 2004.

    Pape Clément V

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